JILL
Dossier médical
Endométriose diagnostiquée à 25 ans. A 20 ans cystites à répétition, pyélonéphrite.
Sa vie
« Je suis la seconde d'une fratrie de 2 enfants, j'ai un frère de 3 ans mon aîné, nous avons été un peu comme chien et chat, surtout après le divorce de nos parents quand j'avais 12 ans car il a voulu prendre la place de notre père et moi je n'étais pas d'accord. Dans mon enfance, mon père travaillait souvent tard, il rentrait quand j'étais couchée, aussi en pratique je ne le voyais que le week-end, je lui en ai voulu de ne pas être assez présent. Quand j'ai eu 10 ans mes parents ont commencé à se disputer. Je ne comprenais pas trop ce qui se passait, mon père nous apportait des dessins d'une petite fille en nous disant : je ne peux pas vous en dire plus, vous comprendrez plus tard. En effet j'ai compris plus tard à mes 12 ans, quand ils ont divorcé qu'il avait déjà une autre femme dans sa vie qui avait une petite fille d'une précédente union. Il a fait pour cette petite fille des choses qu'il n'avait jamais faites pour moi, aller la chercher à l'école par exemple, j'ai été jalouse, j'ai eu de la colère. Il y a eu garde alternée, ce qui se passait très mal car je n'acceptais pas que ma belle-mère prenne la place de ma mère, surtout que mon père était beaucoup plus gentil avec elle qu'avec ma mère. De plus pour ma belle-mère, j'étais une esclave, elle me faisait tout faire et sa fille ne faisait rien du tout. Quand je me plaignais à mon père, il ne m'écoutait pas ou disait que j'étais une menteuse et de plus, il ne donnait pas les mêmes règles à nous ses enfants qu'à la fille de ma belle-mère. J'estime quand même avoir eu l'amour et la tendresse de mon père.
Ma mère aussi a refait sa vie quand j'avais 14 ans, elle s'est bien entendue avec mon beau-père même s'il est un peu spécial, mais ça va, il a eu plus de difficultés avec mon frère qui est parti assez tôt de la maison. Moi je me débrouillais, je prenais le train toute seule à 13 ans, ce qui ne me choquait pas à l'époque mais me choque maintenant.
A l'âge de 16 ans j'ai appris pourquoi mes parents avaient divorcé, c'est ma mère qui me l'a expliqué : elle avait du mal à avoir des rapports. Elle m'a confié qu'elle avait subi un inceste de son père à partir de 15 ans jusqu'à 18 ans, l'âge où son père est mort. J'ai eu beaucoup de colère contre ma grand-mère, une colère à 8 ou 9 sur 10 de n'avoir rien fait pour ce qu'a subi ma mère, de ne pas avoir pris soin d'elle, de ne pas l'avoir défendue. J'ai appris très récemment par ma mère que ma grand-mère n'était pas au courant au moment des faits, elle l'a appris plus tard, de plus elle se faisait frapper par son mari. Cela a apaisé ma colère mais je tiens à avoir une discussion en face à face avec elle. Ma mère m'a dit qu'elle avait parlé à mon père de ce qu'elle avait subi pour lui expliquer ses difficultés de rapports.
J'ai eu mon premier rapport à 15 ans et demi qui s'est bien passé de même que les suivants même si parfois c'était juste pour lui faire plaisir. Nous sommes restés 2 ans ensemble. Ensuite je suis restée un an toute seule puis j'ai eu un nouveau partenaire entre 18 et 22 ans, au début tout s'est bien passé, puis je me suis forcée pour les rapports, puis j'ai dit non, mais il n'en tenait pas compte. Il me dominait physiquement, alors je me laissais faire, j'attendais que cela passe. Il m'a trompée, j'ai pardonné, il m'a re-trompée et j'ai réussi à le quitter, néanmoins je considère que les derniers mois je suis restée avec lui contrainte et forcée car je n'avais pas d'autonomie financière. C'est ma mère qui payait la colocation et elle ne pouvait pas assumer tout un loyer. C'est après la rupture que j'ai pris conscience que j'avais subi des viols conjugaux, avant je ne savais même pas que cela existait, **je croyais que quand on était en couple avec un homme, on avait l'obligation de faire son devoir conjugal **! Ce sont mes études, mes cours qui m'ont informée, m'ont éclairée, j'ai alors aussi mieux évalué ce qu'avait vécu ma mère. Après cette prise de conscience, j'ai fait n'importe quoi, j'ai eu une relation de 3 mois avec un homme que je connaissais à peine, ce qui n'est pas dans ma nature, un pervers narcissique. Il y a eu de la violence physique, notamment un étranglement qui m'a décidée à rompre, j'ai porté plainte, mais cela a été classé sans suite. Je savais que je n'avais aucun sentiment pour lui, mais j'ai eu cette liaison pour oublier, alors que non seulement ce n'est pas une bonne solution, mais cela a empiré les choses : par exemple le regard que je porte sur les hommes. Je n'ai pas du tout confiance, j'ai toujours été trahie et on ne peut pas avoir de relation sexuelle sans la confiance. Depuis cette relation je suis célibataire, je m'interdis d'avoir des rapports, je me mets des barrières, j'ai peur d'avoir mal. Je voudrai des enfants, j'aurais même aimé en avoir très tôt, mais je veux finir mes études car je veux mon autonomie. »
Sa réflexion
« J'ai une belle image de ma mère, en tant que femme et en tant que mère, elle a toujours été là pour nous les enfants, elle s'est battue jusqu'au bout, mais une femme abîmée par les hommes. D'abord son père, puis mon père qui n'a pas accepté, pas compris les difficultés de ma mère pour les rapports alors qu'elle l'avait mis au courant de ce qu'elle avait vécu. En ce qui me concerne, je pense que mon père n'a pas été conscient de ce que je lui ai confié, pour lui, le viol conjugal n'existe pas, il ne m'a pas crue quand j'ai expliqué mon problème, d'autant plus que le compagnon en question était pour lui un gendre idéal.
Les deux évènements les plus difficiles de ma vie ont été d'apprendre que ma mère avait subi un inceste et de prendre conscience que moi-même j'avais subi des viols conjugaux pendant plusieurs années. L'émotion la plus difficile pour moi, c'est la colère, la colère contre les hommes, à 8 ou 9 sur 10 et puis contre ma grand-mère quand je pensais qu'elle n'a pas protégé ma mère. Et puis il y a aussi le manque de confiance en moi à cause de tout cela. Heureusement j'ai deux figures de référence d'hommes droits : mon frère qui est droit et toujours respectueux et mon beau-père qui a bien attribué la place de chacun quand il est arrivé à la maison : pour lui être notre beau-père sans prendre la place du père et pour mon frère le remettre à sa place d'enfant, pas celle de prendre la place de mon père comme il le voulait.
Je pense que nos maladies ne tombent pas au hasard. L'endométriose c'est la souffrance de mon féminin imprimée sur mon corps, j'ai été blessée dans ma féminité, mon rapport aux hommes a été blessé. Mon endométriose c'est une défense de mon corps pour éviter les rapports, elle pourrait être là pour me dire de faire attention aux hommes, de bien les choisir. Je prends aussi conscience que les cystites et la pyélonéphrite de mes 20 ans sont survenues l'année où ont commencé les viols intra conjugaux, je n'avais pas fait le rapprochement, mais les dates correspondent.
J'ai adoré mon RV avec le chirurgien que j'ai consulté, il a ouvert la porte d'une réflexion globale, m'a permis de m'ouvrir un champ du possible, me rendre compte des liens possibles entre l'endométriose et certains évènements de ma vie, ce que je n'envisageais pas auparavant. Il m'a dit : je peux enlever le nodule, mais le fond du problème n'est pas là. Il fait de la pluridisciplinarité. »
Une semaine après au téléphone : « Après l'entretien j'ai recontacté mon ex qui m'a fait subir les viols intra conjugaux et nous avons convenu d'une rencontre pour nous voir et parler. Depuis tous ces rendez-vous, je prends vraiment conscience que les maladies c'est ce que le corps dit pour nous prévenir, c'est logique. »