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MAGLIANA

Dossier médical

A 20 ans apparition d'une dysménorrhée handicapante, dyspareunie d'intromission, douleurs en dehors des règles, début de cystites à répétition à raison d'une ou deux par mois. A 26 ans diagnostic d'endométriose, localisation ovarienne bilatérale à l'IRM.

Sa vie

« Je suis l'aînée d'une fratrie de 3, j'ai un frère de 5 ans mon cadet et une sœur qui a 7 ans de moins que moi. Ma sœur a été la princesse de la maison, les parents ont été beaucoup plus stricts avec mon frère et moi, j'en ai conçu beaucoup de jalousie. J'ai vécu de l'injustice, on m'a demandé trop pour mon âge, on a eu trop d'exigences envers moi.

Ma relation avec ma mère est à la fois belle et très compliquée. Ma mère a fait une tentative de suicide avec des médicaments quand j'avais 16 ans, c'est moi qui l'ai trouvée. Je ne lui en veux pas, je sais qu'elle a eu une enfance difficile, elle a subi de la violence psychologique et aussi physique à cause de ses parents qui sont ultra-toxiques, qui ne l'ont pas aimée. Pour un différend, ils l'ont reniée, lui ont dit qu'elle n'était plus leur fille, qu'ils auraient préféré qu'elle soir morte, qu'ils la déshéritaient et nous les enfants aussi. Elle disait qu'étant donné que ses parents ne l'aimaient pas, elle voulait tout arrêter. Elle m'a suppliée de la tuer. Ce qui a été très dur pour moi, un vrai traumatisme. Cela signifiait que la famille qu'elle avait construite n'était pas assez solide pour la retenir. Je me suis culpabilisée, mais qu'est-ce que j'aurais pu faire ? Par contre mes grands-parents paternels ont de belles valeurs, ils ont vécu la guerre, mon grand-père a été déporté.

J'ai eu mes premières règles à 14 ans, j'ai eu très peur de devenir femme, d'avoir un enfant dont je ne voudrais pas, c'est une vraie responsabilité. J'ai eu mon premier rapport à 14 ans, souhaité parce j'étais attirée par lui, mais nul et douloureux. Après le rapport il est parti en me disant qu'il avait trouvé mieux ailleurs, je me suis sentie abusée, abandonnée, non respectée. J'avais été très naïve. Ensuite j'ai rencontré un homme sur internet, on s'est vus deux fois, il m'a dit qu'il m'aimait. Il m'a entraînée chez lui, ne m'a pas fait entrer à la maison, mais dans la cave. Il m'a dit : maintenant que tu es venue, tu sais ce que tu as à faire et il est devenu menaçant. Je ne savais pas ce qui se passait, ne comprenais pas, j'étais stupéfiée. Stupeur et tremblement : la situation m'a parue tellement inconcevable ! Il y a eu un rapport non consenti, je me suis dit : tiens bon dix minutes et c'est fini. J'ai eu une culpabilité énorme, à 8/10 parce que c'était de ma faute, pour les 2/10 restant je ne comprenais pas ce qui était arrivé. Cette culpabilité a duré 10 ans. Je m'en suis voulu d'être sortie de ma zone de sécurité en tapant à une mauvaise porte pour me faire aimer. Cette situation m'a paru tellement surréaliste, moi qui suis d'ordinaire si prudente, plutôt méfiante. J'ai eu peur d'une grossesse, d'avoir attrapé une IST et je suis restée phobique de la grossesse, de pouvoir 'tomber' enceinte, de mettre au monde un enfant qui n'a rien demandé. Après je me suis fait poser un stérilet et j'ai vécu de la violence médicale, la pose s'est très mal passée, la douleur a été très violente, infernale et la gynécologue n'en a pas tenu compte. On ne pose pas un stérilet contre vents et marées. J'ai vécu cette pose comme une véritable intrusion dans mon corps, violente par la douleur et la pression psychologique que j'ai subie. Après cette pose j'ai fait un black out de 12 heures. J'en veux maintenant à ce médecin de ce qui s'est passé, en plus de l'errance médicale qui a duré des années où on me disait que c'était normal d'avoir mal.

Ensuite, entre 17 et 20 ans j'ai eu un nouveau compagnon pour vivre une relation, mais c'était une relation du coûte que coûte, mon corps exprimait un rejet des rapports, aussi pendant les rapports, j'ai beaucoup simulé. J'étais consentante seulement pour garder la relation. Entre 20 et 23 ans, j'ai eu un nouveau compagnon, je me suis mis la pression moi-même puisque dans ma représentation sociale du couple, quand on est en couple on doit avoir des rapports. Et il me mettait la pression pour les rapports, j'estime qu'il a eu un comportement déviant à cause de cette pression qui signe un manque de respect, ce qu'il ne trouvait pas grave, moi si. Et là encore dans ma représentation du rapport, la pénétration est une obligation et elle était parfois impossible, un vrai mur. Je pense que les contractions que j'avais qui empêchaient la pénétration étaient là pour me protéger, rendre le rapport impossible. Dans certaines positions, je revivais le viol, ce cauchemar, j'avais des flashs back. C'est à l'époque de ces relations que j'ai fait des cystites à répétition. Depuis 18 mois j'ai un nouveau compagnon et cela se passe bien car il y a beaucoup de communication, mais la pénétration demeure difficile, impossible et les flashs back sont toujours là. J'ai fait de l'EMDR qui a bien marché mais à court terme. A cause de cette impossibilité de pénétration j'ai peur que mon compagnon m'abandonne, je fais souvent des cauchemars qui tournent autour de l'abandon. Il ne veut pas d'enfant et moi non plus, je ne suis pas du tout prête, je ne sais pas si j'ai envie de mettre un enfant au monde. J'ai été tellement désolidarisée de cette partie de mon corps, j'ai été dépossédée, c'est difficile d'utiliser cette partie de mon corps qui a été salie. Etre heureuse pour moi, c'est comprendre comment mon corps fonctionne, j'ai besoin de cette compréhension. Je veux comprendre pour pouvoir me reconnecter à cette zone qui est cadenassée. C'est un grand bazar dans ma tête, pendant les rapports j'ai toujours les réminiscences du viol. Je suis déchirée entre le fait d'avoir du plaisir sexuel et le risque d'avoir une grossesse non désirée, d'utiliser cette partie de mon corps qui a été salie. J'ai tellement peur d'être enceinte, j'ai peur de ne pas savoir faire, de ne pas savoir être maman, je ne sais pas comment je ferais. J'ai peur de reproduire le modèle d'éducation qui ne me convient pas, et même si je fais de mon mieux, cela peut ne pas être suffisant. Ce ne serait pas un long fleuve tranquille. En même temps je ne veux pas d'hormones et ne supporte pas le stérilet. »

Sa réflexion

« L'évènement le plus difficile de ma vie a été la tentative de suicide de ma mère et je suis très en colère contre mes grands-parents, leurs comportements ont failli tuer ma mère et nous avec. Ma mère sort les rames pour récupérer leur amour qu'elle n'a pas et cette situation me met en colère.

Il m'a fallu 5 ans pour mettre le mot de viol sur ce qui s'est passé car je me sentais responsable et pas du tout victime. Tout ce temps pour comprendre que j'ai été violée : un acte non désiré, dans un endroit non désiré, avec des pratiques non désirées. Tout ce temps pour comprendre ce qu'est le consentement avant et pendant. Je n'ai pu en parler que 7 années plus tard, j'avais l'impression que si j'en parlais, le regard des gens sur moi allait changer. Ma famille ne le sait pas et je ne leur dirai jamais.

La symbolique de l'endométriose me parle, on m'a dépossédée de cette partie de mon corps, on a mis une chape sur mon utérus, c'est un vrai traumatisme. L'endométriose pourrait me dire de me protéger, me rappeler cette féminité qui a été mise sous chape que je ne ressens pas comme vivante. »

Une semaine plus tard au téléphone « L'entretien m'a un peu retournée, cela prend aux tripes, mais j'ai eu raison de le faire, c'est pour le meilleur, j'ai pu comprendre certaines choses et moins culpabiliser. Ce viol est une blessure que j'ai tellement mise sous silence, je me suis tellement tue. Mon corps a trouvé cette maladie qui affecte le féminin pour me donner le prétexte pour parler. C'est plus facile de parler d'endométriose que de viol, cette endométriose m'a donné l'opportunité d'en parler de façon plus légère qui convient mieux socialement. Maintenant, avec les explications de psycho-traumatologie, je comprends mieux ce qui s'est passé, le rapport de la culpabilité s'est inversé, elle est descendue à 1/10. Mon corps a trouvé un miroir avec cette maladie qui va me permettre de faire le deuil, par le fait de comprendre, de faire des liens. Cette prise en charge globale de l'endométriose que j'ai trouvée dans le service de la clinique m'avait jusqu'à présent énormément manqué. Merci. »

Tous les noms propres ont été anonymisés.