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HÉBÉ

Dossier médical

A 18 ans naissance d'une fille, à 27 d'un garçon. A 28 ans IVG. A 57 ans cancer du sein. A 61 ans lumbago.

Sa vie

« Je suis l'aînée de 3 enfants. Mon enfance n'a pas été facile, ma mère de confession juive a épousé un arabe. Elle a été rejetée par sa famille, elle a été dépressive et a fait de nombreux séjours à l'hôpital. Mes rapports avec ma mère ont toujours été difficiles, l'amour de ma mère, je ne m'en souviens pas, je ne la vois plus depuis plusieurs années. Je n'ai pratiquement pas vécu avec mes parents, mais chez ma grand-mère. J'ai été mise en pension à l'âge de 10 ans. Mon frère a été placé en famille d'accueil à 5 ans, ma sœur à 3 ans, elle y a été battue. Mes parents ont divorcé quand j'avais 14 ans. A 17 ans j'ai claqué la porte de chez moi et suis partie vivre chez mon petit copain. J'ai rapidement été enceinte, ses parents nous ont obligés à nous marier. J'aurais voulu rentrer aux Beaux-Arts mais j'ai dû aller travailler pour élever ma fille, je me suis séparée de son père. Puis j'ai rencontré un autre homme qui est devenu le père de mon fils. Nous sommes restés 14 ans ensemble, cela a été l'enfer, c'était un flambeur, il craquait tout l'argent du ménage. Nous avons divorcé quand notre fils a eu 3 ans, ce dernier a alors rapidement commencé à faire des migraines foudroyantes à un rythme soutenu, parfois une ou deux par mois, qui l'emmenaient régulièrement à l'hôpital où on lui faisait un électroencéphalogramme, une IRM qui étaient normaux. Il a pris de la Dépakine (anticonvulsivant) de 3 à 7 ans car les médecins ont craint une épilepsie. Ces malaises-migraines ont continué et se sont arrêtés brutalement quand mon fils a quitté la maison à 18 ans. Un jour de cette année-là, il a déchiré tous ses dossiers de la maison et il est parti. Dans un premier temps, il est resté en contact avec moi, puis petit à petit les contacts se sont espacés. Quelques années plus tard, il y a eu une fracture dans ma vie par rapport à mon fils. Ses mails sont devenus de plus en plus évasifs, sur l'un d'eux il m'a écrit : 'Maman, je ne peux pas être là pour toi.' Je n'ai plus eu ni adresse ni téléphone, il ne correspondait plus avec sa sœur non plus, il ne voulait pas que je lui envoie des photos de ses neveux. Il a coupé les ponts avec tous ses copains, avec ses cousins qui ont pleuré, il était aimé. Je me suis demandé s'il n'était pas dans une secte. Je sais qu'il a rencontré une femme, qu'il s'est marié. J'ai appris qu'il a vécu en Angleterre, à cause de papiers administratifs qu'il a voulu récupérer. Il dit qu'il n'a pas choisi cette situation mais qu'il la subit. Je l'ai cherché je suis allée sur ses traces pour comprendre, je ne l'ai pas revu mais j'ai vu l'endroit où il travaillait. Le père de mon fils supporte très mal la situation, il s'est refermé sur lui-même, il est muet par rapport au problème, il est devenu un ours. Il va en mourir, il se laisse mourir ».

Sa réflexion

« L'année où mon fils a coupé complètement les ponts et est devenu silencieux a été la fracture de ma vie. C'est un drame de perdre un enfant qui est toujours vivant, c'est l'évènement le plus difficile de ma vie, avec ce sentiment le plus horrible, celui de rejet, d'abandon, cela m'envahit. J'ai eu l'impression que mon fils m'avait abandonnée. Le manque, le fait de ne pas voir son enfant pendant des années, ce n'est pas vivable et je ne l'ai pas vu depuis des années. Parfois j'ai de la culpabilité, je me demande ce que je n'ai pas fait. J'ai travaillé toute seule sur moi-même et je pense que cette fracture de ma vie de mes 55 ans a quelque chose à voir avec mon cancer qui a été diagnostiqué 2 ans plus tard. On peut soi-même se rendre malade. Depuis 2 ans seulement je peux en parler, avant, quand on me demandait de ses nouvelles, je disais : 'Il va bien'. J'avais honte d'en parler car je craignais qu'on pense que j'étais une mauvaise mère, alors que mon fils m'a dit un jour : 'Tout le monde aimerait avoir une maman comme toi.'

Mon lumbago non plus n'est pas un hasard. Un jour, j'ai vu par hasard sur Facebook une photo de son bébé dont j'ignorais l'existence, je suis allée dans ma salle de bains pour vaquer à mes occupations, me suis penchée, une violente douleur m'a traversé le bas du dos, je n'ai pas pu me relever. J'ai appelé SOS médecin, j'ai dû rester alitée une semaine pour lumbago aigu. »

Tous les noms propres ont été anonymisés.