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AMAÏA

Dossier médical

A 25 ans naissance d'une fille, à 27 ans d'un garçon. A 29 ans méningite, encéphalite, hépatite virales. A 58 ans Chirurgie d'une hernie discale L4-L5. A 61 ans Récidive lombalgies.

Sa vie

« Je suis la troisième d'une fratrie de 4 enfants. J'ai une sœur et un frère aînés, puis un frère cadet. Ma mère a toujours dit que les deux aînés avaient été désirés, mon petit frère et moi pas du tout, nous avons entendu ce leitmotiv de ma mère toute notre enfance. Mon petit frère lui demandait parfois pourquoi elle ne nous avait pas jetés dans le port, elle ne répondait pas. Il est mort à 20 ans d'un accident de voiture. A 6 mois j'ai fait un eczéma sur tout le corps, on m'a dit qu'on ne savait plus comment me prendre, on m'a dit que le lait de ma mère m'avait empoisonnée. Enfant, j'ai également fait des crises d'asthme. Mes parents étaient ouvriers, il y avait peu d'argent, j'ai parfois eu faim. Ma mère n'était pas maternelle, elle était égoïste, pas oublieuse d'elle-même comme doit être une maman. Elle ne m'a donné aucune tendresse, c'était l'indifférence ; toutes les vacances, elle m'expédiait chez mes grands-parents. Je n'ai aucun souvenir de ma mère qui m'ait apporté quelque chose de précieux, ou bien mon cerveau s'est formaté pour ne pas s'en souvenir. Je n'ai aucun bon souvenir avec ma mère, c'est terrible de dire cela. Elle agissait toujours par intérêt, elle me donnait un petit diminutif quand elle avait besoin de moi, je le déteste ce diminutif. Elle travaillait dans une administration et à Noël les employés avaient un cadeau pour chacun de leurs enfants ; pour le Noël de mes 9 ans, elle m'a fait choisir une poupée qui a été donnée à ma cousine, moi j'ai eu un pyjama dont j'avais besoin. Il m'a forcément manqué quelque chose avec ma mère, une voisine m'a donné plus de tendresse que ma mère, elle était à côté de moi le jour de mon mariage, c'est ma seconde maman, j'y pense souvent et j'en parle souvent, elle est très présente dans mon cœur.

J'ai eu l'amour, la tendresse de mon père, mais il obéissait à ma mère qui commandait, je pense qu'il a souffert des agissements de ma mère. Un jour ma mère a été hospitalisée, mon père m'a proposé de dormir avec lui, je me souviens parfaitement de sa tiédeur, comme celle d'un nid, ce souvenir est chaud à mon cœur, quelque chose de béni.

Je me suis mariée à 22 ans, 3 mois pile avant le décès de mon frère. Je suis persuadée que si ce décès avait eu lieu avant le mariage, ma mère aurait empêché le mariage, elle m'aurait manipulée pour me garder, pour l'aider. Ce fut un mariage d'amour réussi, avec beaucoup de tendresse et qui dure toujours.

J'ai appris à 27 ans après la naissance de mon fils un secret de famille, à savoir que ma grand-mère était enceinte de ma mère quand elle s'est mariée, ce qui à l'époque était un scandale, une honte. Le secret a été tenu pendant 50 ans. J'ai vécu cette nouvelle comme une libération, en pensant que c'était ma mère qui avait un problème et pas moi, car elle en demande toujours plus, il n'y en a jamais assez. Quand j'ai eu 29 ans elle a été opérée de la vésicule, je suis allée avec mes 2 enfants passer une semaine avec elle. Elle m'a dit que mon frère se plaignait que je ne m'occupe pas assez d'elle, j'ai décodé qu'elle me reprochait de ne pas m'occuper assez d'elle. Je l'ai très mal vécu, comme un sentiment d'injustice, une goutte de trop. Un mois plus tard en avril, j'ai été hospitalisée 15 jours pour une méningite, encéphalite, hépatite virales.

Quand j'ai eu 48 ans, mon père a été hospitalisé pour un cancer de l'estomac. J'ai dû trouver en urgence une maison pour placer ma mère qui n'était plus autonome et dont mon père s'occupait. Il est mort un 30 juillet. Le 4 août, le jour de l'enterrement, j'ai commencé à avoir mal au dos brutalement, je n'avais jamais eu mal au dos auparavant. Puis j'ai eu une sciatique et une cruralgie qui m'ont emmenée chez le rhumatologue 8 jours plus tard. J'ai été opérée le 22 septembre d'une hernie discale L4-L5. Les lombalgies ont dans un premier temps disparu, la sciatique également, mais pas la cruralgie qui continue à me réveiller de temps en temps. A 51 ans les lombalgies sont réapparues. »

Sa réflexion

« L'année où j'ai été opérée du dos, j'ai tout perdu, parce que quand j'ai perdu mon papa, j'ai tout perdu. Le jour de la mort de mon père la famille c'était fini, l'amour filial disparaissait de ma vie puisque c'est lui qui injectait l'amour. J'ai eu l'impression que c'est toute la famille qui s'en allait, alors que ma mère est toujours en vie. J'ai fait le lien tout de suite avec mon problème de dos bien qu'aucun médecin ne m'ait posé de question sur ma vie.

J'ai l'impression de faire une synthèse de ma vie et de comprendre que tout cela est vrai. Je comprends que ce qui m'a le plus manqué dans ma vie, c'est la tendresse de ma mère, j'en ressens beaucoup d'amertume et d'injustice. Je pense malgré cela avoir réussi à donner de la tendresse à mes enfants. Cet entretien est une vraie thérapie, je vous ai dit des choses que je n'avais jamais dites à personne, je vous remercie d'avoir pu vous dire tout cela. Je suis contente d'être venue, je comprends pourquoi vous faites votre thèse à la fin de votre exercice, car je n'aurais jamais dit tout cela sans la confiance. A la question de votre thèse : 'Est-ce que notre santé nous parle de notre vie,' ma réponse est oui, je le crois très fort. »

Tous les noms propres ont été anonymisés.