ÉLYSÉE
Dossier médical
Endométriose, adénomyose diagnostiquées à 26 ans. A 21 ans crises de boulimie, crises d'anxiété. A 25 ans syndrome dépressif.
Sa vie
« Je fais partie d'une fratrie de 3, j'ai un frère de 4 ans mon aîné et un de 2 ans mon cadet. Mon père travaillait tout le temps, il n'était pas présent du tout et quand il était là, il n'y avait aucune connexion, il ne savait pas être papa, pas montrer ses émotions. Il était émotionnellement indisponible. Il ne savait pas étant donné que personne ne le lui avait appris. Il avait été traumatisé puisque abandonné à 9 ans par sa mère qui est partie, puis ensuite par son père qui l'a mis dans un appartement où il vivait seul avec son petit frère, mon oncle. Mon père a un caractère horrible, il crie, fait des colères. Il a pu seulement assurer à ses enfants le gîte et le couvert, comme son propre père avant lui. Je considère malgré tout que j'ai eu son amour, même s'il ne savait pas le montrer, mais pas sa tendresse. Ma mère a été, en pratique, presque seule pour nous élever. Elle a accepté ce statut de femme au foyer, elle a été très investie dans son statut de mère. Quand j'ai eu 11 ans, elle est partie travailler à l'étranger, cela a été horrible pour moi, je me suis sentie abandonnée. Elle était absente 1 mois sur deux, les tâches de la maison attribuées aux filles sont retombées, ont pesé sur moi, petite fille de 11 ans, c'était trop lourd pour mes épaules. Mais c'était impossible pour moi d'aller mal, je voulais protéger ma mère. J'ai eu son amour et sa tendresse, même si elle ne me donnait pas l'espace que j'aurais aimé pour m'exprimer. A 12 ans je me suis de nouveau sentie abandonnée ; j'ai été amoureuse, j'ai eu mon premier baiser, puis le garçon est parti, c'était la fin du monde, j'étais brisée.
A 16 ans j'ai été abusée par un ami de mes parents qui en avait 32. Il m'a approchée, puis nous avons échangé sur les réseaux. Il s'est intéressé à moi, disait m'aimer, m'adorer. Il m'a initiée au gaz hilarant, puis ensuite au cannabis. Il m'a hypnotisée, j'étais jeune, complètement inconsciente. Il m'a jeté un sort, je ne comprenais rien, je ne prévoyais pas ce qui pouvait se passer. On s'est vus pendant plusieurs mois, on se voyait en cachette, j'ai menti à mes parents. Il m'a donné la pilule qu'il volait à sa femme, c'est elle qui me l'a dit plus tard. J'ai compris maintenant que je cherchais l'amour que je n'avais pas avec mon père, il a profité. Mon jeune corps lui plaisait mais en fait il s'en fichait de moi, je n'ai jamais eu d'orgasme pendant les rapports, je ne comprenais rien. Puis sa femme s'en est rendu compte, elle m'a convoquée. Elle m'a traitée comme une adulte qui voulait briser son ménage ! Puis elle a appelé mes parents, alors il y a eu un moment horrible avec la peur. Mes parents ont été choqués, mon père s'est effondré en larmes, c'était la première fois que je le voyais pleurer, c'est moi qui le consolais. Moi je voulais mourir. Je n'ai pas pu aller à l'école pendant 15 jours. Quand mon père a su que nous avions eu des rapports, il m'a dit : tu n'es qu'une pute. J'ai détesté mon père. J'ai été écrasée par une honte et une culpabilité à 10/10. C'était de ma faute ! Si ma mère au moment de la révélation ne m'a pas traumatisée comme mon père, elle ne m'a pas aidée dans ce moment difficile, elle ne m'a pas réconfortée. Je me suis sentie abandonnée. Je me suis sentie sale, différente. Je me suis sentie comme un Alien, pas comme une enfant de mon âge. Ensuite quand j'ai eu des copains, j'ai ressenti un jugement de la part de ma mère. Puis j'ai tout oublié pendant une dizaine d'années, j'ai voulu tout oublier.
A 17 ans j'ai commencé le week-end à prendre régulièrement du cannabis, puis de la méthamphétamine, de l'alcool pour me défouler dans les boîtes de nuit. A 18 ans j'ai eu une relation pendant 6 mois qui s'est bien passée, puis ensuite une autre pendant 2 ans. Les rapports se sont bien passés, même si c'était surtout pour faire plaisir. La femme est là pour donner du plaisir, j'ai quand même eu quelques orgasmes. Le week-end, avec la drogue, j'ai eu parfois des rapports d'un soir, ils ont été consentis. Je suis partie de chez moi à 19 ans. Ensuite j'ai vécu une belle demi-année Erasmus à l'étranger.
A 21 ans j'ai commencé à faire des crises de boulimie, j'ai pris 15 kg jusqu'à peser 76kg pour 1,67m (IMC : 28). Je continuais les soirées, la drogue, j'essayais de fuir mes propres pensées. Malgré cela j'essayais d'avancer dans ma vie, je poursuivais des études, j'ai trouvé un premier travail. A chaque fois que l'ombre de mon traumatisme revenait à la surface, je le repoussais, je voulais oublier comme ce que j'avais fait à 16 ans. J'ai commencé à connaître mes premières crises d'anxiété, de crises de nerf. Je continuais à vivre cette vie souvent dysfonctionnelle.
A 25 ans tout est remonté. Au moment du confinement, comme beaucoup, j'ai arrêté d'aller travailler, j'ai été enfermée dans un appartement de 20m2 avec mon copain. Une nuit d'insomnie, je me suis mise à pleurer, pleurer, puis toute la culpabilité est remontée, j'ai eu tellement mal dans mon corps. J'ai commencé à comprendre ce qui m'était arrivé, l'évènement le plus difficile de ma vie. J'ai pu le dire à mon copain qui a été choqué. J'ai fait pendant un an une thérapie qui m'a beaucoup aidée et a fait diminuer la honte, la culpabilité de 10/10 à 1/10. J'ai compris qu'au moment des faits, j'étais une enfant et lui un adulte. J'ai pu accéder à mon statut de victime. Cela m'a énormément aidée pour avancer dans la guérison. J'ai aussi participé à un groupe de paroles de femmes ayant subi des violences sexuelles, j'ai pu échanger avec elles qui ressentaient les mêmes émotions que moi : douleur, honte, sentiment d'impuissance. J'ai aussi fait une séance d'EMDR pour traiter le traumatisme de mon premier rapport.
Pour l'instant je ne souhaite pas d'enfant. Je ne pourrais pas lui assurer la sécurité financière. Et puis la responsabilité, le travail que donne un enfant me dépasseraient. Vu mon état dépressif, parfois j'ai du mal à prendre soin de moi, je ne m'imagine pas donc prendre soin d'un autre être. C'est un projet de vie trop grand mentalement pour moi pour l'instant ».
Sa réflexion
« En ce qui concerne ma réponse à la question de votre thèse d'un lien entre la maladie et l'histoire, je ne sais pas. D'un côté j'ai du mal à associer mon endométriose à mon histoire, d'un autre côté j'ai bien noté que les symptômes de douleurs de règles invalidantes, de douleurs au moment des rapports sont apparus au moment de la remontée des souvenirs. Ces douleurs ont espacé les rapports et je n'en ai pas eu depuis plusieurs mois. Quand j'ai un rapport, j'ai peur, je pense qu'il y a un blocage par rapport à mon père, par rapport à la culpabilité qu'il a induite qui est l'émotion la plus difficile pour moi, je ne m'autorise pas à avoir du plaisir. »
Une semaine après l'entretien : « J'ai pu réfléchir à ce que vous suggérez en symbolique pour la représentation de l'endométriose et cela me parle. Je sens que ce qui m'est arrivé à mes 16 ans a brisé mon épanouissement de femme, d'autant plus que j'étais à un âge ou je devenais une femme, cela m'a mise en difficulté**, ma féminité même pas encore éclose a été brisée**. L'endométriose pourrait être là pour m'inviter à me réapproprier cette féminité, à l'épanouir. Je prévois de voir un psychologue. »