ALOÏSE
Dossier médical
Endométriose sévère diagnostiquée à 21 ans. A 12 ans apparition d'un psoriasis (maladie auto-immune de la peau). A 16 ans crises de spasmophilie. A 21 ans chirurgie d'une péritonite sur salpingite. A 26 ans diagnostic d'endométriose digestive.
Sa vie
« Je suis un accident, ma mère avait 17 ans et mon père 18 quand je suis née par césarienne. La famille avait posé la question d'une IVG, ma mère n'a pas voulu, c'était clair pour elle. Mon père est mort à 21 ans d'un accident de voiture, j'en avais 3. Ma mère a refait sa vie et j'ai eu un premier frère 6 ans plus tard. Lors de la grossesse, ma mère a été hospitalisée en chambre noire pour des vomissements incoercibles, j'ai passé 9 mois chez ma tante sans voir ma mère. J'ai vécu ce moment avec mon cousin et ma cousine qui avaient peu de différence d'âge avec moi comme des vacances. Un an plus tard ma mère était de nouveau enceinte. A été décidée une IVG, ma mère est allée au centre mais n'a pas pu la faire et j'ai eu un second frère. J'ai eu une enfance normale, heureuse, mon beau-père a pris la casquette de papa, j'étais son bébé, je suis restée son bébé. Il a toujours été très protecteur, mais il me couve excessivement, il veut me garder, me garder petite fille, j'ai l'impression d'être encore sa petite fille. Plus tard, il était tellement réticent à mes sorties, mon indépendance que pendant 2 ans entre 18 et 20 ans, on ne s'est pas parlé. Je l'ai très mal pris, je ne comprenais pas, je me sentais incomprise et il était impossible d'en parler alors que ces moments de vie on doit pouvoir en discuter, mais chez nous le sexe est tabou, je me suis sentie abandonnée. Il y a avec mon beau-père une distance qui ne se comblera pas et c'est lui qui l'a mise quand il refusait de me parler, cela m'a blessée. J'ai quitté la maison à 20 ans.
Un jour de l'année de mes 12 ans je suis allée chez une copine et lors du trajet dans une petite ruelle, un homme a baissé son pantalon et il m'a couru après pendant une dizaine de minutes qui m'ont paru une éternité. J'ai eu très peur, peur de mourir, peur d'être violée. J'ai réussi à lui échapper. J'en ai parlé à mes copines du moment, puis à mes parents qui ont porté plainte, mais il n'y a pas eu de suite et je n'ai plus jamais reparlé de cet évènement depuis. Pendant les années qui ont suivi, j'ai vécu dans la peur, la nuit je faisais des cauchemars, toujours le même, je me faisais courser, j'étais terrorisée, mes jambes essayaient de courir mais elles ne voulaient plus avancer, il m'attrapait. Cet évènement a pris une grande place dans ma vie, il a conditionné la suite de ma croissance de femme. J'avais peur de montrer que j'étais une fille, une femme. Pendant des années je l'ai caché, je m'enfermais dans des joggings informes, je m'habillais comme un garçon et ce jusqu'à l'âge de 15, 16 ans. Du fait de cet évènement, pendant les années qui ont suivi, j'ai fait un sport de combat.
J'ai eu mon premier rapport sexuel à 16 ans... Pouah ! Ce n'est pas un bon souvenir du tout. On rentrait de soirée, ce rapport était consenti, mais pas franchement désiré, je n'étais pas prête. C'était brutal, maladroit, complètement raté. Après je me suis sentie mal et je n'ai plus voulu le revoir. C'est à ce moment que j'ai fait des crises de spasmophilie. Ensuite j'ai eu des rapports lors d'histoires de vacances, des coups pour rien. J'avais l'impression que c'était la norme ces rapports ratés où la femme ne prend pas de plaisir et où l'homme se sert sans faire attention à la personne en face. Sur le coup je ne l'ai pas perçu, mais avec le recul je sens que l'on m'a manqué de respect. Plusieurs fois en boîte de nuit, on m'a pelotée contre mon gré mais maintenant je suis capable de me défendre. Ensuite à 21 ans j'ai eu une nouvelle relation qui a duré 9 mois et j'ai appris ce qu'étaient des rapports consentis avec envie mutuelle, j'ai compris la différence entre les rapports avec des sentiments et les rapports qui ne valent rien. Mais la relation a cessé car il avait un comportement patriarcal, s'il y avait un problème c'était ma faute, j'avais alors l'impression d'être une enfant qui se faisait engueuler par son papa. Pendant cette relation, j'ai eu une salpingite et une péritonite, le jugement péremptoire du chirurgien à mon encontre a été mal vécu, il m'a culpabilisée, il disait qu'elle était due aux chlamydiae alors que mon copain et moi avions fait des tests négatifs, je me suis sentie jugée, soupçonnée de mentir. Quand je suis retournée à la fac après une absence de plusieurs mois, j'ai eu cette même sensation de mentir sur ma maladie qui dans le regard des autres devait être mentale, genre anorexie. C'est un évènement difficile de ma vie. J'ai un nouveau compagnon depuis 3 ans avec qui cela se passe bien, mais mon beau-père n'est pas d'accord, ma mère a dû lui expliquer que s'il n'acceptait pas il allait perdre sa fille ! »
Sa réflexion
« Lors de l'évènement de mes 12 ans, je me suis sentie en danger en tant que femme, cela a conditionné mon devenir de femme et il m'arrive toujours parfois de faire le cauchemar de cet évènement, mais je réussis à me réveiller avant qu'il m'attrape. Ensuite mon premier rapport reste un évènement marquant, mon partenaire ne m'a pas montré que la femme pouvait avoir sa place alors que je me montrais à un homme pour la première fois ce qui, après l'évènement de mes 12 ans, était une difficulté, un véritable effort. Et puis voir un sexe d'homme m'a fait peur, je n'ai pas été très à l'aise les premières fois. Les rapports des relations qui ont suivi ont confirmé que la femme n'avait pas la place que j'espérais qu'elle ait. Ensuite quand j'ai eu un nouveau compagnon dont j'étais amoureuse, j'ai saisi la différence entre les rapports où il y avait du sentiment et ceux où il n'y en avait pas, mais il n'a pourtant pas effacé tout ce négatif car là encore le féminin n'a pas eu la place qui aurait dû lui revenir, comme si la femme était sur un socle en dessous de l'homme.
Le féminin a aussi eu du mal à trouver sa place dans la référence que j'ai retirée de la relation entre ma mère et mon beau-père, ils se comportent comme des amis, sans baisers, sans tendresse. Envers moi, mon beau-père a eu du mal à accepter que je devienne une femme, ce qu'il accepte maintenant mais cela a été très compliqué pour lui de franchir ce pas, je suis longtemps restée son bébé. Par ailleurs, si ma mère est un modèle pour moi en tant que mère, elle est tout ce que je ne veux surtout pas devenir en tant que femme par rapport à l'estime d'elle-même, le prendre soin de soi, la femme en elle-même. Et puis parce que dans son cas, la mère prend 99% de l'espace, la femme n'a plus de place, moi je veux 50/50. Néanmoins, je ne me sens pas femme, je ne me sens pas entière, je me fais peur. J'ai peur de ne pas avoir d'enfant ; pendant ma relation de 18 mois mes rapports n'ont pas été protégés, ni ceux avec mon nouveau compagnon depuis 2 ans et je ne suis pas enceinte. J'ai l'impression que tout ce qui se passe depuis le début s'accumule. Avant l'entretien je n'avais pas fait le rapprochement entre l'évènement de mes douze ans et l'apparition du psoriasis qui est arrivé à ce moment-là, maintenant je vois le lien. L'endométriose pourrait être là pour me dire de trouver la place que je veux, ma place en tant que femme, m'obliger à être déterminée. Avec mon nouveau compagnon, je pense avoir trouvé l'équilibre du féminin que je cherche. »
Une semaine après l'entretien au téléphone : « Merci, l'entretien m'a permis de prendre conscience de certaines réalités de ma vie, de débloquer des choses, comprendre l'importance de certains évènements passés qui sont toujours présents dans ma vie. Il m'a permis de comprendre la nécessité de prendre soin de moi et l'utilité de me faire aider par exemple par une thérapie. »