LYSAGORA
Dossier médical
A 22 ans ovariectomie droite en urgence (torsion ovaire). A 26 ans et 27 ans coelioscopie pour infécondité : tuberculose génitale, puis 2 autres pour surveillance. A 29 ans naissance d'une fille. Douleurs lombaires épisodiques, chirurgie de colonne proposée, arthrodèse proposée, refusée. A 38 ans premières manifestation d'une SEP : névrite optique brutale qui récupère. A 51 ans nouvelle poussée de SEP.
Sa vie
« Je fais partie d'une fratrie de deux enfants. J'ai une sœur de 2 ans mon aînée. Je n'ai pas eu une enfance heureuse. Mes parents ne s'entendaient pas, on a été témoins de leur mésentente, de leurs violences verbales, psychologiques, de leurs scènes tellement fréquentes. On gênait tout le temps, on n'avait pas notre place. Ma sœur a plus souffert que moi, j'arrivais à occulter avec mes copines, la danse, toutes mes activités, je m'éloignais, je m'évadais, je réussissais à me projeter autre part, mais pas ma sœur. Elle restait seule dans sa chambre, elle avait des crises d'angoisse, elle étouffait. Mes parents se sont séparés de corps dans un premier temps, maman devait garder la maison et mon père partir, mais il n'a pas voulu, alors les gendarmes sont venus, puis les policiers, j'avais honte, alors que j'étais déjà une petite fille malheureuse. La séparation a traîné en longueur, ils ont divorcé à mes 10 ans. Après mon père nous prenait un dimanche de temps en temps, mais on ne l'intéressait pas, cela a été l'horreur.
Ma mère c'était : et moi, et moi, et moi ! Je n'ai aucun souvenir de geste affectif de ma mère. Elle ne m'a donné aucune tendresse ; de l'amour, je ne sais pas. Elle était la fifille de sa propre mère, mais pas la mère de ses filles, elle ne pouvait pas se passer de sa mère, elle l'a fait venir vivre à la maison presque aussitôt après le mariage, ce qui augmentait les différents entre mes parents, c'était lourd.
Mon père, je ne veux même pas y penser tellement cela a été l'horreur, je n'ai aucun bon souvenir. Il ne voulait pas d'enfant, ou peut-être, à la limite un garçon, alors quand la seconde fille est arrivée, moi en l'occurrence, il n'a pas voulu me voir. Il est mort à 57 ans d'une cirrhose, après plusieurs cures de désintoxication.
Ma sœur est restée mariée trente ans mais n'a pas voulu d'enfant, elle disait que son enfance avait été trop dure. Elle a eu une maladie neurologique orpheline qui je pense était aussi liée à cela car elle ne s'est jamais remise de son enfance. Cette maladie neurologique a débuté à 46 ans et a duré 12 ans. Je l'ai accompagnée les deux dernières années de sa vie, elle est morte quand j'ai eu 60 ans.
Je me suis mariée à 24 ans, c'était un mariage d'amour, mais avec des circonstances particulières. Nous étions voisins, son père aimait les femmes, sa mère s'est mise à boire, son père a voulu divorcer, sa mère s'est suicidée, c'est lui qui l'a trouvée, il avait 15 ans. Je l'ai pris en charge, en fait je lui ai servi de mère, j'ai remplacé sa maman. Il a d'ailleurs dit que je lui avais sauvé la vie, mais c'était trop lourd. Il m'a épousée malgré le pronostic de stérilité définitive fait par le chirurgien qui a découvert ma tuberculose génitale. Il n'a pas voulu me laisser, même avec ce pronostic, car j'avais toujours été présente pour lui. Pourtant nous ne vivions pas de la même façon, il a peur de tout, il dit toujours et pour tout : cela n'est pas possible. Etrangement, autant je ne me sens pas responsable de mon enfance, autant je me sens responsable de lui. Ce n'est pas un mari que j'ai c'est un enfant, j'aurais mauvaise conscience à le laisser. Pourtant, un an après notre mariage, j'ai voulu divorcer car c'était invivable. Nous avons eu notre fille et ensuite j'ai pris une contraception car je ne voulais pas d'autre enfant. Je me suis sentie très bien sous pilule.
J'ai commencé à avoir mal au dos vers 10 ans, au moment du divorce de mes parents, depuis j'ai une douleur chronique, je souffre pratiquement toujours de mon dos avec des hauts et des bas. J'ai fait plusieurs épisodes de sciatiques. On a fait plusieurs bilans, on m'a dit que j'avais un spondylolisthésis, j'ai consulté plusieurs spécialistes dont une fois, un neurochirurgien qui me proposait une intervention, une arthrodèse que j'ai refusée. Et j'ai bien fait car j'ai eu plein de diagnostics différents. Je gère mes douleurs avec des antalgiques ».
Sa réflexion
« Je suis venue à l'entretien parce que c'est vous en qui j'ai confiance et que je peux vous parler, mais cela me perturbe un peu. Je trouve que la médecine vue comme cela c'est plus humain. Pour moi c'est une évidence que tout ce qui m'arrive dans ma santé est lié à mes émotions, les évènements de ma santé sont calqués sur les sentiments, les émotions de ma vie. Mes poussées de SEP correspondent aux périodes difficiles de ma vie. Ma première poussée, je l'ai faite au moment le plus pénible dans mon couple, j'étais encore sa femme et ne le voulais plus. Cette première poussée a été une vraie galère je n'ai pas été accompagnée, je me suis sentie seule, il ne s'est pas préoccupé de ma souffrance. Nous étions en vacances, mon mari n'a pas voulu les interrompre pour que nous rentrions. Quelque part pourtant, cette première crise m'a sauvée car elle a provoqué une vraie prise de conscience, une vraie réalisation du « connais-toi toi-même ». Elle m'a permis de prendre ma vie en main, elle m'a autorisée à mettre des limites dans mon couple et à ajuster ma responsabilité par rapport à lui. Mon mari est devenu un ami, mais il n'était plus un mari, nous avons fait chambre à part. Je me suis autorisée à vivre pour moi. Je me suis mise à sortir seule, à aller au cinéma, à des expositions, j'ai changé d'aspect, j'ai commencé à vivre. J'ai ouvert ma galerie de tableaux, malgré le drame que cela a provoqué à la maison puisque rien n'est possible ! Cette galerie a été un épanouissement complet pour moi, j'ai fait ce que j'ai voulu. Puis j'ai rencontré un peintre et j'ai connu 12 ans de bonheur avec lui, sans toutefois quitter mon mari. Après 12 ans il a rompu, car sa femme est morte et elle avait fait promettre à ses enfants, sur son lit de mort, que leur père ne me voit plus. Il s'est consolé un peu vite à mon goût, j'ai fait une dépression et ma seconde poussée de SEP s'est passée à ce moment-là. Depuis j'ai fait une nouvelle rencontre qui me ravit, mais toujours en restant avec mon mari.
Au début de ma maladie je me disais : pourquoi moi, et maintenant je me dis cette question était stupide. Voilà vous connaissez toute mon intimité ».