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ÉNOLINE

Dossier médical

Diagnostic d'endométriose, d'hypersensibilisation à 23 ans. A 9 ans cystites à répétition pendant 2 ans. Anorexie mentale entre 16 et 21 ans : 29kg pour 1,60, IMC : 11,3.

Sa vie

« Je suis l'aînée d'une fratrie de 3 enfants, j'ai une sœur de 2 ans ma cadette et un frère qui a 5 ans de moins que moi. J'ai été heureuse au sein de cette fratrie. J'ai eu l'amour et la tendresse de mes parents qui s'aiment. On est une famille aimante et soudée. A 8 ans je suis allée dans un camp de vacances d'équitation. Un soir un garçon de 11 ans s'est introduit sous ma tente et m'a violée avec ses doigts. J'ai essayé de le repousser en vain. J'ai eu peur, j'ai été stupéfaite, sidérée, je ne pouvais plus parler. Un autre garçon est arrivé et l'a sorti de la tente. Le responsable du camp m'a emmenée chez le médecin où m'attendaient mes parents qui avaient été prévenus. Et là, j'ai subi une deuxième agression, un deuxième traumatisme car le médecin m'a fait un toucher vaginal. Je ne me souviens pas de ce qui s'est passé avec mes parents, mais je sais qu'on n'en a jamais reparlé. J'ai occulté pendant quelques temps. Il y a eu un accord pour renvoyer le jeune homme du camp, mais il n'y a pas eu de plainte. Et j'ai retrouvé le garçon car il était dans la même école que moi. Comme j'habitais à la campagne, je n'ai pas pu changer d'école, aussi j'ai vécu dans la peur de le croiser. Après le collège, je l'ai encore retrouvé au lycée, il m'a harcelée, au self il venait tout près de moi, dans mon espace personnel. Je sais qu'à ce moment, j'ai vu un psychologue plusieurs fois mais je n'en ai aucun souvenir.

A 14 ans j'ai commencé une anorexie mentale qui a duré 8 années. A un moment j'ai pesé 29 kg pour 1,60m. J'ai été hospitalisée à 5 reprises pendant 3 mois. J'ai eu mes premières règles à 15 ans puis les suivantes à 19 elles ont été très douloureuses.

A 18 ans j'ai eu mon premier rapport sexuel qui a été douloureux, tout est remonté. Je n'ai pas été présente à ce rapport, j'ai eu des flashs de ce qui s'était passé à mes 8 ans. J'ai parlé du viol à mon copain après ce premier rapport mais ensuite on n'en a plus jamais reparlé. Je suis restée 2 ans avec lui et pendant des mois, à chaque rapport les images revenaient, mais je n'arrivais pas à le formuler à mon compagnon. Par contre quand la douleur pendant le rapport était physique, et il y avait des positions très douloureuses qui me déchiraient, je réussissais à le dire, mais il n'arrêtait pas le rapport pour autant. Je serrais les dents, je pensais que le problème venait de moi, que c'était moi la coupable. Je me suis même demandé si ce n'était pas moi qui transformais le plaisir en douleur, si j'étais bien normale. Je pense que les hommes aiment le sexe, pour les femmes ce n'est pas plaisant mais il faut y passer. La relation a cessé en partie à cause de ce problème de sexualité.

A 19 ans j'avais un nouveau compagnon depuis 3 mois et un soir j'ai invité dans mon appartement un copain et une copine avec qui je faisais du sport. Je leur avais demandé d'apporter un matelas pour dormir chez moi car ils habitaient loin. Ma copine a eu un empêchement et n'est pas venue, le garçon n'avait pas apporté de matelas. On a dû dormir dans le même lit et il a commencé à me toucher. J'ai dit non. Il a voulu me faire un cunnilingus j'ai refusé. Il m'a touché les seins et m'a doigtée. J'étais tétanisée, j'ai eu la sensation de voir la scène du dessus, d'être morte. J'ai quand même réussi à me lever, à sortir. Ensuite je l'ai dit à mes parents qui l'ont contacté, dans un premier temps il a nié, j'ai été envahie par la colère et j'ai réussi à le faire avouer et ma sœur a fait un enregistrement de l'aveu. J'ai porté plainte, le jugement aura lieu dans 3 mois et j'ai peur de me retrouver face à lui. J'ai de la culpabilité, de la honte à 9,5/10 et une colère à 10/10. J'ai perdu le sommeil, et quand je réussissais à dormir je faisais des cauchemars avec des flashs back. J'ai fait 5 séances d'EMDR qui m'ont beaucoup aidée et ont fait disparaître ma culpabilité. »

Sa réflexion

« Mes douleurs sont apparues avec mes premières règles, elles me paralysent, j'ai l'impression qu'on m'arrache l'utérus. Et depuis plusieurs années, ces douleurs de règles augmentent et des douleurs sont apparues en dehors des règles. J'ai pas mal consulté pour mes douleurs pelviennes, on m'a dit à plusieurs reprises que c'était dans ma tête ! Je me suis sentie abandonnée par le corps médical. Je me suis demandé si je ne les inventais pas ces douleurs, j'ai même eu des questionnements par rapport à mon intégrité mentale, je me suis demandé si je n'étais pas folle. Puis j'ai vu un gynécologue qui m'a écoutée, il m'a demandé : comment ça va ? C'était la première fois qu'on me posait cette question, j'étais très contente quand je suis sortie du RV. Je sais maintenant que je ne suis pas folle.

En mettant en mots mon histoire au fil de l'entretien, je fais des liens que je ne faisais pas auparavant. Le lien entre le viol de mes 8 ans, de mes 19 ans et mon anorexie est très intéressant et plus que justifié alors qu'on m'avait dit que je ne saurais jamais le pourquoi. Je comprends que j'ai voulu bloquer mon corps pour ne pas grandir, ne pas devenir une femme, ne pas avoir de formes féminines. J'ai longtemps refusé mon corps de femme, je voulais être un homme, même maintenant parfois j'aimerais être dans un corps d'homme.

Avec mon nouveau compagnon, il y a beaucoup de respect, il y a autre chose que le sexe qui nous lie et dans l'ensemble les rapports se passent bien même s'il y a eu une longue période sans rapport après le viol. Il me permet de m'accepter comme une femme. Oui j'accepte d'être une femme avec ce compagnon respectueux. Je suis aimée par un homme qui me considère et m'aime en tant que femme. Je lui ai demandé s'il m'aimerait si j'étais un homme et il m'a répondu : non. Et je voudrai des enfants, je suis donc obligée d'avoir mon corps de femme, de penser tous les jours à mon corps de femme. Même si je ne me sens pas une vraie femme, j'aime quand même être une femme. En même temps, cela m'agresse qu'on me dise que je suis féminine, je l'accepte pour moi mais pas dans le regard des autres. Mes douleurs situées dans mon bas ventre pourraient vouloir me dire que je dois faire la paix avec ma féminité. Cela dit je suis sur le chemin de l'acceptation d'avoir mon corps de femme. J'ai déjà travaillé sur beaucoup de choses mais je comprends qu'il reste des choses à travailler. Merci beaucoup en tout cas. »

Une semaine plus tard au téléphone : « Le soir et le lendemain de l'entretien j'ai été remuée. En même temps l'entretien a été très bénéfique. Il m'a permis d'apprendre des choses, de faire des liens, de mettre des mots. Le lien entre mon histoire et ma santé, mon anorexie, mes douleurs pelviennes, est complètement cohérent. La mise de mots sur le pourquoi va m'aider à avancer, à comprendre, maintenant je sais ce que j'ai à travailler. Les douleurs pourraient me dire que cette partie qui a souffert doit être réintégrée pleinement dans ma vie, dans mon corps d'une façon positive pour que je puisse tourner la page. Merci pour votre aide. »

Tous les noms propres ont été anonymisés.