ALFIE
Dossier médical
A 12 ans premières règles, dysménorrhée qui persiste depuis. A 36 ans diagnostic d'endométriose.
Sa vie
« Je suis au milieu d'une fratrie de 3 filles, j'ai une sœur de 2 ans mon aînée et une autre de 7 ans ma cadette. Mon enfance s'est bien passée, j'ai eu l'amour et la tendresse de mes parents qui étaient un couple épanoui. Ils avaient vécu tous les deux leur enfance dans une famille très soudée. Ma mère était épanouie en tant que mère et en tant que femme. J'étais très proche de mon père, nous étions fusionnels.
J'ai eu mon premier amoureux à 10 ans, pas pour la relation mais plutôt pour faire comme les copines, pour l'image que cela donnait. Puis j'en ai eu d'autres pour la même raison. J'ai eu mon premier rapport sexuel à 16 ans, il s'est bien passé, je suis restée 18 mois avec lui. J'ai essayé de tomber amoureuse de lui mais cela n'a pas marché et les rapports n'étaient pas forcément agréables. Je me suis posé des questions, me suis demandé si c'était moi qui avais un problème. Je suis partie de chez moi à 17 ans pour mes études, cela a été dur de quitter le cocon familial, j'avais peur d'être seule, je ne l'ai pas trouvée chouette mon indépendance.
A 18 ans, il y a eu un basculement dans ma vie que je ne m'explique pas, c'est un ressenti. J'ai pris conscience que je n'avais pas de sentiment pour les hommes. Je me suis tournée vers les femmes, j'ai eu plusieurs relations de quelques mois, les rapports se sont bien passés avec orgasme. Puis j'ai rencontré ma femme, notre relation se passe très bien, j'essaie de reproduire le schéma de mes parents. Nous avons deux enfants, un garçon à mes 29 ans et une fille à mes 34. C'est ma femme qui les a portés, pour le premier je ne me sentais pas prête à porter un enfant. Pour le second je n'avais pas envie, j'avais peur que ma santé ne suive pas à cause des malaises, à cause des piqures qui doivent être faites chaque jour pendant l'induction. J'avais peur d'être obligée d'arrêter de travailler. J'avais peur que mon corps change, j'avais peur de l'accouchement, je me sentais trop fragile pour vivre la grossesse, l'accouchement. En fait c'est moi qui me suis fait cette croyance que ma santé ne supporterait pas une grossesse. Pendant ces deux grossesses que ma femme a portées et qui se sont bien passées, je me suis sentie à ma place. »
Sa réflexion
« La symbolique de l'endométriose me parle, elle résonne. Je me sens en état de fragilité en tant que femme. Je ne sors jamais toute seule en ville, même dans la journée. Si on m'agresse, je sais que ce n'est pas pour mon téléphone ou mon portefeuille, mais pour le sexe, je me sens comme un morceau de viande, cela me provoque du dégoût, car on perd alors sa dignité. Je ne m'explique pas vraiment cette peur, c'est un ressenti. L'émotion la plus difficile pour moi est la honte. La honte que j'ai ressentie quand j'ai assumé d'aimer les femmes, j'ai alors été fortement reniée, cela a été une vraie violence. Cette période de transition de ma vie a été difficile. L'annonce de mon homosexualité à mes parents a été faite en deux temps. La première fois, c'est un garçon qui me draguait et à qui j'avais révélé cela qui leur a annoncé. Mon père l'a très mal pris, il m'a presque reniée, il ne m'a pas bien parlé. Ces mots on ne les oublie pas. Quand je pense à ces mots, j'ai beaucoup de tristesse, je prends conscience qu'à un moment donné, j'ai déçu mes parents. Dans un deuxième temps j'en ai parlé moi-même, ils sont maintenant fiers de moi, reconnaissent qu'ils préfèrent me voir heureuse comme cela.
Quand j'ai décidé de ne pas porter l'enfant j'ai aussi eu des difficultés à assumer le regard des autres que j'imaginais me juger. J'ai du mal avec l'image que les autres ont de moi, cette image est très importante pour moi. Je ne me donne pas la reconnaissance que mes parents me donnent, de la fierté que je vois dans leur regard. Je me sous-estime beaucoup, je ne mérite rien, je n'ai pas confiance en moi. Je me dis même parfois que je ne vais pas y arriver, c'est ma façon de prévenir l'échec. Ce problème de confiance en moi s'est cristallisé à la période où j'ai pris conscience de mon homosexualité, période où mes parents l'ont appris. Il me manque une validation, une confirmation de mon père, car on n'en a jamais reparlé, on n'a jamais mis les choses à plat, on n'a jamais eu de vraies explications. »
Une semaine plus tard au téléphone : « Après l'entretien j'ai été un peu secouée. Mais il m'a permis de cogiter. Avant je ne voyais pas du tout les choses qui pouvaient interférer avec ma santé, depuis l'entretien j'ai pris conscience que l'endométriose résonne avec le féminin. Mon homosexualité souligne que je suis peut-être moins féminine que la majorité des femmes. J'ai des difficultés à extérioriser ma féminité, si je l'extériorisais, par exemple en mettant du vernis à ongle, je ne me sentirais pas moi-même. L'entretien me permet de mieux accepter l'endométriose qui pourrait me faire prendre conscience que le corps veut dire qu'il y a un mal-être. Pour l'instant je ne suis pas capable de le définir de mettre des mots sur ce mal-être. Mais tout cela me parle. Depuis l'entretien je réfléchis à l'opportunité ou non d'en reparler avec mon père pour mettre les choses au clair, je vais peser le pour et le contre. »