SOLVÈNE
Dossier médical
Endométriose profonde diagnostiquée à 32 ans. A 30 ans IVG.
Sa vie
« Je suis la seconde d'une fratrie de 2 filles, ma sœur a 5 ans et demi de plus que moi. Il y avait une mauvaise ambiance à la maison, il n'y avait jamais de vrais échanges. Mes parents ne parlent jamais de leurs émotions, entre eux c'est l'ignorance, l'indifférence, le silence. Comme rien n'est dit, que tout reste dans la superficialité, ils finissent par s'envoyer des petites piques pour blesser. Un jour j'ai même entendu mon père dire devant ma mère que son mariage avait été sa plus grosse erreur. Mon père a laissé ma mère gérer les enfants, il était là pour faire obéir, hausser le ton, mais pour comprendre, faire de la pédagogie, il n'y avait personne, il ne savait pas faire. Quand j'avais 14 ans il est venu me demander ce que je pensais d'un divorce éventuel avec ma mère !! Tout cela ne me convient pas et je l'ai eu sous les yeux pendant des années. C'est devenu plus difficile encore quand ma sœur est partie faire ses études et que je me suis retrouvée seule avec mes parents. Avec ma mère tout est conflictuel, elle n'a pas su faire avec moi, avec ce que je suis. Mes émotions, ma fragilité ont été étouffées et à la fin c'est moi-même qui tentais d'étouffer mes émotions qui sortaient sous forme de colères, de méchancetés envers ma mère. Je ne me le permettais pas avec mon père car j'avais peur de lui et j'ai reçu 2 ou 3 gifles qui m'ont bien marquée. On m'a infantilisée, on m'a gardée sous cloche. C'est ma mère qui a eu ce mauvais rôle de dire non sans discuter. On m'a prise pour quelqu'un qui n'est pas capable de comprendre, qui devait juste obéir et se taire. On ne m'a pas prise en compte en tant qu'être responsable. Ma mère n'a pas voulu voir que je grandissais, elle a toujours été là pour m'assister et l'est encore. Elle a plaisir à ce que j'ai besoin d'elle, elle espère que j'ai besoin d'elle. Elle n'est pas la mère que j'aurais voulu avoir. J'ai beaucoup de colère, de sentiment d'injustice et en même temps de la culpabilité que tout soit si conflictuel avec elle, que j'ai été dure et méchante avec elle. Je sais que j'ai eu son amour à cause de sa dévotion, mais un amour sacrificiel. Son bonheur, sa vie ne passent que par le filtre de ses enfants. Elle est à 85% mère et seulement à 15% femme. Elle ne s'est pas épanouie, elle est passée à côté de sa vie, cela me fait trop de peine. Je sais très peu de choses de sa vie, qu'elle a perdu son père à 14 ans, sa meilleure amie à 19, ce qui l'a beaucoup marquée. Mais elle n'en parle jamais, elle est en telle difficulté par rapport à ses émotions ! Je ne sais pas grand-chose de la vie de mon père non plus. Je sais qu'il est nord-africain, qu'il a vécu là-bas ses 5 premières années, qu'il a fait la guerre d'Algérie. Tout cela je ne le savais pas, je l'ai appris il y a seulement quelques années.
J'ai eu mes premières règles à 12 ans, je n'étais pas prévenue, j'ai eu peur, peur d'un truc très grave, je les ai mal accueillies. Ma mère était trop pudique pour en parler, de même quand j'ai eu besoin de contraception, j'ai essayé de lui en parler, mais le sujet était fermé, fermé. Je me suis débrouillée toute seule pour aller au planning. A 15 ans j'ai vécu un évènement traumatisant. Je suis partie en vacances avec mes parents et on a tous dormi dans la même chambre. Mes parents ont eu un rapport, ou les préliminaires. J'étais à côté d'eux, cela a été l'horreur, l'enfer sur terre, je ne voulais pas entendre. Ils ont osé faire cela à côté de moi, cela me dégoûte. Comment ont-ils osé faire cela devant leur fille de 15 ans, prendre le risque que j'entende. C'est aberrant, irrespectueux, je me suis sentie bouillonner, je suis sortie de mon lit et j'ai claqué la porte. Les nuits suivantes j'étais dans un stress horrible que cela recommence. C'est d'un tel illogisme : ils ne partagent rien, ils forment un couple non épanoui, à la maison on ne parle jamais de sexe et boum !
A 16 ans j'avais un petit ami et il y a eu plusieurs tentatives de rapports, mais la pénétration a échoué. J'ai eu mon premier vrai rapport sexuel à 16 ans et demi, bof ...lors d'une soirée alcoolisée, avec le meilleur pote de mon petit ami, rapport consenti mais qui n'était pas prévu. L'alcool m'a donné le courage, j'ai eu envie que cela se fasse pour désacraliser le truc. Il n'y a pas eu de manque de respect de sa part, c'est moi qui ne me suis pas assez respectée. J'ai culpabilisé par rapport à mon petit copain et je l'ai quitté. Plus tard nous nous sommes remis ensemble et les rapports se sont bien passés. Ensuite j'ai eu plusieurs copains et quelques mecs comme cela en soirée alcoolisée. Quand on se tape un mec d'un soir c'est de l'irrespect pour soi-même, cela ne me ressemble pas, ce n'est pas moi.
A 28 ans j'ai rencontré mon compagnon et les rapports se passent très bien, ne sont pas douloureux. A 30 ans j'ai été enceinte, on n'était pas prêts, nous avons décidé une IVG. Jusqu'au RV j'ai été très sereine, ma raison était alignée, je ne pouvais pas faire autrement. Je n'ai d'ailleurs pas de regret. Mais en même temps, au moment de l'aspiration, un sentiment de choc s'est emparé de moi, je l'ai super mal vécue. Je suis passée d'une sérénité à une très grande tristesse, un truc était venu s'emparer de moi, comme si mon instinct de mère s'était réveillé, comme si tout me rattrapait. C'était comme si une petite âme était venue s'incarner et avait été rejetée par ma décision, comme si j'empêchais une vie d'advenir et de plus une vie issue de l'amour, comme si j'abandonnais mon bébé. J'ai eu le ressenti que cette petite âme le percevait, j'ai voulu qu'elle sache que je n'avais pas pu faire autrement. J'ai voulu voir le produit d'expulsion, j'en avais besoin. Je n'ai jamais vraiment parlé à personne de tout cela, j'en ai seulement dit quelques mots à une amie d'enfance et à mon compagnon. »
Sa réflexion
« **L'endométriose est une maladie qui n'est pas là par hasard, qui n'arrive pas à ce moment par hasard. Chronologiquement il y a un alignement entre l'IVG et la première crise d'endométriose très douloureuse qui est survenue un an pile après l'IVG. On m'avait arraché mon enfant et un truc animal s'était réveillé. Intuitivement, immédiatement j'ai fait un lien. ** Moi qui suis attachée à la symbolique, à la synchronicité, ce que vous dites de l'endométriose en symbolique, la féminité égarée, c'est beau, cela me touche, cela vibre pour moi. Je n'ai pas une bonne définition du féminin, je ne vois pas ce qu'est le féminin en dehors du côté maternel. Je veux pourtant un équilibre entre ces deux versants de la femme, et de la mère. Quand je vois le schéma de mes parents, j'ai trop peur d'être comme eux, l'image de leur couple ne me convient pas, ce schéma est celui auquel je ne veux pas ressembler. Je me suis toujours imaginée comme une bonne mère mais pas dans le sacrifice comme ma mère et je veux être une mère qui parle de tout. Je ne veux pas terrifier mon enfant comme mon père l'a fait. L'endométriose pourrait être là pour m'inviter à savoir qui je suis vraiment, ce que je ne veux pas prendre du modèle que j'ai eu et aussi pour m'aider à passer du statut d'enfant au statut de femme. J'ai contenu toute ma vie, je veux me rencontrer, savoir qui je suis. J'ai bien identifié ce que je ne veux pas, ce que je veux est plus flou. L'endométriose me pousse à comprendre, à me faire aider, à prendre soin de moi. »
Une semaine après au téléphone « Ce qui m'est apparu nettement dans l'entretien est que cette importante frustration que j'ai prend racine dans le fait qu'on m'a empêchée de grandir, qu'on a empêché la femme d'advenir, qu'on m'a mise sous cloche, qu'on n'a pas fait confiance à ma capacité de responsabilité. J'ai de la colère de m'être sentie incomprise. Je me suis maintenue dans cet état de frustration que j'ai longtemps pensé secondaire à l'adolescence et je prends conscience que je me suis aussi enfermée moi-même. J'ai pu mettre des mots sur cette frustration qui a impacté ma vie et faire ce lien que je n'avais pas fait.