TINA
Dossier médical
Troubles du sommeil à 16 ans ; cauchemars ; cystites post-coïtales à répétition entre 18 et 43 ans ; algies abdomino-pelviennes de 25 à 32 ans inexpliquées ayant motivé une cœlioscopie, une fibroscopie, une coloscopie ; métrorragies fréquentes ; idées suicidaires.
Sa vie
« Je fais partie d'une fratrie de 2 filles. En fait j'ai appris récemment que j'avais un demi-frère par mon père qui était militaire, et a vécu dans les îles. Mon père était très autoritaire, très dur, et avec ma mère je ne communiquais pas. Je pense que j'ai eu l'amour de mes parents, mais ils ne l'ont pas montré, il n'y avait aucune tendresse pour nous les enfants. Ils privilégiaient leur couple.
A 16 ans j'ai été violée. Je me suis tue car j'étais sortie sans autorisation. J'ai pris 7 kg en quelques semaines, comme pour me protéger, me rendre moins jolie, être moins désirable. J'ai commencé à fumer des cigarettes et puis des joints, j'ai fait le mur, eu un accident de voiture, de nuit, que j'ai caché à mes parents. J'ai fait n'importe quoi puisque rien n'avait plus d'importance, je me moquais de tout. Je me sentais coupable, j'étais couverte de honte, et animée d'une vive colère ainsi que d'une profonde tristesse. J'ai eu un manque de respect envers moi-même, je ne m'aimais plus. J'ai eu pendant 2 ans des troubles du sommeil et des cauchemars terribles avec toujours les mêmes images en rapport avec l'évènement, après cela s'est estompé. Mes parents n'ont jamais été au courant de ce viol. Mon père est mort quand j'ai eu 43 ans en 6 mois d'un cancer, il n'a jamais su. Je pense que c'est l'extrême dureté de mon père qui a fait que je me suis mise en danger et ai été violée. Il affirmait : 'Les filles qui couchent sont des salopes.' Maintenant il est trop tard pour le dire à ma mère, je veux la protéger. Je leur ai fait beaucoup de reproches car je ne les trouvais pas à l'écoute. Depuis que j'ai eu mon fils, je leur ai pardonné.
J'ai eu mon premier rapport sexuel consenti à 18 ans, comme j'avais peur j'ai parlé à mon copain du viol, c'était la première fois que j'en parlais, il a été extrêmement gentil, le rapport s'est bien passé, je suis restée un an et demi avec lui. Ont commencé avec ce premier rapport les cystites incessantes, post-coïtales presque systématiques après chaque rapport et pour lesquelles j'ai passé 7 ans de ma vie sous Bactrim pratiquement en continu. Pour le bilan des cystites, qui a été normal, l'urologue a fait une cystoscopie, (examen de la vessie avec une caméra) elle a été réalisée sans délicatesse et a été pour moi comme une réminiscence du viol, une agression terrible. Cet examen m'a été odieux, en plus, juste après, j'ai fait une cystite carabinée, très douloureuse. Il y a eu aussi une urographie (examen radiologique de l'appareil urinaire), on m'a fait faire pipi debout, encore une humiliation !
A 25 ans j'ai épousé mon premier mari que je connaissais depuis l'enfance. Clairement les cystites ont diminué à raison d'à peu près une par trimestre. Avec lui j'ai eu envie de construire, j'ai eu envie d'être enceinte très vite, viscéralement, un vrai cap dans ma vie, et j'ai eu mon fils. Après la naissance de mon premier enfant, les relations avec mon mari ont changé, il est devenu très jaloux de l'enfant et a exercé sur moi une violence psychologique. J'ai commencé à ce moment-là à avoir des douleurs abdominales qui ont été étiquetées colopathie fonctionnelle (trouble du fonctionnement de l'intestin). Cette colopathie a été épouvantable, elle m'a terrassée, m'a empêchée de vivre, elle m'a cantonnée dans ma maison comme dans une prison, mon corps aussi était en prison. Je ne travaillais pas à l'extérieur, mais je n'aurais pas été en état de le faire. J'en avais marre de souffrir, j'ai eu des idées suicidaires, une forme de désespoir. Cette colopathie a fait l'objet de nombreuses consultations, le premier gastro-entérologue consulté a dit que c'était un problème de vie ; j'ai décodé : 'Je ne peux rien pour vous, cherchez votre problème.' Je n'ai pas accepté, car je voulais en priorité qu'on me prenne en charge, qu'on me trouve la solution, et il ne me proposait rien. Le second confrère consulté a fait la fibroscopie et la coloscopie qui étaient normales, lui non plus n'a pas trouvé la solution. Il m'a prescrit un antidépresseur qui a calmé la colopathie mais m'a mise complètement à l'ouest, je l'ai arrêté, j'ai compris qu'il traitait seulement le symptôme. J'ai fait un stage de développement personnel qui a duré un an, j'ai commencé à comprendre. J'ai envisagé petit à petit que le premier gastroentérologue consulté avait raison puisque cette colopathie s'est arrêtée brutalement après la séparation d'avec mon mari après 7 ans de vie commune, j'avais 32 ans.
Puis je me suis remariée, les cystites ont continué au même rythme, une par trimestre à peu près, jusqu'à ma nouvelle séparation à 43 ans, date à laquelle elles se sont arrêtées complètement. Je me suis séparée car mon mari était manipulateur, il me tenait sous sa coupe, refusait que j'ai un travail. J'ai eu pendant ce temps de mariage mes deux filles, sans cystite pendant les grossesses. J'ai entrepris à ce moment-là une psychothérapie qui a duré un an avec un psychiatre à qui je n'ai pas parlé du viol, il a voulu me mettre sous antidépresseurs, ce que j'ai refusé. J'ai entrepris en même temps des séances d'hypnose dont j'ai tiré beaucoup de bénéfice, on a beaucoup travaillé sur le viol, j'ai fait un bond en avant dans la connaissance de moi-même. Je pense que l'hypnose m'a métamorphosée, j'ai compris le choix de mes partenaires qui usaient de violence psychologique, me manipulaient, j'ai compris pourquoi j'avais persisté dans ces mauvais choix. J'ai un nouveau partenaire depuis 2 ans, avec qui tout va bien et je n'ai pratiquement plus jamais de cystite. »
Sa réflexion
« Pour moi les variations de fréquence de ces cystites sont très clairement calquées sur ma vie. Je pense qu'elles se sont un peu calmées avec mon premier mari car la différence entre lui et mes précédents partenaires a été la confiance et la sécurité que j'ai ressenties. Je n'ai eu aucune cystite pendant les grossesses qui m'ont rendu mon épanouissement de femme. Ensuite avec mon second mari les cystites ont continué au même rythme d'une par trimestre. Elles se sont pratiquement arrêtées après la séparation et je n'en fais plus depuis que je suis avec un homme qui me correspond. Ces symptômes étaient une sorte de punition et aussi une façon de me protéger, me rendre indisponible, me préserver des rapports en me donnant une raison de les éviter. Pendant les rapports j'étais toujours dans la retenue, avec la peur d'avoir mal comme lors du viol alors qu'il faut pouvoir se donner lors d'un rapport. Les cystites, se sont estompées depuis que j'ai compris leur message, ce que je devais changer, avant j'étais dans la lutte.
J'ai vu des tas de médecins, j'ai eu des centaines de consultations depuis une trentaine d'années pour les cystites, la colopathie. Toujours ils décrétaient : 'Vous n'avez rien,' mais alors pourquoi j'étais malade ? La plupart ne m'ont jamais posé aucune question sur ma vie. Je n'ai eu aucune solution de la part des médecins qui m'ont bousculée avec des examens agressifs et qui ne m'ont proposé que des traitements qui n'ont pas marché, dont les 7 ans de Bactrim (sulfamide) qui ont bien dû abîmer mon système immunitaire. Il fallait seulement m'aider à me réconcilier avec mon corps. S'ils m'avaient aidée à cette réconciliation avec moi-même, les cystites qui ont handicapé toute ma vie de femme auraient disparu plus tôt. Seul, le premier gastro-entérologue m'a aidée, il m'a fait réfléchir, même si je n'ai pas compris tout de suite, mais cette consultation a quand même participé à la prise de conscience qui a fait démarrer ma propre prise en charge pour ajuster ma vie. Je pense que, s'il avait fait un pas de plus, s'il m'avait guidée, s'il m'avait aiguillée, je me serais dit : 'Je vais essayer'. Mieux dirigée j'aurais gagné du temps, cela m'aurait libérée plus rapidement. Pendant longtemps je voulais qu'on me trouve la solution, que j'ai moi-même cherchée au niveau physique jusqu'à ce que je comprenne, mais seule, que la solution était en moi. J'ai fait le lien entre le viol et mes cystites qui sont apparues après mon premier rapport sexuel. Après le viol, j'étais physiquement et psychologiquement détruite, je me disais : 'Je vais mourir.' Quelque part les maladies m'ont sauvée, m'ont obligée à évoluer, à comprendre et j'avais des choses à comprendre. J'avais besoin de la disponibilité des médecins, de leur empathie, pour qu'ils m'aident à comprendre, parce que c'est comprendre qui a été le déclencheur de ma guérison. Le stage de développement personnel, l'hypnose m'ont permis de devenir moi-même, de m'aimer, de me réconcilier avec mon corps, de ne pas reproduire le même schéma de choix d'hommes qui m'humiliaient, de regagner la confiance en moi. Il a fallu que je fasse le travail, que je trouve le chemin toute seule, je sais maintenant que c'est moi qui me suis guérie, qui ai trouvé la solution et j'ai mis du temps.
J'ai accepté l'entretien pour témoigner, pour aider les autres. »