DUMBÉA
Dossier médical
A 24 ans diagnostic de spondylarthrite ankylosante (maladie auto-immune articulaire). A 26 et 27 ans chirurgie d'un kyste dermoïde de l'ovaire gauche. A 30 ans IVG.
Sa vie
« Je suis la dernière d'une fratrie de 4. En fait j'ai deux demi-sœurs par mon père, et un frère. Mon père est mort d'un accident de moto quand j'avais 3 ans et demi. Je n'ai aucun souvenir de lui, mais je me mentais à moi-même et à ma mère, je disais que j'en avais un. J'ai vu ma mère comme une héroïne jusqu'à l'âge de 8, 10 ans, elle s'est investie dans ses enfants, nous a fait passer avant tout, même s'il y avait de la violence entre mon frère et ma mère, je les ai vu se battre physiquement. Je faisais des cauchemars qui me terrorisaient, toujours le même : la perte de ma mère, et cela m'angoisse encore terriblement l'éventualité de perdre ma mère. Elle m'a donné l'amour, la tendresse, peut-être trop. En fait elle n'a jamais fait le deuil de mon père. Quand j'ai eu 8, 10 ans, elle est devenue dépressive et s'est beaucoup appuyée sur moi. Quand je partais voir mes copines, elle pleurait et disait : tu me laisses toute seule ! A 17 ans j'ai pris conscience que je n'avais pas de papa, et que je n'avais aucun souvenir de lui, ce qui a entrainé une grosse colère contre le monde entier, j'ai fait une dépression. J'ai pu en parler avec ma mère, puis j'ai vu un psychologue qui a fait diminuer ma colère.
A 15 ans, j'ai subi un viol, j'étais vierge. Nous étions en vacances et ma cousine un peu plus âgée que moi est venue me chercher pour sortir. Nous sommes sorties avec des garçons qui avaient bu, avaient fumé, l'un d'eux m'a entrainée, je me suis défendue, mais il a réussi à me violer. J'ai pu en parler seulement à 19 ans à ma mère et à une amie. J'ai réussi à me réparer car je pense que le jeune homme n'avait pas volonté de nuire, il était un jeune abruti.
Je suis partie de la maison à 18 ans pour aller vivre avec mon copain, c'est la pire année de ma vie à cause de la culpabilité que j'ai eue de laisser ma mère qui s'était tellement investie en tant que maman. Mon copain qui habitait dans une autre région de France devait déménager pour venir vivre dans la mienne, mais c'est moi qui ai quitté ma région pour aller vivre avec lui. Cela a été l'horreur, ma mère m'appelait tous les jours et elle pleurait, d'autant plus qu'elle avait été licenciée et était seule à la maison. Je lui ai proposé de déménager pour me rejoindre, ce qu'elle a fait, elle est venue vivre chez nous, ce qui n'a pas été facile. Elle est restée 5 mois car elle ne trouvait pas d'appartement à louer, jusqu'à ce qu'elle en trouve un dans mon immeuble, celui qui était juste en dessous du mien. Elle était tout le temps chez moi, elle se mêlait du couple. Mes relations avec mon copain se sont détériorées et nous nous sommes séparés quand j'ai eu 21 ans, j'ai fait un second épisode dépressif.
J'ai déclaré ma spondylarthrite à 24 ans, un moment problématique à la fin de mes études qui avaient été difficiles et que j'avais été à deux doigts d'abandonner ; ma mère pesait trop sur ma vie. J'ai pris des antidépresseurs que j'ai mal supportés pendant 3 ans. A cette époque on m'a fait 3 fibroscopies et coloscopies car j'avais mal au ventre.
Ensuite je me suis remise en ménage avec un nouveau compagnon, je lui ai dit que je voulais voyager, partir de France, il a dit oui, puis a hésité et n'a plus voulu, il m'a même demandée en mariage pour me faire rester. A 25 ans, après mûre réflexion, je lui ai dit, moi je pars, tu me rejoins si tu veux mais moi je pars. Au début, je pensais partir pour 6 mois, mais je suis restée et je vis aux antipodes de la France depuis 6 ans. Je pense que pour moi le choix de partir, était une question de survie par rapport à ma mère toujours aussi pesante sur ma vie. Je ne sais pas ce qui se serait passé si j'étais restée, je commençais à avoir des pensées suicidaires. Après mon départ, ma mère s'est un peu reportée sur mon frère qui m'en a voulu. Pour moi, ce départ m'a fait un bien fou, tellement de bien, j'ai été tellement heureuse de vivre pour moi, sans ma mère. La première année j'ai profité comme jamais, mais au prix d'une très forte culpabilité qui s'est accrue quand ma mère a fait un cancer du colon 18 mois après mon départ, j'ai dû rentrer en France pour l'accompagner pendant 4 mois, mais je suis repartie. Ensuite j'ai été opérée à deux reprises pour un kyste dermoïde de l'ovaire gauche. A 30 ans j'ai subi une IVG après laquelle j'ai fait une hémorragie ».
Sa Réflexion
« La culpabilité par rapport à ma mère m'étreint depuis mes dix ans, une culpabilité à 15 sur 10, je n'arrive pas à la gérer, elle me paralyse**, me ronge de l'intérieur, elle me détruit,** elle est greffée sur tout le reste de ma vie**.** Même si les choses avec ma mère se sont un peu améliorées car j'arrive à mettre un peu plus de distance, mais je le vis mal, la culpabilité est toujours là. Je me suis posé la question du lien entre ma maladie et ma culpabilité.
L'évènement le plus difficile de ma vie est mon IVG. J'ai envie d'un enfant, je suis maternelle, mais la peur m'empêche de faire l'enfant. D'abord la peur de me tromper pour le choix du père, je n'ai pas droit à l'erreur car l'enfant me lie définitivement au papa. Il est pour moi impensable que je me sépare du père de mon enfant, car je ne veux pas d'un enfant sans père, comme moi je l'ai été. J'ai peur de la responsabilité d'assumer un enfant. »