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RHÉA

Dossier médical

Lombalgies invalidantes à partir de 41 ans après une sciatique brutale ; nombreux bilans : 4 ou 5 IRM vertébrales, cérébrales, autant de scanners, plusieurs ponctions lombaires, coquille plâtrée pendant 4 mois, 2 infiltrations, électrostimulateur, 4 ou 5 hospitalisations, 2 séjours au centre antidouleur, nombreux arrêts de travail, douleurs persistent, mise en invalidité à 57 ans. A 21 ans IVG. A 22 et 23 et 28 ans fausse couche. A 24 et 29 ans naissance de 2 garçons. A 33 ans accouchement à 5 mois d'un enfant mort in utero. A 51 ans cancer de la thyroïde.

Sa vie

« Je suis l'aînée d'une fratrie de 2 enfants, j'ai un frère qui a 10 ans de moins que moi. En fait j'ai eu une sœur de 3 ans mon aînée qui est décédée à 3 mois. Après ce décès extrêmement douloureux pour ma mère, elle ne voulait plus de fille qui n'aurait pas pu supporter la comparaison et moi je suis née... Je suis restée 10 jours sans prénom, car seulement un prénom de garçon avait été choisi, c'est la bonne sœur de la maternité qui a choisi mon prénom. J'ai su par mes tantes que ma mère, n'ayant pas supporté le décès de ma sœur, n'a pas voulu de moi. Et elle ne s'est pas gênée pour me le faire savoir en faisant sans cesse des comparaisons entre ma sœur et moi. Elle disait que ma sœur était la plus belle merveille du monde, je me disais dans ma tête de petite fille que je ne serais jamais à la hauteur, surtout que comme ma sœur était morte, elle ne pourrait jamais plus décevoir ma mère. Enfant j'ai senti que ma mère vivait à travers ma sœur, néanmoins elle s'est occupée de moi, j'ai quelques bons souvenirs, je ne manquais de rien..... sauf de tendresse, je n'ai pas de souvenir de baisers, de câlins. Cette situation a duré jusqu'à mes 10 ans, à ce moment-là mon frère est né. La naissance de mon frère à mes 10 ans a été une fracture dans ma vie, il y a l'avant et l'après. Il a été le petit dieu de ma mère et moi le mouton noir, j'ai été rejetée, je n'ai plus existé. Ou plutôt si, j'ai existé pour prendre les corrections à la place de mon frère. Je ne comprenais pas les coups de colère, les coups de balai, j'ai subi des violences morales, verbales, physiques. Elle criait sur moi sans arrêt, disait que j'étais bonne à rien, me dévalorisait, m'humiliait. Je me suis refermée sur moi-même, je me suis éloignée de ma mère de plus en plus et à l'adolescence il y a eu une vraie rupture avec elle. Mon frère m'a demandé pardon quand il a été plus âgé, il avait pris conscience de la situation.

Mes parents ne s'entendaient pas, ils se disputaient sans cesse, mais toujours à l'unilatérale, mon père ne disait rien. Ma mère était horrible, invivable, très dure, jamais contente, elle criait toujours, était très jalouse, téléphonait à l'entreprise de mon père pour savoir où était sa voiture. Mon père travaillait beaucoup, était souvent absent, il était malheureux. Il a été absent aux moments où j'aurais eu besoin de lui. Il a eu des rapports d'autorité avec moi, pas de tendresse. Quand j'avais 19 ans, mes parents ont eu un grave accident de voiture, ma mère a passé 4 mois dans le coma, elle est restée hémiplégique, mon père est resté un an sans marcher. J'ai dû arrêter mes études et prendre en charge mon frère qui avait 9 ans.

A 10 ans j'ai subi des attouchements d'un ami de mes parents, je n'en ai jamais parlé, j'ai été dégoûtée ; c'est cette année-là que j'ai été hospitalisée pour malaise avec perte de connaissance et qu'on m'a fait un électroencéphalogramme. A 17 ans j'ai subi des attouchements avec tentative de viol, dans un train par 3 garçons. C'est un vrai traumatisme que j'ai gardé, toujours sans en parler, c'est la première fois que j'en parle aujourd'hui, j'ai 57 ans. Cela a dû s'exprimer autrement que par la parole car j'ai fait des cauchemars et il m'arrive encore de temps en temps d'être réveillée en sursaut par un cauchemar avec ce genre de situation. 

Je me suis mariée une première fois à 22 ans, c'était un mariage d'amour, mais quand mon fils a eu 18 mois, un soir en rentrant chez moi j'ai trouvé mon mari au lit avec une autre femme. Il est parti sans laisser d'adresse en me laissant seule avec notre fils et son entreprise. Je n'ai eu aucune nouvelle pendant 3 ans, il est revenu sans crier gare en voulant prendre son fils, ce qu'il n'a pas obtenu, depuis il le voit un peu. Je me suis mariée une seconde fois à 28 ans, j'avais besoin d'une épaule et mon futur mari a fait du forcing pour ce mariage, j'ai cédé. Si c'était à refaire, je ne le referais pas car il m'a confrontée à une violence verbale injustifiée que je ne comprends pas, avec des scènes explosives, comme celles que faisait ma mère : la violence la plus difficile, c'est celle qu'on ne comprend pas. Il y a eu des années très dures, j'ai failli partir à 2 reprises. 

Ma vie de femme a été difficile, mon premier rapport à 21 ans s'est mal passé ; ensuite avec mes 2 maris j'ai eu une sexualité difficile, je n'ai jamais eu d'orgasme. J'ai quand même connu l'épanouissement pendant quelques mois avec un autre partenaire. J'ai eu des règles toujours problématiques, très douloureuses avec parfois des vomissements, elles pouvaient durer 3 semaines. J'ai eu épisodiquement des saignements incessants, des douleurs en dehors des règles qui ont une fois motivé une cœlioscopie, ne révélant rien de particulier. Ma vie de mère a aussi été difficile avec mes fausses couches, mes grossesses, mes accouchements laborieux. ».

Sa réflexion

« Le sentiment le plus difficile pour moi a été la honte, la culpabilité de ne pas être à la hauteur par rapport à ma mère, de ne pas avoir fait ce qu'il fallait pour me faire aimer. L'événement le plus douloureux de ma vie est la mort de ma grand-mère qui avait remplacé dans mon cœur ma mère si dure, j'étais très proche d'elle, j'ai mis 4 ans à vider son armoire. Elle est morte au mois d'août de l'année de mes 50 ans, j'ai été opérée de mon cancer de la thyroïde au mois de mars suivant. Pour moi c'est une certitude qu'il y a un lien.

Quand j'ai eu ma sciatique brutale, je travaillais depuis 4 ans comme aide-soignante au bloc opératoire. Le chirurgien s'énervait souvent, criait, me dévalorisait, la tension montait régulièrement, stressante. Ces situations, avec celles des violences verbales injustifiées de mon mari me remettaient dans ma situation d'enfant apeurée par ma mère et les scènes de violences verbales imprévues, imparables. Un jour j'ai subi une humiliation plus forte à mon travail, quelques jours plus tard j'ai eu cette sciatique brutale, je me suis écroulée. Pour moi c'est une évidence le lien entre ces évènements. Depuis je souffre toujours, avec des douleurs permanentes d'un côté ou de l'autre, j'ai des crises hyperalgiques que je gère comme je peux, je ne veux plus prendre les neuroleptiques et morphiniques qui m'ont détraquée.»

Tous les noms propres ont été anonymisés.