MILA
Dossier médical
A 5 ans début de crises douloureuses abdomino-pelviennes. A 20 ans début de cystites post-coïtales, bilan urologique normal, prise antiseptique urinaire au long cours pendant 2 ans. A 28 ans incision radiale chirurgicale de l'hymen pour cystites à répétition persistantes et douleur à la pénétration, pas d'amélioration après la chirurgie. A 33 ans suspicion endométriose.
Sa vie
« Je suis la dernière d'une fratrie de 3 enfants, j'ai 2 frères de 9 et 7 ans mes aînés. J'ai eu l'amour et la tendresse de mes parents.
Ma mère m'a dit qu'à mes 2 ans elle avait trouvé du sang dans ma culotte et le diagnostic posé avait été celui de cystite. Elle me dit aussi que, enfant j'ai toujours eu mal au ventre. Moi, j'ai des souvenirs à partir de 5 ans de ces crises douloureuses, notamment quand j'allais chez mes grands-parents. La douleur n'était pas prise en compte car, dans la famille, on ne s'apitoie pas. On ne m'a pas emmenée chez le médecin pour mes douleurs de ventre, ni pour la constipation opiniâtre qui me laissait sans aller aux toilettes pendant une semaine et même une fois plusieurs semaines. J'ai eu mes premières règles très douloureuses, à 14 ans et je n'ai pris la pilule pour me soulager qu'à partir de 20 ans car ma mère était contre.
J'ai eu mon premier rapport à 19 ans qui ne s'est pas bien passé, il a été très douloureux, il est resté unique avec ce garçon. A 22 ans j'ai eu une relation qui a duré 18 mois et j'évitais autant que possible les rapports car la pénétration était toujours difficile, je disais que j'avais mal à la tête, que j'étais fatiguée et quand il y avait rapport je serrais les dents. Alors je faisais des fellations pour faire plaisir, presque par nécessité. Ensuite j'ai eu une brève relation avec un homme qui m'a prise comme un plan-cul, pour un bouche-trou et étrangement les rapports se sont bien passés. Puis je suis restée 4 ans avec un nouveau compagnon, pendant quelques semaines les rapports ont été satisfaisants, même s'ils pouvaient être douloureux au fond du ventre, puis de nouveau ils sont devenus difficiles notamment à la pénétration, ce qui empêchait un rapport complet. La pénétration était tellement difficile que j'ai subi l'intervention sur l'hymen qui n'a pas donné un bon résultat, là encore j'ai diminué la fréquence des rapports. Depuis mes 30 ans j'ai une nouvelle relation, les rapports se sont bien passés pendant 3 semaines, puis de nouveau sont devenus difficiles même sans pénétration complète, puis après chaque rapport je fais une cystite et une fois sur deux avec du sang. Mes rapports n'ont pas toujours été forcément désirés, à cause de la douleur, j'ai souvent eu un rapport pour faire plaisir et pas pour mon plaisir et parfois je n'arrive pas à retenir mes larmes tellement j'ai mal, c'est comme si mon corps se fermait.
Il y a 2 ans, j'ai vu un voyant à cause de l'impossibilité de la pénétration, il m'a dit : c'est normal avec ce que vous avez vécu ! J'en ai parlé à ma mère qui m'a dit qu'elle avait toujours eu des doutes par rapport à son père, quand enfant j'allais en vacances chez mes grands-parents, elle me posait toujours des questions sur ce qui s'était passé, car quand elle était enfant, il lui touchait les seins. Moi je me souviens que quand j'allais chez eux, je regardais la télé dans le lit avec mon grand-père et que ma grand-mère restait la regarder en bas, j'étais mal à l'aise car il me serrait contre lui. Je me souviens aussi qu'il me touchait les cuisses et j'ai remarqué que personne ne peut me toucher les cuisses, cela me gêne, pour moi elles font partie de mes parties intimes. Je me suis sentie coupable de ces agissements de mon grand-père, une culpabilité de 6 ou 7 sur 10. Je me souviens aussi de ces crises de douleurs de ventre que j'avais quand on allait voir mes grands-parents, je me revois petite fille tordue de douleur sur le banc près de leur entrée, comme s'il fallait faire un gros effort pour entrer dans leur maison.
Ma mère était la dernière d'une fratrie de 7 enfants, elle me dit qu'elle cachait sa poitrine, qu'elle était un vrai garçon manqué. Elle n'a jamais dit à mon père que quand elle était petite, elle était dérangée par le fait que son propre père lui touche les seins car elle a peur de sa réaction (pleurs) elle dit qu'elle le dira quand son père sera mort. Elle ne veut pas gâcher la fin de vie de son père, elle veut le protéger. Elle ne veut pas que je parle à mon grand-père de ce que j'ai vécu avec lui et elle m'a aussi interdit d'en parler à mon père. Pourtant elle dit avoir des doutes sur les agissements de mon grand-père pour deux de ses petites filles, les nièces de ma mère, mais qu'elle ne leur en parlera jamais. Elle pense qu'on met un truc en lumière qui ne sert à rien, que, si on n'en avait jamais parlé, on n'en serait pas là. Elle dit on ne va pas faire des histoires pour rien, c'est du passé. Elle ne voit pas pourquoi j'aurais des répercussions de cela, elle pense que mon problème c'est autre chose. Elle n'envisage pas l'impact que cela a sur moi, elle n'est pas du tout dans la démarche du développement personnel, de la CNV, elle dit toujours tu devrais, tu pourrais, tu ..... Elle a réussi à vivre avec tout cela, mais peut-être que si ses trois enfants sont si sensibles il y a un lien. A son époque il n'y avait pas de prise en charge, elle n'a jamais vu un psychologue. Elle veut rester dans le déni parce qu'elle se sentirait tellement mal de penser que peut-être elle est passée à côté de quelque chose pour moi. Je pense qu'elle se sent coupable (pleurs), elle me propose souvent de m'aider financièrement, ce qui n'est pas nécessaire. Je n'irai jamais contre son avis (pleurs), je ne serais pas à l'aise avec moi-même si je le faisais, ce n'est pas envisageable. J'aurais peur qu'elle ne m'épaule pas si je prends la décision contraire à son avis. Pourtant je ne suis pas d'accord, si c'était moi la mère, je ne ferais pas ainsi vis-à-vis de ma fille. J'ai de la tristesse vis-à-vis de ma maman quand elle pleure, c'est le truc le plus dur pour moi et en même temps, j'ai envie d'aller mieux. L'amour de ma mère pour ses parents ne légitime pas son silence ni celui qu'elle m'impose. J'aimerais qu'elle légitime ma souffrance en lien avec quelque chose de ma vie relié à eux. En parler avec mon grand-père me permettrait peut-être de comprendre, comprendre que ses gestes n'étaient pas mal intentionnés.
Pour ces problèmes de cystites, de difficultés de pénétration j'ai vu 3 ou 4 urologues, 4 ou 5 gynécologues, aucun ne m'a posé de questions sur ma vie, n'ont pas cherché à savoir, l'une m'a dit de porter des culottes en coton, une autre que c'était dans ma tête. Seul un gynéco m'a envoyé voir une sexologue qui, elle, a posé des questions sur ma vie. Suite à cela j'ai eu une trentaine de séances de rééducation périnéale par une sage-femme qui a fait seulement les gestes de rééducation, il y a eu une amélioration pour mettre des tampons, pas pour les rapports. Puis il y a eu l'intervention sur l'hymen qui n'a résolu ni le problème des cystites ni celui de la difficulté de pénétration. J'ai bien compris que pour les cystites et les difficultés de pénétration la médecine traditionnelle est allée au bout de ses possibilités. »
Sa réflexion
« Les choses sont difficiles, pas claires, les gestes de mon grand-père ont été mal vécus par ma mère et par moi. L'omerta que ma mère ne veut pas rompre est une difficulté. Est également pénible le refus de ma mère de faire un lien entre mes problèmes et mon grand-père alors que moi je le pressens. Je ne me sens pas légitime, rationnellement je ne comprends pas pourquoi il y aurait un lien mais je sais quand même que cela a de l'impact sur moi, qu'il y a un truc à lâcher. J'ai eu une séance de kinésiologie et ce qui est ressorti c'est le traumatisme de guerre de mon grand-père que je porte. Moi je pense que, si on communique, on peut régler l'affaire même si je voudrais résoudre mon problème sans impliquer ma famille. En même temps j'aimerais que ma mère reconnaisse la légitimité des épisodes de ma vie comme cause de mes souffrances.
Mes cystites, mes difficultés de rapports pourraient me permettre de remettre les choses dans l'ordre, les choses au clair. L'entretien m'a aidée à comprendre que le corps garde la mémoire de nos blessures, que le corps sait tout de nous, que les gestes de mon grand-père je les ai mal vécus et c'est mon ressenti qui compte même si ces gestes n'étaient pas forcément mal intentionnés. Mon corps peut-être me le dira tant que je n'en aurai pas vraiment pris conscience, que je n'aurai pas accepté que ces gestes qui me mettaient mal à l'aise ont été une souffrance pour moi. Ensuite je pourrai passer à autre chose. »
Une semaine plus tard au téléphone : « J'ai réussi après l'entretien à parler un peu avec ma mère, à lui avancer quelques réflexions. L'entretien m'a beaucoup aidée à clarifier les choses, j'ai bien compris que pour moi ce qui s'est passé avec mon grand-père a été problématique, c'est mon ressenti et il est indiscutable, même si pour lui il n'y avait pas de mauvaise intention. Je ne porte pas la responsabilité de ce qui s'est passé, j'étais une enfant. Ma culpabilité est descendue à 3/10. Merci énormément. »