LORENCITA
Dossier médical
Endométriose diagnostiquée à 28 ans, chirurgie per-coelioscopique. Entre 23 et 26 ans cystites et mycoses vulvaires à répétition. A 26 ans IVG. A 27 ans apparition brutale de douleurs pelviennes.
Sa vie
« Je fais partie d'une fratrie de 2 enfants, j'ai un frère de 3 ans mon aîné. Il est addict aux jeux vidéo depuis l'âge de 16 ans, il s'est isolé de tout le monde. J'ai eu une enfance heureuse avec l'amour et la tendresse de mes parents. Pourtant j'ai toujours connu ma mère dépressive, je l'ai vue en crise, pétant les plombs, se roulant par terre, elle a fait 10 tentatives de suicide. A 15 ans je l'ai vue intubée, en réanimation, cette image m'a beaucoup choquée. Je sais qu'elle a eu une enfance très difficile, n'a pas été désirée, sa mère le lui a fait savoir et son père lui a mis la main dans la culotte. Elle a assisté aux scènes de violence de son père sur sa mère et en a été fortement touchée. Sa sœur aussi puisqu'elle s'est suicidée en se jetant sous un train, mon grand-père a montré à ma mère qui avait 8 ans les morceaux du corps. Le mari de cette sœur suicidée s'est lui-même suicidé à 40 ans quand leur fils avait 5 ans. Par contre la famille de mon père c'est une famille qui vaut plus que de l'or.
J'ai eu mes premières règles à 10 ans, ce que j'ai très mal pris, je n'étais pas au courant, j'ai eu du mal, je n'étais pas OK, j'avais honte. J'ai fait un rejet de cette féminité qui arrivait trop tôt, surtout que mes règles étaient douloureuses. J'en ai voulu à mon corps, j'ai été en colère contre lui pendant plusieurs années, pour manifester cela je ne me changeais pas quand j'avais mes règles et me faisais gronder par ma mère. J'ai accepté ces règles autour de 12 ans même si elles sont restées douloureuses jusqu'à ce que je prenne la pilule pour la contraception à 15 ans, âge auquel j'ai eu mon premier rapport sexuel qui a été horrible car très douloureux, j'en ai pleuré ; les suivants n'ont pas été très satisfaisants puis ensuite ils se sont bien passés. Le garçon m'a quittée après une relation de 3 ans, ce que j'ai très mal vécu, j'ai fortement envisagé de me suicider. J'ai fait une thérapie, j'ai pu sortir ma colère et cela m'a fait beaucoup de bien, la psychologue m'a appris à m'aimer, à prendre confiance en moi. A 21 ans j'ai eu une nouvelle relation d'un an qui s'est bien passée, les rapports aussi. A 23 ans j'ai entamé une nouvelle relation, au bout de quelque temps il m'a trompée, je n'ai pas accepté cette trahison, j'ai voulu rompre, mais il m'a demandé une deuxième chance....j'ai accepté sans être vraiment d'accord. Et pendant 3 ans je me suis forcée, je me suis forcée pour les rapports, alors que mon corps ne voulait plus. J'avais beaucoup de rancœur par rapport à la tromperie, à la trahison, c'est pour cela que mon corps ne voulait plus. Quand je pense aux rapports de ce moment-là : beurkk.. mon corps était là mais pas moi, comme si mon corps était violé et en plus avec ma permission, comme si je donnais la permission à mon copain alors que je ne me la donnais pas à moi-même, je me demande si ce n'est pas le pire. Comment peut-on accepter cela ? J'ai honte de ne pas m'être respectée. C'est la première fois que j'exprime tout cela. Je regrette beaucoup cette situation de m'être forcée, je me suis forcée car dans le schéma sociétal de représentation du couple, il ne faut pas blesser l'homme. Les femmes doivent accepter et beaucoup de femmes acceptent des rapports alors qu'elles n'en ont pas envie, beaucoup de mes amies fonctionnent comme cela. Mais on n'est pas obligée d'accepter, même si c'est le mari ou l'ami ! Je n'ai jamais exprimé à mon copain que je ne voulais pas de ces rapports, s'il avait su cela il ne m'aurait jamais forcée. Je ne peux en vouloir qu'à moi-même et je m'en veux, je suis en colère contre moi-même, une colère à 8/10, je ne me suis pas respectée**.** Pendant cette relation j'ai été enceinte par accident, j'ai décidé une IVG, lui aurait voulu garder la grossesse. Même si c'est moi qui l'ai décidée, j'ai mis 2 ans à m'en remettre. Pendant cette relation j'ai fait des cystites et des mycoses à répétition qui ont pratiquement disparu quand la relation a cessé.
J'ai un nouveau compagnon depuis 8 mois, au début les rapports se sont bien passés mais ils deviennent de plus en plus douloureux à tel point que j'avais fait une croix sur les rapports. Quand le chirurgien m'a parlé de traumatisme éventuel j'ai eu peur, peur d'avoir subi un traumatisme que j'ignorerais ; en même temps il m'a ouvert une porte alors que j'avais tout fermé à clé. Il m'a ouvert la porte à une compréhension différente, il est le seul médecin qui m'ait prise au sérieux. Cette porte qu'il a ouverte est maintenant totalement déverrouillée et grande ouverte. Au fil de l'entretien d'aujourd'hui, cela fait tilt, je comprends que le traumatisme évoqué est évidemment cette relation de 3 ans et ses rapports forcés. C'est un vrai déclic, les rapports actuels qui me conviennent me rendent les anciens plus difficiles.
Au moment du diagnostic d'endométriose, je me suis posé la question 'pourquoi moi ?', maintenant je ne me la pose plus. L'entretien me fait me remettre en question et comprendre des choses, l'endométriose n'est pas là par hasard, je n'aurais pas dit cela il y a 2 mois. Elle est là pour me faire comprendre que j'ai des changements à faire et que je dois me respecter et respecter mon corps, j'ai bien compris. Cela cautionne en fait ce que je pensais et que je n'aurais jamais formulé car je me disais que je passerais pour une folle. Depuis ma consultation avec le chirurgien et ses explications, je me suis dit je vais avoir des rapports pour moi, pas pour mon copain et ... ils se sont bien passés, ce qui me fait penser que même s'il y a la maladie qui est là, il y a une grosse part psychologique. Je pense que c'est une grande avancée dans ma vie de comprendre cela. »
Sa réflexion
« J'ai beaucoup de colère, de honte et de culpabilité de cette relation de 3 ans, de ces rapports forcés que j'ai acceptés alors que je n'en voulais pas. Il y a cette croyance sociétale que les femmes doivent accepter les rapports, même si elles ne veulent pas. Je ne connais pas une copine, une cousine qui ne se soit pas fait embêter ou agresser ou caresser les fesses dans les transports en commun, ou ailleurs. Moi j'ai été suivie et caressée par un homme un soir près de chez moi, je me suis sentie en danger, j'ai eu peur. J'ai déposé plainte, il y a eu un procès, il avait agressé 8 filles ! Il a pris 3 ans de prison mais je me dis qu'il va sortir un jour ! Une autre fois, à 16 ans, dans le train un homme un peu alcoolisé a mis sa main sur ma cuisse, et personne n'a réagi ! J'ai reçu l'info que la société acceptait que n'importe quel homme avait le droit de poser sa main sur la cuisse d'une jeune fille de 16 ans ! La société accepte cela, nous les femmes on est beaucoup moins bien protégées que les hommes, j'ai beaucoup de colère envers les hommes et envers la société, colère à 8/10. Et on grandit là-dedans ! Mais on n'est pas obligées d'accepter cela. Vous soulignez la réelle prise de conscience que j'ai réalisée et en effet je décrète que la féminité blessée c'est du passé, je balance ma culpabilité, je l'écrase et la honte je la jette par la fenêtre. Je vais remercier mon corps de m'avoir envoyé des signaux, fait comprendre des choses, il m'a aidée à sortir de cette situation difficile qui aurait pu durer beaucoup plus longtemps que les 4 ans qu'elle a duré, 4 ans de douleur pour mon corps et pour moi. Cette maladie m'a appris combien il était important de se respecter, de respecter son corps et je dois me focaliser sur cela non pas sur la culpabilité et la honte. Merci de m'aider à voir les choses comme cela. Même pour ma maman pour qui j'ai une très difficile émotion de honte, vous me faites prendre conscience que ce n'est pas de ma mère dont j'avais honte mais de sa maladie dépressive plausiblement expliquée par ce qu'elle a subi, je peux avoir une belle image de mère, de ma maman. »
Au téléphone, une semaine après l'entretien : « Après l'entretien j'ai écrit ce que j'en retenais et j'ai beaucoup pleuré, mais depuis la culpabilité et la honte ont disparu, ce qui m'a beaucoup soulagée. »