ATHALIE
Dossier médical
A 14 ans début des cystites qui seront à répétition, algies abdomino-pelviennes et lombaires qui réveillent. Naissance d'une fille à 28 et 31 ans.
Sa vie
« Ma mère ne m'aimait pas, je n'ai pas connu l'amour maternel, j'étais le vilain petit canard, elle me traitait de grosse vache. Mes parents se sont séparés quand j'avais 9 ans. Je l'ai compris seulement quand ils ont divorcé 2 ans plus tard, avant je pensais que mon père s'absentait pour travailler. Ma mère est restée seule avec 4 enfants.
Quand j'ai eu mes premières règles à 14 ans, je n'étais pas au courant, ma mère m'a donné des serviettes sans un mot. Après mes premières règles, je n'ai plus jamais voulu porter de jupe. J'ai commencé à sortir seule le soir et ma mère me laissait faire, je ne l'intéressais pas. J'ai eu mon premier rapport sexuel à 14 ans, il s'est très mal passé, il a même été catastrophique. Ensuite cela a été la valse des partenaires dont un de 45 ans, sans protection. J'ai commencé alors à faire des cystites et des mycoses à répétition, des douleurs au ventre importantes, invalidantes, qui me réveillaient la nuit. Ma mère m'emmenait chez le médecin traitant tous les 15 jours à cause de ces douleurs. La longue recherche de la cause de ces douleurs a commencé et n'a jamais abouti. J'étais en échec scolaire, ma mère m'a mise au pensionnat ; j'étais bien au pensionnat, je ne voulais plus rentrer chez moi. Ma mère a choisi de faire faire des études à mes frères et ma sœur, pas à moi. Encore une injustice qui m'a extrêmement marquée ! A 16 ans j'ai subi une tentative de viol, j'ai été agressée un soir à 10 heures, il faisait nuit. Un homme s'est jeté sur moi, m'a fait tomber de vélo, j'ai réussi à me sauver. Je suis rentrée chez moi, j'ai raconté à ma mère, elle m'a giflée et m'a dit : 'va te laver et te coucher'. Nous n'en n'avons plus jamais reparlé et je n'en ai jamais parlé à personne d'autre. J'en parle aujourd'hui pour la première fois. J'ai parfois pensé consulter un psychologue pour cette raison, mais je n'ai jamais osé, par peur du regard des autres, du jugement. J'aurai aimé pouvoir en parler à quelqu'un, qu'on prenne en compte ma souffrance à ce moment, qu'on porte plainte, que ma mère s'occupe de moi. Je revois encore souvent la scène de cette agression qui vient me hanter, c'est un traumatisme important surtout quand vous n'avez pas de soutien. Après j'ai eu encore plus de mal avec les hommes.
Puis j'ai rencontré mon mari. Ma vie sexuelle a été correcte entre la rencontre et ma première grossesse. Pendant mes deux grossesses les douleurs ont complètement disparu, j'étais fière d'être enceinte, les grossesses me redonnaient ma féminité, par contre je n'ai pas aimé accoucher, je voulais les garder mes enfants. J'ai gardé 10 kgs après chaque grossesse, car j'étais tellement bien enceinte que c'était une assimilation aux grossesses ce surpoids, pour moi le poids c'est cela et je suis bien comme cela. Après les grossesses, j'ai été plus mère qu'épouse, je protège énormément mes filles parce que moi je n'ai pas été protégée. Ma fille de 16 ans prend un car à 400 mètres de la maison pour aller à l'école, je l'accompagne toujours jusqu'au car. Avec mon mari, je refuse les rapports, c'est même pas la peine d'y penser, ma libido est à zéro, je suis bien quand je n'ai pas de rapports, mais mon mari fait la gueule. Les cystites et les douleurs sont une excuse pour les éviter. Je prends la pilule en continu pour ne pas avoir les règles dont je ne veux pas.
Après les grossesses, les douleurs sont réapparues et ne m'ont plus quittée. Parfois je me dis que si cela continue je vais me tirer une balle dans la tête, je ne peux pas vivre comme cela. J'ai vu plusieurs gastroentérologues qui ont fait échographies, lavement baryté, coloscopies, fibroscopies à plusieurs reprises. J'ai vu un urologue, deux neurologues, un neurochirurgien, un médecin de médecine physique. J'ai eu des radios de colonne, de bassin, scanner, IRM. J'ai eu une cœlioscopie, j'ai même été opérée de l'appendicite. Tous ces examens se sont révélés normaux. Les traitements entrepris, qui ne sont pas anodins, comme les antiépileptiques, les antalgiques, les antidépresseurs n'ont eu qu'un effet passager. En fait je voudrais qu'on me coupe, qu'on m'enlève tout entre le nombril et la mi-cuisse. »
Sa réflexion
« Ce que j'aurais aimé, c'est un espace de parole, mon médecin traitant n'a jamais abordé ces questions de vie. Il m'a dit qu'il n'y avait pas d'explications pour ces douleurs, ce que j'ai traduit par : 'tu es cinglée'. Toutes ces consultations, tous ces spécialistes, tous ces examens complémentaires, auxquels vous vous heurtez, vous rebondissez sans cesse et qui sont normaux, vous confirment que vous n'êtes pas normale, que vous avez un pet au casque. On ne m'a pas posé les bonnes questions, on ne m'a jamais posé de questions. On ne m'a jamais dit des mots qui m'expliquent que ces douleurs ont quelque chose à voir avec ma vie d'enfant si difficile, des petits mots qui expliquent que des souffrances, des blessures anormales de l'enfance, de l'adolescence s'impriment sur votre corps qui va prendre la parole et dire comme il le peut combien on souffre. On ne m'a jamais dit des mots qui font entrer ces symptômes dans ma vie, qui m'auraient permis de comprendre.
J'ai eu beaucoup de mal à me décider à consulter un psychologue, en fait j'associais la consultation d'un psychologue à la pathologie psychiatrique. Le déclic s'est fait quand vous m'avez suggéré une explication pour mes douleurs, mes cystites, un lien avec ma vie d'enfant, d'adolescente, quand vous m'avez proposé de faire un courrier à la psychothérapeute, je me suis alors sentie sécurisée. J'ai commencé cette psychothérapie il y a 2 ans et sur une échelle de la douleur sur 10, j'avais 7 auparavant et je maintenant 1, je fais moins de cystites et mes rapports se passent beaucoup mieux depuis le début de ma psychothérapie. »