ANINGLA
Dossier médical
Endométriose diagnostiquée à 38 ans. A 16 ans mycoses vulvovaginales à répétition. A 27 ans naissance d'un garçon, à 30 ans d'une fille. A 32 ans fausse couche d'un embryon sur grossesse gémellaire, décision d'IVG sur l'embryon restant qui ne sera pas nécessaire en raison d'une fausse couche spontanée.
Sa vie
« Je suis au milieu d'une fratrie de 3 filles, j'ai par mon père une demi-sœur de 4 ans mon aînée et une sœur de 9 ans ma cadette. Après moi, ma mère a fait 5 ou 6 fausses couches. J'ai vécu les 6 premières années de ma vie au Pérou, pays de ma mère. Mon père l'a épousée là-bas, sans être encore divorcé de sa première femme, ma demi-sœur le voit comme un polygame. J'ai passé beaucoup de temps chez mes grands-parents, ma mère voyageait avec mon père qui était navigateur. Je n'ai pas été maltraitée chez mes grands -parents, par contre, ensuite nous sommes rentrés en France et j'ai été enfant battue. Même si j'ai occulté une partie de mon enfance, je sais que quand mon père n'était pas là, ma mère frappait et souvent la tête, elle me cognait la tête contre le mur en crépi, elle me donnait des coups de balai sur la tête. J'en veux à mon père d'avoir été souvent absent, de ne pas avoir vu ou pas avoir voulu voir. Je pense qu'il n'a pas pu assimiler cela, il était dans le déni. J'ai toujours cherché la reconnaissance de mon père, son aval, il m'a beaucoup manqué. Mes parents, surtout ma mère m'ont toujours culpabilisée de leur coûter de l'argent pour manger, pour faire des études.
A 13 ans j'ai été violée par un copain d'école qui avait 15 ans. Je considère que c'est un abus de consentement, je me suis laissé faire par domination, j'ai été manipulée, sinon je n'aurais pas cédé. Et le lendemain à l'école il a raconté que depuis qu'il m'avait pinée, je ne me sentais plus pisser et j'ai été harcelée à l'école. Il a volé mon enfance, gâché ma vie. C'est venu aux oreilles de ma mère qui m'a dit que j'étais une pute, que je ne pourrais pas me marier vierge. Ensuite elle a continué à me traiter de pute, elle a gâché ma sexualité avec ces paroles qu'elle me répétait. En même temps quand j'ai été célibataire elle me disait qu'il fallait trouver des plans cul, elle pouvait même faire l'entremetteuse. Et puis, un jour un copain m'a confié avoir vu mes parents sur un club échangiste et 15 jours plus tard, sur facebook j'ai vu une photo de ma mère nue en sandwich entre deux mecs. Et c'est elle qui me traite de pute !
A 14 ans pour fuir la maison, j'ai opté pour apprendre le russe, ce qui m'a permis d'aller dans une école éloignée. C'était chouette, je n'étais plus maltraitée. J'ai été logée dans une maison où une dame gardait des enfants de la DASS.
A 15 ans je suis allée dans un pensionnat où j'ai été interne, j'étais protégée, j'excellais dans mes études, je me suis réinventée. A 16 ans j'ai eu mon premier vrai rapport, on sortait ensemble depuis un an mais j'ai voulu attendre pour ce rapport à cause des dires de ma mère qui me répétait que j'étais une pute. Je suis restée deux ans avec lui et j'ai toujours fait l'amour seulement pour lui faire plaisir. Un jour mon copain pour remettre à sa place ma mère qui se plaignait de devoir me nourrir, lui a dit que c'était la loi qui obligeait les parents à nourrir leurs enfants. Il a voulu me protéger.
A 21 ans j'ai rencontré le père de mes enfants. Dans cette relation aussi les rapports ont été douloureux, mon mari était très membré, il me faisait mal. A 31 ans j'ai repris contact avec un ami d'enfance péruvien et je suis partie vivre mon idylle au Pérou, j'ai emmené mes enfants. Je désirais cet homme, c'était la première fois que cela m'arrivait. J'ai été enceinte, cette grossesse qui était gémellaire, je la voulais, j'ai perdu un des deux embryons et j'ai malgré mon désir décidé une IVG sur l'embryon restant. L'IVG n'a pas été faite car j'ai fait une fausse couche. Je suis rentrée en France pour mes enfants, c'était impossible pour moi de les priver de leur père en restant au Pérou. J'ai fait une grosse dépression, je n'ai pas digéré la perte de ces bébés. J'ai divorcé d'avec mon mari, nous avons une garde alternée. A 32 ans je me suis retrouvée seule sans ressources, sans travail puisque mon mari ne voulait pas que je travaille. J'ai dû aller aux restos du cœur, j'ai touché le fond, j'ai vendu mes bijoux pour que mes enfants ne se rendent pas compte de la situation. Puis à 33 ans j'ai retrouvé un travail et j'ai rencontré un homme en qui j'ai confiance. Il a 29 ans de plus que moi, on s'est mariés, les rapports sont toujours douloureux et je ne suis pas demandeuse. Le diagnostic d'endométriose m'a quelque part soulagée, j'ai pu lui expliquer que je l'aime mais qu'il y a l'endométriose qui gêne les rapports, sexuellement on s'est apprivoisés, il peut me toucher. En même temps quand je suis en grosse crise douloureuse, je me déteste d'être aussi faible, d'être freinée dans mon élan, j'ai des moments de désespoir, j'ai envie de mourir. J'ai beaucoup de violence en moi, je suis capable de chercher un contexte pour me mettre en danger. Je peux me taper la tête contre les murs. Cela fait 3 ans que je suis en mode survie. »
Sa réflexion
« Mes parents je leur ai pardonné, ils ont fait ce qu'ils ont pu. Ma mère avait réussi à casser les codes qui lui avaient été donnés et qui étaient des carcans : elle a pris la pilule alors qu'au Pérou on croit que la pilule rend fou. Mais ma grand-mère a piqué la pilule à ma mère et je suis arrivée.
La symbolique de l'endométriose, de ce féminin en souffrance, que vous proposez me parle. J'ai un problème avec mon féminin, j'ai du mal à exprimer mon féminin, par exemple je n'ose pas mettre des escarpins. Attirer le regard me traumatise, je n'ai pas envie qu'on me convoite, Je ne veux pas être désirée, être une viande, c'est forcément lié au viol de mes 13 ans. Ce viol n'est pas réglé, j'ai honte d'avoir cédé, je me sens coupable d'avoir cédé. Il a gâché ma vie, celle de mes enfants à cause de la pudeur que je leur impose, je suis surprotectrice pour eux. Vos explications sur la psycho-traumatologie m'invitent à m'ouvrir aux nouvelles thérapies candidates à ranger les souvenirs traumatiques, c'est nouveau pour moi cette éventuelle possibilité de travailler sur ces souvenirs. Faire une démarche pour l'hypnose, l'EMDR, cela me parle, je n'ai plus envie que cet évènement de vie reste aussi lourd.
L'endométriose je la vis comme la punition du non aboutissement de cette grossesse, je pense que c'est mon corps qui l'exprime. L'IVG qui s'est transformée en fausse couche est l'évènement le plus difficile de ma vie, c'est un lourd fardeau qui pèse 10/10. Après cet évènement j'ai mis du temps à voir des femmes enceintes sans ressentiment. Vous me demandez ce que serait devenue cette grossesse si elle avait abouti ? Je ne m'étais jamais posé la question. Mon ami péruvien ne serait pas venu vivre en France, il me l'a dit. L'enfant ou les enfants nés de cette grossesse n'auraient donc pas eu leur père. Or c'est pour moi une valeur fondamentale de donner un père à mes enfants, j'aurais été dans une impasse, j'ai fait le bon choix. Je réalise que ce que je considérais comme un inachevé est un choix. Je n'avais jamais eu ce regard sur cet évènement. Merci. Je suis rentrée en France après mon idylle pour la raison qu'il était inenvisageable pour moi de priver de leur père les deux enfants que j'avais déjà, je ne voulais pas être égoïste comme ma mère. Il y a quelque temps, quand le chirurgien m'a parlé d'une intervention chirurgicale pour mon endométriose, ce n'était pas possible car cela me ramenait à un inachevé. Je peux maintenant envisager cette chirurgie, je n'ai pas de regret, je peux aujourd'hui clôturer ce moment de ma vie, ce n'est plus un fardeau.
Je n'avais pas vraiment compris l'enjeu de cet entretien, maintenant j'ai compris, je sais à quoi il a servi. Je suis arrivée en n'étant pas en conscience avec moi et suis repartie en conscience avec moi-même. Cette prise de conscience change tout : je suis arrivée victime de ma maladie que je vivais comme une punition, et je ressors actrice de ma maladie, je me donne les chances d'aller mieux. Cet entretien est la clé de voûte de la guérison ou tout au moins la façon d'en prendre le chemin. Vous avez semé des graines intéressantes que je vais faire germer. Je suis contente de vous avoir vue, je vous remercie. »