AZIYADE
Dossier médical
Lombalgies invalidantes motivant trois interventions sur la colonne à 26, 27 et 28 ans, (2 sur L4-L5, une sur L5-S1, une quatrième est proposée), 5 séjours d'une semaine en centre anti douleur, 4 séjours de 6 semaines en centre de rééducation, une mise en invalidité à 44 ans.
Sa vie
« Je suis la dernière d'une fratrie de 3 enfants. Je n'étais pas désirée, ma mère ne voulait pas de moi, elle m'a refusée dès que j'ai été dans son ventre, puis j'ai été élevée par une bonne. Mon frère qui était chétif était surprotégé par ma mère qui avait failli le perdre à la naissance, il était son dieu. Ma mère était violente avec moi et la violence était journalière. Ma mère c'était la pire des mères, une pauvre femme. J'étais mal aimée, je n'ai eu ni l'amour, ni la tendresse de ma mère. Je réclamais son amour, elle ne me le donnait pas, elle le donnait à mon frère, il était le chouchou, moi la moins que rien, et lui aussi me maltraitait, me battait.
Je n'aurais pas dû venir à cet entretien, ça me rend malade, c'est trop dur...même si c'est pardonné. (Proposition d'arrêter l'entretien). Non, il vaut mieux que cela sorte et ne reste pas à l'intérieur, j'avais pensé à annuler l'entretien et malgré tout je suis venue.
A 10 ans on m'a mise en pension chez les sœurs : une trahison, car mon frère n'y est pas allé, je n'ai pas compris. Les sœurs nous rabâchaient qu'il fallait aimer notre prochain, notre mère, mais la mienne n'était pas aimable. J'étais malheureuse en pension, j'y ai fait des crises de spasmophilie, des appels au secours. J'ai vite compris que si je voulais m'en sortir, il fallait montrer les crocs, je suis devenue une fausse méchante et j'ai été beaucoup punie. A 14 ans, ma mère a voulu encore me frapper, comme je suis grande et elle petite, je lui ai attrapé le bras et lui ai dit : 'Essaie de me frapper !' Elle n'a plus eu d'emprise sur moi. Elle a dit à mon père qu'elle ne voulait plus de moi, qu'il devait s'occuper de moi car elle ne le ferait plus ; j'ai atterri dans un foyer. Cette même année de mes 14 ans, ma sœur a eu une petite fille. La naissance de cette enfant m'a rayée définitivement de la vie de ma mère, je n'ai plus du tout existé. Elle m'a dit que je ne serais pas capable d'avoir mon bac, mais je l'ai eu, et pas mon frère, elle a dû être déçue.
J'ai eu l'amour et la tendresse de mon père, il était mon dieu. Mais il était absent, pas présent du tout dans le quotidien, je n'ai jamais passé de vacances avec lui, on partageait très peu de choses. L'amour de mon père était à peine normal, comme un inceste intellectuel, ma mère m'a dit un jour qu'elle était jalouse de moi par rapport à mon père. J'étais sa chose, une sorte de jouet, il a voulu me façonner à son image. Quand j'ai eu 37 ans, mon père a voulu que je m'installe avec lui, j'ai refusé. Il m'a proposé de me donner un appartement, il a voulu que je quitte mon travail, ma vie parisienne que j'aimais, pour que je me rapproche de lui et aussi pour pouvoir l'aider à s'occuper de ma mère qui commençait une maladie d'Alzheimer, et cela, c'est dégueulasse ! Ma mère a perdu l'usage de la parole un an plus tard, et elle est morte quand j'avais 44 ans, date de ma mise en invalidité. Mon père a rencontré une autre femme qui m'a reproché d'avoir une position incestueuse vis-à-vis de lui. Mon père n'a rien dit mais je sais qu'il ne veut pas s'engager avec elle à cause de moi.
Je n'ai pas voulu d'enfant. Quand j'étais adolescente, jamais je ne me projetais dans un rôle de mère, je me disais que je n'aurais jamais d'enfant, par peur du modèle de monstre à qui ne pas ressembler. J'ai eu une relation pendant une vingtaine d'années avec un homme, elle a été très discontinue, avec beaucoup de séparations, de retrouvailles. Avec lui j'ai eu le même rapport qu'avec ma mère, je cherchais son amour qu'il ne m'a jamais donné. Pour le punir, j'allais voir ailleurs, j'ai failli l'épouser à 3 reprises. Ce qu'il voulait c'était un enfant, et moi je n'en voulais pas. Nous nous sommes quittés quand j'avais 41 ans.
J'ai commencé à avoir mal au dos cette année difficile de mes 14 ans. Des douleurs, qui me réveillent la nuit, persistent depuis, épisodiques, récurrentes, avec des lumbagos, des sciatiques fréquents. J'ai passé 5 fois une semaine en centre anti-douleur et 4 fois 6 semaines en centre de rééducation. J'ai pris des anti-inflammatoires, des antidépresseurs vite arrêtés car mal supportés. Je porte épisodiquement un collier cervical pour torticolis depuis l'âge de 20 ans. Les chirurgies n'ont rien donné non plus j'ai toujours aussi mal. Quand je travaillais encore, je travaillais allongée ; actuellement, je passe à peu près 4 heures par jour debout, le reste du temps je suis allongée. J'ai compris que je devais me gérer seule puisque les traitements n'ont pas donné de résultats, alors je gère mes douleurs, je sais qu'il faut ménager mon dos, les douleurs se calment quand je suis au repos, elles m'obligent à une petite vie.
On a évoqué une maladie de Lyme que j'aurais contractée dans l'enfance pour laquelle j'ai des cures d'antibiotiques. Je pense que la bactérie a fait son œuvre car j'étais une petite fille fragilisée par le manque d'amour. »
Sa réflexion
« Le manque d'amour rend malade, surtout celui de la maman, l'amour est au cœur de notre vie. Ma mère m'a rejetée toute ma vie, toujours en train de me détruire, de me dire que j'étais bonne à rien, je n'ai pas un bon socle. Obligatoirement, mon enfance dans une famille où il n'y avait pas de partage, pas de dialogue, pas d'amour a un retentissement sur mon état de santé. Le lot de souffrances qu'on m'a donné est un peu lourd à porter, surtout ce sentiment d'injustice par rapport au non amour de ma mère, ceci m'a poursuivie toute ma vie. Depuis mon invalidité, je suis suivie par une psychologue, elle me garde en vie, elle m'aide à tenir car je pourrais ne plus être là. J'en ai ras le bol de ce combat, je suis fatiguée de souffrir. Parfois je rêve de m'enfermer chez moi et d'arrêter de communiquer comme ma mère a fait quand elle a perdu l'usage de la parole. J'ai appris que ma mère avait été une enfant battue par un père violent, alcoolique, je me suis même posé la question de l'inceste. Cela m'a permis de comprendre, j'ai pardonné. »