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ISADORA

Dossier médical

A 13 ans apparition des cystites post coïtales à répétition, début de lombalgies qui motivent à 22 ans une chirurgie de canal lombaire étroit, de hernie discale, 5 semaines en centre de rééducation fonctionnelle. A 23 ans récidive des lombalgies, 6 infiltrations, port d'un corset. A 27 ans proposition d'une nouvelle chirurgie de dos.

Sa vie

« J'ai eu une enfance difficile. Je fais partie d'une fratrie de 3, j'ai deux frères de 8 et 5 ans plus âgés. Je n'ai aucun souvenir de ce qui s'est passé avant mes six ans. Ensuite je n'ai que des mauvais souvenirs de mon père qui était alcoolique, des souvenirs de choses que je n'aurais pas dû voir, la mémoire de ses disputes avec ma mère. J'ai des images gravées dans ma mémoire de mon père ivre mort, couché par terre ; une image de mon père ivre tombant dans l'escalier et moi, petite fille de 6 ans, lui soutenant la tête pleine de sang pendant que ma mère appelait les pompiers. C'est l'évènement le plus difficile de ma vie. Un soir lors d'une dispute très bruyante entre mes parents, nous les enfants étions en haut de l'escalier, mon frère aîné vomissant d'effroi, l'autre suffoquant de frayeur. Autour de mes 7 ans, devant moi, mon père s'est planté un couteau dans le ventre ; une autre fois il s'est tailladé les veines. Un jour de Noël, après leur séparation à mes 6 ans, mon père était invité chez ma mère et n'est pas venu. On l'a retrouvé comateux, entouré de ses bouteilles dans son appartement dans un désordre indescriptible, comme s'il se laissait mourir. Un autre Noël, il l'a passé aux urgences car il avait abusé d'alcool et d'antidépresseurs. J'essaie de ne pas y penser mais ces images tournent dans ma tête. J'ai, en tout et pour tout, un seul bon souvenir de mon père en train de jouer de l'harmonica, mais il ne compense pas les autres.

J'ai eu l'amour et la tendresse de ma mère qui m'a beaucoup protégée, qui a essayé autant qu'elle a pu, de me cacher des choses. Après leur séparation mon père nous prenait le week-end, on le retrouvait ivre, par terre. Ma mère ne l'a pas complètement abandonné, elle a continué un peu à s'occuper de lui pour que, nous, les enfants gardions un papa. Elle a assumé ses dettes de bistrots, est restée en contact. Elle a engagé une autre relation après la séparation, avec un homme marié, mais elle ne s'est pas rendue disponible, toujours pour pouvoir s'occuper un peu de mon père ; l'homme est resté marié. Ils continuent toujours à se voir depuis 20 ans, mais sans vie commune. Elle a sacrifié sa vie de femme à cause de mon père.

A l'adolescence, vers 13-14 ans j'ai commencé à avoir mal au dos, à avoir comme un poids en bas de mon dos, et je reste régulièrement bloquée, ce qui impacte ma vie quotidienne. Depuis, tous les matins je me réveille en pensant à mon dos douloureux et la douleur persiste à longueur de journée. J'ai fait de l'athlétisme en sport-études pendant 4 ans mais j'ai dû arrêter à cause de mon dos. J'ai été licenciée à 20 ans pour inaptitude après un arrêt de travail de 6 mois, puis la même chose à 22 ans après un arrêt de 18 mois, toujours à cause de mon dos. Tous les traitements médicaux, les infiltrations, le corset, la kinésithérapie, et la chirurgie n'ont pas résolu mon problème qui persiste identique.

A 13 ans, j'ai eu mon premier rapport sexuel, il s'est mal passé, et les suivants pas forcément mieux. En fait j'ai eu le plus souvent des rapports sous l'emprise de l'alcool, même si parfois cela durait un peu avec le garçon, nous nous voyions seulement dans les soirées alcoolisées. Les rapports n'étaient pas forcés, mais pas vraiment consentis, parce que l'alcool était là, parce que je n'osais pas dire non. Le lendemain matin je me sens sale, j'ai honte, je me dis que le garçon ne me voit que pour cela, je ne me sens pas respectée, les images de ces rapports me reviennent en tête. Mes cystites ont débuté lors de ces premiers rapports et sont le plus souvent post-coïtales. Depuis 3 ans, j'ai un copain plus ou moins stable, avec ruptures et reprises ; j'ai un blocage pour les rapports depuis 6 mois, et je fais toujours des cystites. Ce ne sont pas les rapports dont j'avais rêvés, ce n'est pas comme cela que ça devait se passer. Peut-être que c'est ma façon de chercher l'amour alors que j'ai l'impression qu'un homme ne peut pas m'aimer, en tout cas j'ai du mal à y croire. Je ne me pense pas aimable car mon père ne m'a pas montré que je l'étais. Je n'ai pas une bonne vision du couple. Je pense à un enfant mais cela me fait peur, peur par rapport à mon dos et peur de ne pas réussir à l'élever, à être une bonne maman, car un parent peut faillir. »

Sa réflexion

« J'ai beaucoup de colère contre mon père depuis très, très, très longtemps, et je l'ai toujours cette colère contre lui car il m'a empêchée d'avoir un vrai papa. Il a failli comme papa, ne m'a donné ni amour ni tendresse, je lui en veux aussi car il ne voit même pas où est le problème ! J'ai également de la honte ; pendant longtemps j'ai même dit qu'il n'était pas mon père. J'ai en plus beaucoup de culpabilité car je sais qu'il a commencé à boire juste après ma naissance et même si ma mère m'a expliqué que c'était après la perte de son emploi, je pense encore quelque part que c'est à cause de moi. Il a fait 3 cures de désintoxication et a arrêté de boire quand j'ai eu 24 ans, mais je suis toujours sur le qui-vive. J'en veux aussi à ma mère d'avoir toléré, à cause de lui, une vie comme elle a eue car elle n'était pas heureuse.

J'ai pensé, dans un premier temps, que mon problème de dos était mécanique, dû au canal lombaire étroit, aux hernies. Maintenant, je me pose la question d'un rapport de ce problème avec ma vie, même si aucun médecin ne m'a posé de questions sur ma vie personnelle. Aujourd'hui, j'ai compris que la solution n'est pas dans ce qui m'a déjà été proposé, et qui n'a rien amélioré. Je vais envisager un autre suivi. »

Tous les noms propres ont été anonymisés.