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CLORINE

Dossier médical

Endométriose diagnostiquée à 38 ans. A 15 ans diagnostic SOPK (Syndrome des ovaires polykystiques).

Sa vie

« Je suis l'aînée d'une fratrie de 2 enfants, j'ai un frère de 2 ans et demi mon cadet. Ma vie dans cette fratrie a été difficile. J'ai vécu mon enfance avec un sentiment d'injustice car mes parents accordaient beaucoup plus d'intérêt à mon frère, aussi je lui ai fait vivre la misère. L'injustice me rend folle (émotion +). Avec mes parents, cela a été compliqué, ils ne communiquent pas, on ne parle pas du tout alors comme mes questions restaient sans réponses, je faisais des colères car je ne savais pas comment m'exprimer et je ne me suis plus autorisée à en poser, j'ai fait des angines à répétition qui m'empêchaient de parler. J'ai appris récemment que mes parents se sont mariés quand j'avais 6 ans, je ne le savais pas. J'ai appris un jour, par hasard, par mon père que ma mère avait été adoptée. A ma surprise, mon père a répondu : tu sais bien qu'elle a été adoptée ! Non je ne le savais pas ! Je ne sais rien de la vie de ma mère, je ne sais pas si elle s'est épanouie en tant que femme, en tant que mère. Avoir été informée de ce secret m'a permis de mieux la comprendre, de comprendre ce sentiment de honte et d'abandon que je sens chez elle. Je comprends que ma mère a fait ce qu'elle a pu avec ses moyens à elle et ses blessures, qu'elle m'a donné l'amour, mais que pour la tendresse, cela a été plus difficile pour elle. J'ai appris aussi vers l'âge de 30 ans que mon père avait été marié avant d'épouser ma mère, je ne sais pas s'il a eu d'autres enfants puisqu'on ne se parle pas dans la famille. J'ai de la colère contre mon père qui fuit toujours la discussion, par contre quand il y a des invités ou de la famille à la maison, il n'hésite pas à me descendre, je ne sais pas pourquoi. Parfois mes parents et moi avons un rôle inversé, souvent c'est moi qui les protège. Ceci étant, mes parents sont des gens bien, je veux le leur montrer davantage pour ne pas avoir des regrets comme ceux que j'ai vis-à-vis de mes grands-parents maternels que je considère comme mes vrais grands-parents même si ma mère a été adoptée. J'ai eu beaucoup de chagrin quand ils sont morts à 6 mois d'intervalle quand j'avais 28 ans et un de mes regrets est de ne pas avoir assez profité d'eux.

A 10 ans j'ai été agressée par un ami de mes parents, je n'ai pas compris ce qui se passait, j'ai été stupéfaite, dans l'incompréhension, c'était irréel, j'ai eu cette sensation d'irréalité. Je me culpabilise de ne pas m'être dit que c'était complètement anormal, de ne pas avoir réagi, de ne pas en avoir parlé. J'ai une culpabilité à 100/10. Je n'ai pas pu le dire, plus tard j'ai pu l'écrire. Quand j'avais autour de 25 ans, je suis allée au concert d'un artiste que j'admirais. Je savais qu'il avait subi les mêmes choses que moi, je lui ai écrit une lettre que je lui ai donnée en main propre, il dit qu'il lit toutes les lettres qui lui sont envoyées. Mais je ne sais pas s'il l'a lue. (pleurs). Puis vers 37 ans, j'ai pu le formuler sous emprise de l'alcool à un collègue. Et j'en parle aujourd'hui à vous, à une professionnelle pour la première fois. C'est très difficile pour moi d'en parler, je n'arrive pas à poser des mots sur ce qui s'est passé, cela me met mal à l'aise, je préfère que vous posiez des questions. Je pense que si je ne l'avais pas d'abord écrit, je n'aurais jamais pu le dire. Mes parents ne le savent pas. Je suis très marquée par la disparition de petites filles comme Estelle, Marion.

A 11 ans j'ai eu mes premières règles, elles ont été la honte. Je n'étais pas prévenue. Mon frère criait 'pisse le sang, pisse le sang' et mes parents n'ont rien dit ! Je n'ai pas accepté ma féminité, je me suis cachée sous des ponchos informes. Après ces premières, les règles ne sont revenues qu'une ou deux fois par an, j'ai eu de l'acné, une augmentation de la pilosité et j'ai commencé à avoir du surpoids. A été posé un diagnostic de SOPK, j'ai vu des dermatologues pour mon acné, des endocrinologues, j'ai subi de la maltraitance médicale.

A 16 ans j'ai subi une autre agression. J'étais avec 2 copines et une bande de gars avec 2 chiens nous ont coursées. J'ai eu très peur de subir de la violence. Nous avons réussi à leur échapper. Deux fois, à mon travail, j'ai été agressée et je me suis sentie abandonnée par mes collègues qui ne m'ont pas soutenue, une fois verbalement 'je vais te fracasser la gueule', j'ai été traitée de 'grosse pute', une autre fois une gendarmette qui avait été appelée a rigolé avec les agresseurs quand j'ai raconté ce qui s'était passé. Finalement les agresseurs ont été emmenés car ils ont agressé les gendarmes. Quand a été donnée l'information sur l'histoire de DSK au Sofitel de New York, j'étais avec des hommes qui se sont demandé ce que la victime avait fait pour que cela lui arrive. Encore une fois le statut de victime n'était pas reconnu, elle était peut-être coupable !

A l'âge de 17 ans, j'ai perdu une de mes profs qui est morte d'un accident de voiture. J'ai pris conscience qu'il n'y avait pas d'âge pour mourir (pleurs), j'ai été très marquée. Plus tard j'ai perdu un copain qui est décédé lors d'un accident de moto. J'ai eu moi-même 2 accidents de voiture. J'ai une phobie de la conduite. Quand j'avais 39 ans un de mes chiens est mort (pleurs), j'ai eu l'impression d'être une mauvaise mère, je me suis sentie hyper coupable. J'ai un rapport à la nature, aux animaux très fort.

J'ai eu mon premier rapport à 18 ans, en état d'alcoolisation, je ne m'en souviens pas. Et depuis pratiquement tous mes rapports sont en état d'alcoolisation parce que c'est plus facile, des histoires d'un soir, je pense que c'est une conséquence des attouchements. Sauf une fois où la relation a duré un mois, ce qui m'a aidée pour cette relation, c'est la confiance.

L'année de mes 36 ans l'artiste à qui j'avais écrit ma confidence s'est pendu. Dans ma vie il y a un avant et un après cette date. Il a abandonné, je me suis demandée si moi aussi je pourrais abandonner, je ne m'étais jamais posé cette question auparavant. Cette même année, mon corps m'a lâchée, ma santé s'est dégradée, j'ai pris 20 kg dans l'année, je ne reconnaissais plus mon corps. Mes règles qui sont revenues spontanément et régulièrement me font vivre la misère car elles sont de plus en plus douloureuses, s'accompagnent de diarrhée, de nausées et de vomissements. Néanmoins, même si elles sont difficiles, je suis contente de les avoir. Les douleurs ont motivé des examens qui ont mis en évidence une endométriose. Depuis quelque temps, j'ai des douleurs dans tout le corps, parfois j'ai un corps de mamy qui pèse une tonne, j'ai un épuisement général. J'ai l'impression de me battre contre mon corps, cela m'épuise.

Un enfant ? Je n'en voulais pas, non je n'en veux pas. J'ai toujours eu peur de tomber enceinte, j'aurais peur d'être violente, de secouer l'enfant, de le mettre dans le frigo, j'ai peur à ce point. Les bébés, cela m'effraie. Maintenant je me dis que c'est quand même du domaine du possible, même si cela me fait toujours peur, surtout d'être enceinte, d'accoucher, de transmettre mes angoisses. Les règles sont revenues à un moment où je me dis : un enfant, pourquoi pas ? »

Sa réflexion

« J'ai toujours eu un problème avec ma féminité. Les premiers mots que vous avez dits sur la symbolique de l'endométriose m'ont fait pleurer : la féminité qui se cherche, qui s'égare. Le corps cristallise les choses, il pourrait dire les choses qu'on ne veut pas ou ne peut pas dire**. L'endométriose, le SOPK pourraient me révéler combien je refusais ma féminité et maintenant, je commence à l'accepter et je l'accepte de plus en plus.**

Ce qui m'est arrivé à mes dix ans est très difficile pour moi, c'est inacceptable, inenvisageable, je suis extérieure à la scène. Je refuse que cela me soit arrivé. Je me sens abandonnée en tant que victime, à chaque fois on reproche à la victime ce qui lui arrive dans cette société hyper injuste (pleurs). Mes émotions les plus difficiles sont la honte et la culpabilité que je porte en moi, qui sont lourdes sur moi. Avec la verbalisation de ce qui s'est passé à mes dix ans, vos explications données sur les effets d'un traumatisme, j'estime maintenant ma honte, ma culpabilité à 50/10 au lieu de 100/10. »

Une semaine après l'entretien au téléphone « Après l'entretien j'ai eu une boule au ventre et en même temps un poids en moins. Je suis trop contente d'être venue, mes douleurs de dos ont diminué. Je pense que c'est le début de la guérison de comprendre des choses, c'est difficile de le formuler mais oui c'est le début de la guérison. »

Tous les noms propres ont été anonymisés.