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COPPÉLIA

Dossier médical

Infécondité primaire étiquetée masculine, 2 grossesses obtenues par FIV/ICSI à 27 et 29 ans, puis 1 enfant après grossesse survenue spontanément à 37 ans après 12 ans de rapports non protégés.

Sa vie

« J'ai un frère de 5 ans mon aîné. Je suis une enfant non désirée. Mes parents se sont mariés par amour, sans avoir vécu ensemble auparavant. Mais sitôt la naissance de mon frère, ma mère a très vite compris que mon père était alcoolique. Pour ma mère sa seconde grossesse a été une catastrophe. Pendant qu'elle était enceinte de moi, elle a passé un diplôme d'aide-soignante en pensant à son avenir, car elle était femme au foyer et a compris que l'entreprise de mon père, qui était couvreur, ne pourrait pas marcher. Quand je suis née, il est venu me voir à la maternité et a disparu pendant 3 jours pour aller boire avec ses copains. J'ai des souvenirs de mon père buvant de la bière, de mon père nous délaissant quand ma mère rentrait tard à cause de son métier. Je revois une scène où mon père alcoolisé me tenait dans ses bras pour m'emmener en voiture et mon frère et ma mère me tirant de l'autre côté. Mes parents ont divorcé quand j'ai eu 4 ans et demi. Après le divorce, mon père pouvait, selon ses humeurs, venir nous chercher pour le week-end ou non. Quand il venait, il nous emmenait chez sa mère en faisant un arrêt dans chaque bistrot sur le chemin. Parfois on ne le voyait plus pendant 1 ou 2 ans. Pour lui, je n'ai ni amour ni haine mais une profonde tristesse. La relation père fille n'a pas pu se mettre en place, il est passé à côté. Mon père a failli.

A l'adolescence j'ai entendu une confidence de ma mère à ma tante confirmant que je n'avais pas été désirée. Je m'étais promis alors que je voulais pouvoir dire un jour à mes propres enfants qu'ils étaient désirés, que leur venue était ardemment souhaitée. J'ai compris à un certain moment de ma vie que, si je n'avais pas été désirée, j'avais été aimée par ma mère qui m'a donné amour et tendresse. Elle m'a dit que quand j'étais dans son ventre, elle me répétait sans cesse : 'Il faudra te battre !' Mon frère et moi avons été sa priorité, elle n'a jamais refait sa vie. Son frère, donc mon oncle a été un repère paternel, une figure de père idéal. Il est mort quand j'ai eu 13 ans, ce qui a été une difficulté de ma vie.

A 17 ans j'ai rencontré mon futur mari, puis nous avons vécu ensemble avant de nous marier, je ne voulais pas faire comme mes parents. A 20 ans j'étais prête pour une grossesse, pas mon mari qui avait eu un père très distant, un père tel qu'il ne voulait surtout pas être, 4 ans plus tard, il a été prêt. Après un an d'essai infructueux nous avons consulté. Le spermogramme de mon mari était très altéré à tel point que le gynécologue a proposé d'emblée une FIV/ICSI en précisant que les chances étaient minces. La première tentative a été la bonne. Pour notre second enfant les choses se sont passées de la même façon. J'ai pu dire à mes enfants qu'ils avaient été désirés, rêvés, et les FIV/ICSI en sont une preuve indiscutable. J'ai quelque part été ravie de prendre conscience de cela. Avec les deux enfants nous étions comblés. J'ai pris une contraception, par précaution, puis je l'ai arrêtée à 34 ans en pensant que les chances d'avoir une grossesse spontanée étaient faibles, puisque le spermogramme s'était encore détérioré entre les deux grossesses et que nous avions 7 ans de plus. De toute façon, si une grossesse se présentait elle serait la bienvenue. J'étais bien dans mon couple, je n'avais jamais regardé un autre homme que mon mari.

Mais sur mon lieu de travail, j'ai fait une rencontre : Benoît. Un gros tsunami a surgi et chamboulé ma vie : je suis tombée follement amoureuse. Il n'y a pas eu de passage à l'acte, mais des sentiments très forts de partage, de communion, inconnus pour moi et je pense pour lui. J'ai dû pour raison professionnelle changer de travail, donc si je voulais le revoir il fallait un motif, ou bien mettre des mots sur ce qui se passait, ma raison protestait : 'Non, tu es engagée !'. J'ai quand même trouvé un prétexte pour envoyer un message, puis deux. Ils sont restés sans réponse. J'ai eu à ce moment un problème dermatologique, une rosacée. J'ai appris par une relation de mon ancien travail qu'il avait été hospitalisé en août, et était décédé en octobre. Le choc a été énorme pour moi : nous n'avions pas eu le temps d'exprimer nos sentiments, je ne lui ai pas dit au revoir, je ne l'ai pas accompagné dans sa fin de vie, j'aurais aimé le faire. Mon nouveau travail étant très prenant, je tenais la journée, mais en sortant je m'effondrais, quand je rentrais j'espérais un accident de voiture pour aller le rejoindre là-haut. Je pleurais la nuit, en dormant. Mes enfants ne me portaient plus, j'étais perdue. J'ai eu l'impression de devenir folle, cela a été extrêmement fort, violent, brutal. J'ai été dépassée par tout ce qui se passait en moi. Et tout cela était indicible. »

Sa réflexion

« Pour moi cette grossesse spontanée survenue quelques mois après la mort de Benoît n'est pas un hasard. Je suis allée voir mon médecin 3 mois après son décès pour des douleurs au ventre, il a demandé un test de grossesse que j'ai fait, les résultats étaient prévus le lendemain. Le soir je me suis dit : 'Soit je suis enceinte, sinon je préfère quelque chose de grave pour disparaître et pour aller le rejoindre dans la mort.' Le test était positif, j'étais enceinte de mon mari. La vie était là au creux de mon ventre, j'avais une raison de vivre. La grossesse m'a aidée, m'a portée, il fallait cela pour que je m'en sorte, il fallait cela pour me raccrocher, j'étais tellement perdue. Cette mort est l'évènement le plus difficile de ma vie, je ne suis pas remise. Cette grossesse a rendu mon mari très heureux, tout de suite, c'était pour lui une sorte de réparation de sa mise en cause pour les grossesses précédentes.

Depuis la naissance de cet enfant je fais des mycoses vulvaires à répétition qui espacent les rapports sexuels. Je pense que c'est le langage qu'utilise mon corps pour dire des choses indicibles : à savoir que je ne veux plus de rapports avec mon mari. Quand j'ai des rapports avec lui, j'ai l'impression de tromper Benoît, alors que je n'ai jamais eu de rapports avec ce dernier, mais il a pris une telle place dans ma tête, dans mon corps ! J'ai peur de me rendre compte du fait qu'il est nécessaire que je me sépare de mon mari, peur des conséquences d'une séparation à cause de mon vécu. »

Tous les noms propres ont été anonymisés.