ÉRÉS
Dossier médical
A 23, 29 et 34 ans naissance d'une fille. A 48 ans Chirurgie d'une hernie discale L4-L5.
Sa vie
« J'appartiens à une fratrie de 11 enfants. J'ai eu une enfance heureuse jusqu'à 10 ans, puis la guerre a éclaté dans mon pays, après, cela a été le malheur. J'ai vécu 11 ans de ma vie dans un pays en guerre. C'est un chamboulement complet dans une vie, plusieurs fois j'ai failli mourir. Nous vivions sur la ligne la plus dure, ce qui provoquait des déplacements fréquents. Un de mes frères est mort au combat, il avait 18 ans, un second a été assassiné par les militaires, il avait 30 ans, j'ai aussi perdu plusieurs oncles pendant la guerre. Mes parents étaient toujours en pleurs, en deuil. Mon père était militaire, il était très dur.
Je me suis mariée à 22 ans, puis mon mari et moi sommes venus en France, j'ai été très perturbée par mon changement de vie, le calme m'angoissait, cela vous marque les tirs, les bombardements. Nous avons eu 3 enfants, j'ai beaucoup souffert de ne pas avoir mes parents, surtout ma mère, à côté de moi pour les grossesses, les naissances.
Quand j'ai eu 42 ans nous avons projeté de retourner dans notre pays, nous étions décidés mais la guerre a de nouveau éclaté, nous n'avons pas pu. Quatre années plus tard, l'année de mes 46 ans nous avons repris la décision d'aller vivre là-bas, je suis partie avec mes deuxième et troisième filles pour acheter, aménager une maison. Ma fille aînée est restée avec son père qui devait vendre le commerce que nous avions en France, puis nous rejoindre ensuite. Mes deux filles et moi avons passé 9 mois au pays, une année scolaire, puis nous sommes rentrées en France dans l'été. Mon mari n'avait pas vendu le commerce, j'étais morte d'angoisse à l'idée de devoir prendre la décision de repartir ou pas, car en fait mon mari rêve de retourner là-bas, mais il a trop peur, il ne repartira pas. Penser repartir pour la rentrée seule avec mes filles dans mon pays alors que la situation y était toujours très instable et imaginer qu'il puisse leur arriver quelque chose, là-bas, m'était insupportable car j**'ai vécu toute ma vie avec l'angoisse de perdre un proche, je ne suis pas remise de la perte de mes frères**. Pour pouvoir repartir il me fallait la caution de mon mari, du père de mes filles et mon mari ne disait rien mais ne cautionnait pas le départ. C'était trop dur pour moi, trop lourd pour mes épaules. Les tensions avec lui se sont aggravées, j'ai même pensé divorcer. J'avais un sentiment d'échec total, avec en plus l'échec financier : nous avions mis toutes nos économies dans le déménagement, les travaux d'une maison. Je suis restée en France avec mon mari, c'est à ce moment-là que sont apparues brutalement des douleurs de dos que je n'avais jamais eues auparavant, j'ai été opérée 6 mois plus tard. Je pense que le chirurgien aurait refusé de m'opérer si j'avais vu le psychologue avant l'intervention, ce qui était prévu mais n'a pas été fait, tellement j'étais psychologiquement à zéro. Cependant l'intervention a bien amélioré les choses puisque, avant l'intervention, je ne pouvais plus marcher. Pour la convalescence j'ai décidé de repartir seule quelques semaines dans mon pays pour annoncer ma décision de divorcer. J'ai passé 3 semaines avec ma famille dans un endroit de mon enfance qui me met toujours en état de grâce quand j'y séjourne. Cela a été une véritable thérapie pour moi, je n'avais plus du tout mal au dos. Tout va bien quand je suis là-bas. J'y ai beaucoup échangé avec un de mes frères qui est mon dieu et qui m'a incitée à ne pas divorcer, ma famille apprécie beaucoup mon mari. Je suis rentrée en France et n'ai pas divorcé. L'année qui a suivi, les douleurs ont repris, depuis j'ai mal épisodiquement, mais j'arrive à gérer. »
Sa réflexion
« Pour moi, ce problème de dos n'est pas venu comme cela par hasard. C'est une période charnière de ma vie, j'ai remis toute ma vie en question, j'ai eu à ce moment un sentiment d'échec personnel. J'allais très mal, j'étais moralement au niveau zéro, je pense avoir fait une grosse déprime. Je vais mieux depuis un an, je me suis réhabituée à ma vie ici. Je repars pour les vacances dans mon pays voir ma mère, c'est ma véritable thérapie.»