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ASTRÉE

Dossier médical

Naissance d'une fille à 24 et 31 ans. A 25 ans début de cervicalgies, lombalgies et sciatique ; coquille plâtrée, infiltrations. A 32 ans diagnostic d'endométriose motivant 3 cœlioscopies, à 42 ans localisation digestive de l'endométriose. A 41 ans chirurgie d'une hernie discale L4-L5. A 54 ans consultation au centre antidouleur pour dorsalgies persistantes : prescription d'antidépresseurs.

Sa vie

« Je suis la seconde d'une fratrie de 5 enfants. J'ai une sœur aînée, 2 frères et une sœur plus jeunes. J'ai eu une enfance normale, j'ai eu l'amour, la tendresse de mon père et l'amour de ma mère ; de sa tendresse je ne me souviens pas. Ma mère était une femme soumise, elle ne disait jamais non, elle a tout accepté, ne s'est jamais révoltée, je l'ai toujours connue dépressive. Elle ne nous a jamais grondés, jamais cadrés, jamais rien refusé. Elle lave encore le linge de mes frères, elle leur fait la cuisine puisqu'ils vivent tous les deux chez mes parents. Je lui reproche l'éducation qu'elle nous a donnée, il ne fallait jamais rien dire, mais tout cacher. Le modèle de maman que j'ai eu ne me convient pas du tout, elle m'a montré un mauvais exemple, elle ne s'est pas assumée, elle ne m'a pas défendue quand j'ai voulu choisir mon métier qu'on ne m'a pas permis de faire. Quand j'ai été maman j'ai voulu devenir la maman que j'aurais aimé avoir, pas celle que j'ai.

Mon père avait fait la guerre d'Algérie et en parlait très souvent, il racontait qu'il avait tué des hommes à l'arme blanche, au poignard. Il racontait combien la guerre est terrible et qu'une telle violence ne devrait pas exister. Il était très jaloux, il faisait des scènes terribles qui ont gâché la vie de ma mère. La violence était surtout verbale, mais une fois, un jour où il avait bu, il a lancé une bouteille à la tête de ma mère qui a saigné. Cette scène s'est gravée dans ma mémoire de petite fille de 10 ans, je pourrais en décrire tous les détails et j'ai 55 ans. Nous les enfants vivions dans la peur de ces scènes qui, pour ma part, m'ont énormément marquée et me sont encore toujours très difficiles. J'en veux à mes parents de l'éducation qu'ils nous ont donnée, de ne pas avoir rendu autonomes leurs enfants qui vont mal, ils ont failli, l'autorité parentale a manqué. **J'en veux à mes parents de ce que leurs enfants sont devenus, c'est Dallas chez eux **! J'étais inquiète lors des cérémonies ou fêtes de famille car à chaque fois mon père buvait plus que de raison et l'alcool me répugne. Je lui en veux de l'alcoolisme de mes deux frères que mon père a commencé à faire boire dès l'âge de 16 ans et il se fâchait s'ils refusaient de boire. L'aîné a fait 2 ou 3 cures de désintoxication, il a subi 3 interventions pour hernies discales et il a toujours mal au dos, il est en invalidité, il vit chez mes parents. Le second est lui aussi alcoolique, il ne travaille pas, un fainéant, qui vit aussi chez mes parents, il ne veut pas affronter la vie. Ma sœur aînée a subi des attouchements de notre oncle vers 10 ans, elle a fait une anorexie mentale à l'adolescence, elle a été étiquetée schizophrène après la naissance de son premier enfant qui est maintenant alcoolique. Elle doit, elle aussi, subir une intervention pour hernie discale et est en invalidité. Mon autre soeur a, elle aussi, mal au dos et a été opérée sans succès d'un canal lombaire étroit, elle non plus ne travaille plus et vit chez mes parents. Donc nous les enfants avons presque tous été opérés du dos, comme mon père qui l'a été aussi à 60 ans pour hernie discale.

Je suis partie de chez moi à 20 ans pour me marier. J'ai fait un mariage d'amour qui dure depuis, intact, chaque jour nous nous disons que nous nous aimons. Si mon mari boit 2 verres, je suis tout de suite en alerte, je n'aurais jamais supporté un homme qui boive. Nous avons eu deux filles qui vont bien. Mon mariage et la naissance de mes filles sont les évènements les plus heureux de ma vie. Je suis fière de mon noyau familial mais j'ai honte de ma famille parentale. Je regrette profondément que mes frères et sœurs n'aient pas eu envie de vivre. Quand il y a une fête de famille, tout le monde est éméché sauf mon mari et moi, car même ma mère s'est mise à boire aux fêtes de famille. Après la fête, mes parents doivent cacher les bouteilles qui restent, les mettre sous clé car mes frères et mon neveu viennent les voler. Parfois je me dis que j'ai dû être adoptée et ne dois pas faire partie de cette famille. Je n'arrive pas à accepter cette famille qui est la difficulté de ma vie, et pourtant je vais voir mes parents tous les WE et je les aime quand même. Je suis d'une nature très douce, mais quand je vais chez eux, je ne me sens pas moi-même, souvent j'explose quand je vois mon frère bourré qui me demande un service de transport parce qu'il n'a plus de permis pour cause de conduite en état d'ivresse ! Ce problème d'alcool dans ma famille est le problème de ma vie. Dans la famille de mon mari personne ne boit, personne n'a mal au dos.

Mes problèmes de dos ont débuté à 25 ans, 10 ans plus tard, ils se sont aggravés si bien que j'ai été en arrêt de travail à plusieurs reprises et j'ai été licenciée l'année suivante, alors que je travaillais depuis 18 ans dans la même entreprise. Le licenciement s'est mal passé, j'en ai eu gros sur le cœur, j'ai fait des cauchemars régulièrement et toujours le même : un licenciement. Seulement depuis un ou deux ans je ne fais plus de cauchemar sur le sujet, c'est dire si ce licenciement a été traumatisant pour moi. A 40 ans les douleurs se sont accrues, j'ai été opérée de ma hernie discale l'année suivante. Depuis j'ai moins mal à ce niveau mais les cervicalgies sont réapparues. »

Sa réflexion

« Je pense que toutes mes douleurs sont dues à ma vie, à ma famille, c'est certain que c'est lié. Pour moi, ma famille c'est ma honte ; pour mes filles aussi, elles ne veulent pas présenter ma famille à leur petit copain. Quand je vais dans ma famille je repars douloureuse, en tension, contracturée, stressée alors que quand je cuisine chez moi, mon passe-temps favori, je ne sens pas mes douleurs. J'ai un dégoût de cette vie que j'ai eue dans ma famille, mon enfance est comme une violence avec la peur qui va avec. Ma jeunesse a été contrariée par tout cela. L'image de la violence physique de mon père sur ma mère et mon licenciement sont les évènements les plus douloureux de ma vie. Tout cela me révolte, j'ai du mal à supporter ce qu'est devenue ma famille.

C'est la première fois que je dévoile tout cela et c'est bien, cela m'a fait du bien, maintenant je vois une cohérence dans ma vie. Jamais aucun médecin consulté ne m'a posé une seule question sur ma vie, même au centre antidouleur. On ne m'a pas non plus proposé de voir un psychologue.»

Tous les noms propres ont été anonymisés.