LIV
Dossier médical
A 15 ans premières règles douloureuses, épisode dépressif, anorexie qui durera jusqu'à 20 ans. A 18 ans aménorrhée qui durera 3 ans. A 23 ans cystites, mycoses à répétition. A 37 ans hypersensibilité vésicale, brulures post mictionnelles. A 39 ans diagnostic d'endométriose.
Sa vie
« Je suis l'aînée d'une fratrie de 3 enfants, j'ai un frère de 2 ans mon cadet et une sœur de 8 ans ma cadette. Ma naissance a été très compliquée, j'ai failli mourir et ma mère aussi, il y a eu un forceps très difficile. Ma mère a été endormie, elle m'a dit s'être réveillée avec 'son ventre à côté d'elle', toute seule, se demandant si j'avais survécu. Elle a mis du temps à se remettre, a fait une dépression, elle s'est raccrochée à moi comme à une bouée de sauvetage. Elle s'est sentie très seule, mon père qui n'était pas prêt à être père n'était pas super investi, en même temps, ma mère ne lui a peut-être pas laissé assez de place. Il était jaloux de moi. Lors de l'accouchement de mon frère, 2 ans plus tard, ma mère a aussi failli mourir d'une hémorragie, ils l'ont rattrapée par les cheveux, elle a fait une sortie de son corps. Puis mon père a voulu un troisième enfant alors que cela n'allait pas dans leur couple. Ma mère a accepté seulement s'il s'investissait, ce qu'il a fait un peu mais il ne s'occupait quand même pas beaucoup de nous. Elle a été très anxieuse pendant sa troisième grossesse, elle faisait des cauchemars.
Je pense avoir eu l'amour de mes parents, mais mon père ne savait pas le montrer, il ne savait pas faire. Entre eux, c'était très compliqué, je les entendais s'engueuler, il y avait de la violence verbale, des mots blessants. Il n'y avait aucune tendresse, aucune affection. Pour leurs 10 ans de mariage j'ai été tellement surprise de les voir s'embrasser que cela m'a choquée. Ma hantise était qu'ils divorcent, ce qui aurait été une catastrophe pour moi, ils l'ont fait à mes 23 ans. J'ai été leur médiateur et ce n'était pas une bonne chose. J'ai entendu des choses que je n'aurais pas dû entendre, ils déballaient leur vie intime. Mon père draguait d'autres femmes devant ma mère qui se sentait abandonnée. Ma mère l'a trompée avec un homme dont elle a été enceinte et a dû avorter. Ma mère travaillait de nuit, je ne voulais pas aller me coucher car je me sentais en insécurité, il pouvait m'arriver n'importe quoi, mon père dormant tellement profondément. Très tôt c'est moi qui me suis occupée de ma sœur. A mes 8 ans elle est tombée de la table à langer, mon père m'a culpabilisée en disant qu'elle pourrait avoir un hématome, je pense que c'est sa propre culpabilité qu'il a mise sur moi, je l'ai très mal vécu. J'ai eu un sentiment d'injustice, d'autant que c'était toujours à moi d'aider, de faire les choses.
Au collège j'ai subi du harcèlement, j'étais réservée, timide, sans répartie, j'ai été humiliée, maltraitée, j'ai souffert de ne pas être intégrée. C'est l'année de mes 15 ans que j'ai eu mes premières règles qui n'ont pas été les bienvenues, ni ma poitrine qui poussait, tout ce qui concernait la féminité, cela ne m'emballait pas du tout. Quand j'étais petite et que j'ai compris comment on faisait les bébés, j'ai dit : ah non, ah non. Mon frère est transgenre, il a changé de sexe à 30 ans, il est une femme maintenant. C'est comme si, lui aussi avait une mauvaise image du masculin. Il s'est fait opérer le jour de l'anniversaire de ma mère et il y a eu une complication, il a failli mourir. Il ne nous a pas inclus dans son cheminement.
C'est à cette époque de mes 15 ans que j'ai commencé mon anorexie qui était pour moi un moyen de contrôler au moins un truc de ma vie. Puis après 6 cycles je suis restée 3 ans en aménorrhée, ce qui m'arrangeait bien, elle a été attribuée à mes troubles du comportement alimentaire et aussi au sport de haut niveau que je pratiquais. J'ai vu un psychiatre qui ne m'a pas aidée, je ne me suis pas sentie prise au sérieux, il m'a prescrit des anxiolytiques. Je suis sortie de mon anorexie quand j'ai changé d'école pour mes études supérieures car j'ai voulu faire comme tout le monde, manger comme tout le monde, surtout ne pas me faire remarquer. A ce moment de mon adolescence, cela a été très conflictuel avec mon père, je n'ai pas confiance dans les hommes. J'ai fait de la natation synchronisée de haut niveau, j'ai eu la sensation que mon père ne m'a donné de l'attention, n'est venu me voir que lors des compétitions, quand j'ai eu des médailles, comme si je ne l'intéressais que dans la réussite, comme si on ne pouvait pas m'aimer comme je suis. Il fallait que je sois performante pour avoir son attention. Il a probablement reproduit ce que faisait son propre père avec lui quand mon père faisait du vélo de haut niveau. Un jour il m'a dit : tu as un caractère de cochon, aucun mec ne voudra de toi. Cela m'a énormément blessée, c'est gravé dans ma tête, je revois parfaitement bien la scène et je ne crois toujours pas qu'un homme puisse m'aimer. Les amoureux c'est compliqué pour moi. Mon premier souvenir difficile remonte à mon CM2, un petit garçon dont j'étais amoureuse regardait des photos de classe, il a dit devant une photo de moi : Ah non pas elle, d'un air dégoûté, ce qui m'a blessée. Au collège j'ai été moquée par un garçon que j'aimais bien, je n'ai plus jamais osé dire qu'un garçon me plaisait. Aussi quand, à 18 ans je me suis aperçue que je pouvais plaire, je ne pouvais pas le croire : ce n'était pas possible que je puisse plaire à quelqu'un ! Je suis sortie 3 semaines avec ce garçon mais il n'y a pas eu de rapport, je n'étais pas prête, j'avais tellement peur des rapports. A 23 ans j'ai eu mon premier rapport sexuel, il a été très douloureux, j'étais tellement tendue que l'homme a pensé que j'avais été violée. Les douleurs ont été intenses, à 8 ou 9/10, puis un peu moins par la suite de la relation qui a duré 3 mois. Cette relation n'a pas été très saine, il draguait une fille devant moi, puis revenait. Dans cette relation, qui a été discontinue, je ne me suis pas sentie respectée. En fait ce qui m'importait était de plaire à quelqu'un. C'est à ce moment que j'ai fait des cystites, des mycoses à répétition. A 25 ans j'ai eu une nouvelle relation pendant 3 mois, là encore les rapports ont été douloureux, je n'osais pas dire non mais je n'étais pas demandeuse, n'avais aucune libido, j'essayais juste de ne pas le montrer de peur d'être rejetée. Les rapports ont été consentis mais pas désirés. A 33 ans j'ai eu une nouvelle relation de 5 mois, il y a eu très peu de rapports car je n'étais pas demandeuse et lui ne voulait pas me forcer. A 37 ans j'ai eu une nouvelle relation peu confortable, instable. Lors de notre premier rapport, j'ai eu l'impression qu'on m'enfonçait une épée, c'était à la limite du supportable. Je me fais une obligation de devancer le désir de l'autre comme si pour être aimée je devais faire cela. Quand je deviens amoureuse tout se bloque, mon cœur se referme comme un bunker et lors des rapports j'attends que cela se termine. Et puis les examens gynécologiques sont compliqués pour moi, je garde le souvenir de l'un d'eux à mes 24 ans qui a été terrible. J'aimerais une relation stable, mais j'ai peur, j'ai la trouille de l'engagement. Je suis gênée par le manque de confiance en moi, le manque de confiance dans les hommes, je n'ai pas toujours pu compter sur mon père. Je ne sais pas si je veux être mère, je ne sais pas si c'est moi qui ne veux pas ou si c'est l'idée que mon entourage, la société me dictent cela. J'ai peur de la grossesse, de l'accouchement.
J'ai omis, pas volontairement, mais parce que j'ai oublié, de vous signaler que j'ai subi un viol à 28 ans. Il était le fils d'amis de mes parents, c'était lors d'une soirée, j'avais trop bu. Je l'ai embrassé, mais après je sais que j'ai répété et répété : non je ne veux pas, non je ne veux pas. Je me suis mise en black-out, et étrangement je n'ai pas eu mal. J'ai eu beaucoup de colère, de culpabilité et de honte à 9/10 de ne pas m'être sauvée. (Pleurs) J'ai écrit ce que j'avais vécu et symboliquement j'ai brûlé le papier, cela a fait diminuer ma colère, ma culpabilité à 5/10. Je n'ai jamais parlé de tout cela sauf à une amie proche mais je ne me suis pas sentie comprise. Ma mère ne le sait pas. »
Sa réflexion
« L'endométriose en symbolique me parle, elle est la manifestation de la souffrance de cette zone liée au féminin. Mon arrière-grand-mère a subi l'inceste, des enfants seraient nés de cet inceste, elle ne voulait pas être mère, ensuite elle a été maltraitée par son mari. Ma grand-mère n'était pas une maman, elle n'a donné aucune affection à ma mère, elle la battait. Ma mère et ses sœurs ont subi des attouchements par le commis de la ferme, ma mère avait 7 ans, sa sœur 4 ans, mon grand-père l'a su mais il a fallu se taire : chut ! Et l'homme revenait travailler à la ferme et il ne fallait rien dire. C'est ma mère qui m'en a parlé vers mes 20 ans, j'ai trouvé cela horrible que ma mère ait pu vivre cela. Quand le premier médecin que j'ai vu pour mon endométriose m'a parlé du féminin blessé, j'ai pensé : enfin un médecin avec qui je me sens comprise. Parce que en effet j'ai du mal à me considérer comme une femme, à me dire que je suis une femme. Cette endométriose pourrait me dire d'accepter mon féminin, de stopper le schéma répétitif de ma lignée, de guérir l'histoire des femmes de la famille, de soigner la place des femmes. L'endométriose n'est pas une maladie incurable, mais mon corps qui essaie de communiquer avec moi. »
Une semaine plus tard au téléphone : « Après l'entretien j'ai été remuée, chamboulée, je pensais que certaines choses étaient digérées comme la phrase de mon père, le viol, l'examen gynécologique tellement difficile. J'ai pris conscience qu'ils me provoquaient encore beaucoup d'émotions et que je devais les travailler. J'ai compris avec les explications sur le traumatisme, que lors du viol, j'ai été sidérée, ce qui explique pourquoi je n'ai pas pu me sauver, ma culpabilité, ma honte sont descendues à 1/10. »