LIMA
Dossier médical
Ménopause précoce à 40 ans. Infécondité pour cause d'azoospermie (absence de spermatozoïde). Echec de 4 IAD (Insémination avec donneur) puis à 30 ans naissance d'une fille après FIV avec donneur. A 32 ans demande de PMA pour second enfant : proposition de don d'ovocyte en raison d'une réserve ovarienne insuffisante (qui ne sera pas faite car le couple se séparera). A 37 ans nouveau partenaire, fausse couche après grossesse spontanée, puis à 38 ans IVG après grossesse spontanée.
Sa vie
« Je suis la dernière d'une fratrie de 7 enfants, je me suis sentie le vilain petit canard, je n'ai pas eu la tendresse que j'aurais aimé avoir. Ma mère répétait souvent qu'elle ne nous avait pas tous souhaités, que trop d'enfants, ça peut apporter beaucoup de malheurs. Elle m'a seriné ce leitmotiv toute mon enfance. J'ai entendu les reproches de ma mère à ma sœur, mon aînée de 20 ans, qui a eu 5 enfants dont une fille de mon âge. Ma mère a tellement mal pris les maternités de ma sœur qu'elle ne lui parlait plus. A 14 ans j'ai eu mes premières règles avec des migraines, des vomissements, ma mère m'a envoyée chez le médecin qui a demandé un test de grossesse 'sur la demande expresse de ma mère', m'a-t-il dit. J'étais décomposée, j'en ai été extrêmement choquée, dégoûtée qu'elle puisse penser une chose pareille alors que je n'avais jamais eu de rapports. On n'en a jamais parlé avec ma mère, c'était un sujet tabou pour elle qui était très catholique.
Dans ma famille, nous sommes des rescapés de l'alcool et de la paranoïa. Mes grands-pères sont cousins germains. Ma grand-mère maternelle a eu 2 ou 3 enfants mort-nés, elle est morte d'une cirrhose alcoolique. Un oncle alcoolique a tué sa femme, a fait de la prison, un deuxième oncle s'est suicidé après cet épisode. Une tante a eu un enfant de père inconnu, probablement de son propre frère. Une autre tante est handicapée mentale. Toute mon enfance j'ai été le témoin des violences entre mon père et mon frère aîné qui est maintenant alcoolique. Ils se battaient se tapaient dessus, les portes étaient fracassées, il y avait des hurlements, des mares de sang. Ma mère se mettait entre les deux, mon autre frère essayait de les calmer, j'avais peur. Souvent les voisins, les pompiers, la police venaient. Un jour, j'avais 10 ans, ma mère m'avait mise dans le train et une de mes sœurs devait me récupérer mais ma sœur n'était pas là à l'arrivée, elle avait fait une tentative de suicide. Un an plus tard, une autre de mes sœurs qui avait 19 ans a fait une tumeur au cerveau, ma mère ne voulait pas de l'opération, elle disait : 'Dieu décidera', c'est ma sœur aînée qui l'a accompagnée. Ma sœur opérée de sa tumeur au cerveau a été enceinte malgré les mises en garde des médecins, j'ai vécu le reproche et l'inquiétude de ma mère. Quand j'ai eu 19 ans, mon frère préféré qui en avait 31 est mort d'un accident de scooter, c'est moi qui l'ai annoncé à ma mère. On ne s'en remet jamais, c'est l'évènement le plus dur de ma vie, il a fait basculer ma vie, je me suis sauvée de chez moi, j'ai arrêté mes études, car il y a eu un déchaînement de violence après la mort de mon frère. J'en ai fait les frais avec mon copain qui ne plaisait pas à mes parents. Je me suis dit : 'Il faut que je parte sinon je vais mourir.' Je suis partie de chez moi avec mon copain. Puis nous avons souhaité un enfant et avons dû faire une PMA. Quand j'ai été enceinte, j'ai voulu le dire à ma mère, mais je n'ai pas pu le faire car ma mère est morte brutalement le lendemain de ma décision de lui dire. Puis je me suis séparée du père de ma fille en raison de violences conjugales, notamment sexuelles, il m'a montré son visage de l'enfer.
Quelque temps après, j'ai fait une nouvelle rencontre. Comme les médecins m'avaient dit que je n'aurais plus jamais d'enfant en raison de la réserve ovarienne mauvaise, je n'ai pas protégé mes rapports et j'ai été enceinte. Mon copain n'était pas très concerné mais je me suis dit que j'allais quand même le garder, puis j'ai fait une fausse couche. L'année suivante j'ai de nouveau été enceinte, il n'a pas été davantage concerné, il continuait à faire le beau avec son ex. J'étais déchirée, je voulais et je ne voulais pas garder cette grossesse, j'ai choisi le moins pire, j'ai fait l'IVG. J'ai eu une grande culpabilité de cracher sur ce miracle de la vie. J'ai porté cela toute seule, je n'en ai jamais parlé à personne. Si je n'avais pas ma fille je ne serais plus là, elle est mon moteur, tous les jours je lui dis que je l'aime. Le manque d'affection est le sentiment le plus difficile, souvent j'ai eu un sentiment d'abandon à cause de ce manque. »
Sa réflexion
« Je pense que j'ai pu avoir peur de la grossesse, imprégnée des 'risques de malheurs' que les grossesses engendrent, si souvent répétés par ma mère. Dans ma famille, où les grossesses ne sont pas les bienvenues, les femmes ont des ménopauses précoces, ma nièce à 40 ans, une sœur à 41 ans, une autre à 43. Ma ménopause est arrivée tôt à 40 ans, cela a été difficile d'admettre que ce corps était vieux, plus bon à rien. Mais quelque part inconsciemment, je me disais que je n'aurais plus d'enfant, parce qu'on veut et qu'on veut pas, comme pour l'IVG. Je pense que j'ai pu la décider inconsciemment cette ménopause précoce, elle me protège d'avoir de nouveau la tête sous l'eau comme lors de la fausse couche, de l'IVG qui ont été des épreuves terribles, je ne voulais plus que cela m'arrive, jamais. J'ai ma fille, il faut que je puisse avancer, ma ménopause me le permet, la question est réglée, il n'y aura plus de discussion par rapport à un enfant. »