ESTELLE
Endométriose sévère diagnostiquée à 20 ans lors d'une ovariectomie, sans rémission jusqu'à la ménopause. Deux enfants par grossesse spontanée à 24 et 27 ans.
Son histoire
« Dans mon enfance, tout ce qui était féminin était la honte. Dans ma famille, à cause de la misère, avoir un enfant était une hantise. Mon grand-père maternel était marin, il est mort en mer. Ma grand-mère a élevé seule 8 enfants, elle en a perdu 3 en bas âge. Je fais partie d'une fratrie de 2, j'ai un frère de 7 ans mon aîné, je ne sais pas si j'ai été désirée. A ma naissance ma mère avait 32 ans, elle a failli mourir, elle a fait une phlébite puis une embolie pulmonaire. On lui a dit que c'était une punition car elle était enceinte quand elle s'est mariée, elle vivait donc dans le péché. Ensuite toute sa vie a été perturbée par ce problème vasculaire, elle a refait des phlébites à répétition, a eu des ulcères variqueux, des greffes. Elle avait un petit commerce et travaillait debout, je la revois le midi, pendant le repas, allongeant ses jambes qui lui faisaient mal.
Mon père a quitté la maison pour une autre femme quand j'avais 9 ans, je ne l'ai plus revu. Je me demandais si c'était à cause de la jambe de maman qu'il était parti, donc à cause de moi puisqu'elle avait eu son problème en me donnant la vie. J'avais peur que ce soit de ma faute, j'avais tellement honte que je disais que mon père était mort à la guerre. Ma mère a refusé d'accepter mon chagrin de petite fille, j'ai dû refouler tout cela. Elle a été très courageuse, elle nous a élevés seule, j'ai une dette envers elle.
Quand j'étais petite tout ce qui était féminin était à cacher. Dès mes 10 ans, quand j'ai eu mes premières règles, j'ai été terrorisée, je n'étais au courant de rien, elles ont été très douloureuses et j'ai compris que c'était honteux. Quand j'étais avec ma mère dans son petit commerce, et qu'une femme enceinte venait au magasin, il fallait que je m'en aille. J'entendais les femmes parler et dire « on a payé cher nos enfants ». D'ailleurs dans les saintes écritures il y a la notion de souffrance plus importante pour les femmes qui seront enceintes au moment de la fin du monde. Mon frère, qui avait sept ans et demi à ma naissance, m'a dit que quand je suis née, il ne savait pas que maman était enceinte, sans doute toujours à cause de la honte. Quand il voulait s'asseoir sur ses genoux pendant sa grossesse, elle disait ne pas être à l'aise car elle avait trop mangé. Quand on m'a ôté les agrafes suite à ma chirurgie d'ovariectomie, je sursautais un peu et la bonne sœur disait tu peux bien souffrir un peu, Jésus est bien mort pour toi sur la croix. J'ai eu beaucoup de mal à vivre ma vie de femme, à cause de la honte, de la notion de punition. Mes douleurs d'endométriose se sont arrêtées seulement au moment de ma ménopause »