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FLORIE

Dossier médical

A 13 ans troubles du comportement alimentaire : boulimie, vomissements. A 14 ans apparition d'une dysménorrhée. A 22 ans arrêt OP pour désir de grossesse. Aménorrhée Diagnostic d'OPK, d'endométriose vaginale. A 23 ans PMA programmée, grossesse survient avant PMA. A 24 ans naissance d'une fille, dépression post partum, récidive dysménorrhée.

Sa vie

« Je connais ma maman, pas mon papa (pleurs). Ils sont restés 5 ans ensemble, ma mère a fait 2 IVG pendant cette relation, à la troisième grossesse elle a pensé que c'était un signe de la vie, qu'elle devait la garder. Ils se sont séparés au début de la grossesse, mon père n'a pas su que ma mère était enceinte, je ne sais pas s'il a su pour les IVG. Elle m'a dit qu'elle n'a rien dit car elle ne voulait pas détruire la carrière de mon père qui voulait partir travailler à l'étranger.

A mes 18 mois, ma mère a rencontré un nouveau compagnon, il est devenu mon papa, je l'appelle papa, il avait déjà deux garçons de 4 et 7 ans mes aînés, ensemble ils ont eu une fille de 4 ans ma cadette, qui est ma demi-sœur. Il y a eu des épisodes catastrophiques (pleurs) avec ces deux garçons, j'ai eu des relations sexuelles avec eux, en fait je ne sais pas, je n'arrive pas à mettre de mots sur ce qui est arrivé. C'est arrivé vers mes 6 ans, d'abord avec le plus jeune qui était un peu autoritaire, puis ensuite avec l'aîné, comme si c'était normal puisque c'était déjà arrivé avec le cadet. Le plus jeune l'a fait aussi avec ma petite sœur, il lui demandait de baisser sa culotte pour lécher son abricot. C'est ma petite sœur qui en a parlé, et puis l'aîné des garçons a réalisé avoir fait des bêtises et est allé le dire à ma mère en pleurant. Mon père voulait mettre ses fils à la porte, ma mère voulait comprendre, expliquer. Je sais que quand ces garçons retournaient chez leur mère, ils devaient attendre et ne rentrer que s'il y avait un foulard sur la porte, je ne sais pas pourquoi. Mon père était alcoolique, frappait ma mère, disait des choses blessantes. Un jour qu'il était ivre il m'a dit : 'Toi ferme ta gueule, tu sais que sucer les bites de tes frères' et un autre jour 'Retourne te faire enculer dans ta chambre, tu ne sais faire que cela'. Un jour une copine est venue à la maison et elle avait raconté à tout le collège que mon père m'insultait, ce qui arrivait parfois. Malgré tout cela, je prends toujours sa défense, un jour où il avait frappé ma mère et qu'elle avait appelé les gendarmes, je l'ai prévenu que les gendarmes arrivaient. Je considère que je lui suis redevable, il m'a recueillie, adoptée même si je n'ai pas de souvenir d'un papa réellement présent. Je me souviens d'une nuit où ma mère était en formation et lui qui devait nous garder avec ses copains et ma mère a dû appeler in extremis des amis pour qu'ils viennent nous garder. Je me sentais en insécurité. A mes 13 ans mes parents ont divorcé car mon père, à cause de l'alcool, harcelait ma mère, c'est à ce moment que j'ai eu des crises de boulimie avec vomissements. A l'école je parlais mal aux professeurs, et à la maison à ma mère, je m'en voudrai toute ma vie de cela.

A mes dix ans ma grand-mère maternelle est morte. En fait elle n'est pas ma grand-mère biologique car ma mère a été adoptée, mais je la considère comme ma vraie grand-mère. Ma mère a été placée dans une famille d'accueil à ses 1 an, ses parents biologiques sont morts accidentellement après son placement, son père quand elle avait 2 ans et sa mère quand elle avait 3 ans. Elle n'en parle jamais, elle considère que sa famille d'accueil est sa famille. Ses parents d'accueil avaient eu 3 enfants biologiques, l'un d'eux s'est pendu. En même temps que ma mère ils avaient pris son demi-frère qui s'est noyé à 35 ans. Ils ont aussi adopté un autre enfant qui a été assassiné. Je considère cette famille d'accueil de ma mère comme la mienne. Ma mère et moi sommes plus prêts de mon grand-père que sa fille biologique. Ma grand-mère m'a beaucoup gardée parce que, quand je suis née, ma mère travaillait, à tel point que, quand ma grand-mère est morte à mes 10 ans j'avais demandé à ma mère pourquoi ce n'était pas elle, ma mère, qui était morte car je considérais que ma grand-mère était ma maman (pleurs). Cet évènement a été très compliqué pour moi. J'aurais été tellement contente que ma grand-mère puisse connaître ma fille, je lui ai donné son prénom.

J'ai eu mon premier copain à 14 ans, nous sommes restés 18 mois ensemble. Il est parti en disant qu'il en avait marre d'être avec une fille à problèmes, je me suis sentie abandonnée. D'autant plus que c'était le moment de l'accident de ma sœur, elle a été brulée des orteils aux parties intimes. Ma mère a passé son temps à l'hôpital, à s'occuper d'elle. Mon père, toujours bourré, était souvent absent, alors j'ai passé plusieurs mois chez mes grands-parents. Je me suis sentie abandonnée. J'ai eu mon premier rapport à 15 ans, classique, je suis restée quelques mois avec lui. Puis j'ai rencontré mon mari à 16 ans et demi. A l'arrêt de la pilule à 22ans pour faire mon bébé, les règles se sont raréfiées, puis elles ont disparu, je suis restée deux ans sans règles. J'avais une peur à 10/10 d'avoir un jour à élever un enfant sans son père. Je ne peux pas m'empêcher d'avoir peur que mon conjoint me laisse, qu'il m'abandonne, cette peur est très présente, c'est tellement important pour moi qu'un enfant ait ses deux parents et les mêmes parents s'il y a un autre enfant. Je demande beaucoup à mon conjoint. Je me suis toujours dit que je n'aurais jamais des enfants de pères différents. J'avais d'autant plus peur qu'il y avait souvent de la tension entre nous à cause de ma faible libido, je ne peux pas satisfaire ses besoins. De plus j'ai toujours eu peur de ne pas être une bonne maman, j'avais peur de reproduire ce que j'avais vécu, je voulais créer un lieu sain, stable pour un enfant, faire différemment de ce que j'avais vécu. Pendant cette absence de règles a été posé le diagnostic d'OPK. Une PMA était prévue et je suis tombée enceinte juste avant. Je n'ai pas aimé être enceinte, ma grossesse a été difficile, j'avais du mal à voir mon corps changer. Après la naissance de ma fille j'ai fait une dépression, cela a été horrible, sont apparues d'autres peurs, celle qu'il lui arrive du mal. A cette période je ne pensais plus trop à ce qui s'était passé avec les garçons, ni aux scènes de violence entre mes parents, mais depuis qu'elle est née, j'ai très très peur que cela lui arrive à elle. Je ne veux pas que ma fille vive ce que j'ai vécu c'est hors de question que j'accepte qu'elle vive 1/10 ième de ce que j'ai vécu. Je ne veux pas que ma fille se sente délaissée comme moi je l'ai été. C'est impossible qu'avec mon conjoint on se sépare, ce n'est pas possible. Ma fille est bien plus importante qu'un mariage, si ma fille n'avait pas été là pendant ma dépression, je ne serais pas là. Un jour je suis partie en pyjama, suis arrivée devant un lac et me suis posé la question de disparaitre.

J'ai retrouvé mon père biologique à 17 ans, j'ai fait faire un test de paternité par internet. Il est revenu négatif. Peut-être ce que m'a dit ma mère n'est pas vrai ? Mon père m'a dit qu'il avait su que ma mère avait eu un bébé sans savoir s'il était le père. Cela a été un problème de ne pas savoir, d'être dans l'incertitude, mais je n'ai pas envie de refaire le test légalement car il faut une procédure judiciaire, ce qui serait davantage de souffrance pour mon entourage et pour moi. Je reste dans l'incertitude, je fais avec. »

Sa réflexion

« Je ne sais pas d'où je viens. J'ai vécu des moments tellement difficiles qu'ils prennent le dessus, j'ai du mal à me rappeler les moments heureux. Je suis étreinte par la tristesse et par la peur, une peur à 9/10. Je ne me rappelle pas de moi sans peur. La première fois que j'ai été abandonnée, trahie c'est par mon père biologique, puis à mes 10 ans au décès de ma grand-mère et à mes 12 ans par mon premier petit copain, en même temps que par ma mère qui s'est occupée de ma sœur malade lors de l'accident des brûlures. Dans un premier temps j'ai eu peur de perdre ma sœur et ensuite je me suis sentie incroyablement seule, abandonnée. J'ai aussi eu peur de ne pas être une bonne mère, de reproduire mon enfance, peur du noir, peur de l'alcoolisme de mon père, peur de ce que les gens pensent de moi et maintenant peur de ne pas protéger ma fille. Ma peur principale est la peur de perdre mon conjoint, d'être abandonnée par lui. De plus, j'ai peur que si on se séparait, on m'enlève ma fille car la famille de mon mari est 'parfaite'. L'élément déclencheur de tout cela est mon passé. Un deuxième enfant ? J'ai peur de perdre ce que j'ai déjà. Je ne recommencerai pas un parcours de PMA. Je préfère avoir un seul enfant, j'ai trop peur de refaire une dépression.

J'ai pardonné à mes frères, je m'entends bien avec mon frère aîné, j'ai pardonné à mon père qui m'a accueillie, m'a élevée, m'a donné une famille. J'ai compris que l'alcool l'empêche d'être gentil comme il est quand il n'a pas bu. Ma mère et moi on a eu de la chance. J'ai l'impression que je suis redevable à mon père.

L'endométriose en symbolique ? J'ai l'impression que c'est le récit de ma vie de femme qui cherche sa place et qui ne la trouve pas. En ce qui concerne mes 2 années sans règles au moment de mon désir de grossesse, je ne sais pas. Vous me demandez si ma peur à 10/10 d'avoir un jour à élever un enfant seule, de ne pas être une bonne mère aurait pu empêcher une grossesse, je ne m'étais jamais posé la question, mais elle n'est pas illégitime, oui peut-être. »

Une semaine plus tard au téléphone : « Après l'entretien je me suis sentie épuisée, vidée par la décharge de beaucoup d'émotions. Cet entretien m'a fait du bien. J'ai pu discuter avec mon conjoint, lui faire part de mes peurs de l'abandon, ce que je n'avais jamais fait réellement et il m'a rassurée. Vous avez mis en lumière ce que je ressentais tout le temps mais qui n'était pas clair, maintenant je sais ce que je dois travailler, ce qui me gêne. J'ai pris conscience que c'est la peur, que j'ai toujours eu peur. Vous avez mis des mots sur ce que j'avais vécu avec mes frères, vous avez expliqué avec la psycho-traumatologie ce qui s'était passé avec eux. Cela a remis les choses à leur place, j'ai mieux compris. Vous avez légitimé la peur, l'insécurité de mon enfance, j'ai eu le droit d'avoir peur, peur de l'abandon, mais maintenant je n'en ai plus besoin de ces émotions qui gâchent des moments qui pourraient être heureux. J'ai cerné mes émotions délétères auxquelles je dois m'attaquer, les dispositions à prendre.

J'ai compris au moins rationnellement que je suis une bonne mère pour ma fille, que le foyer est pour elle une sécurité. Rationnellement je comprends que pour une éventuelle seconde grossesse je ne devrais plus avoir cette peur d'être une mauvaise maman, cette peur de l'alcoolisme car mon mari ne boit pas, cette peur que le père ne s'occupe pas de l'enfant car mon mari a été très présent à la naissance de ma fille, toutes ces peurs qui me mettaient en insécurité. »

Tous les noms propres ont été anonymisés.