MAYELA
Dossier médical
A 17 ans apparition d'une dysménorrhée, d'algies pelviennes épisodiques. Entre 20 à 30 ans cystites post-coïtales à répétition. A 36 ans fausse couche précoce après accident de préservatif. A 37 ans diagnostic d'endométriose. A 39 ans lésions d'endométriose augmentent à l'IRM. Hystérectomie prévue.
Sa vie
« Ma sœur jumelle et moi sommes les dernières d'une fratrie de 4 enfants, nous avons un frère de 6 ans notre aîné et un autre de 4. J'ai eu une petite enfance heureuse avec l'amour et la tendresse de mes parents qui s'aimaient. J'ai eu une super maman. Si nous sommes soudés, nous sommes une famille à soucis, notamment de santé. Ma mère a eu un cancer du sein, a été opérée d'un prolapsus, d'une hernie discale. Ma sœur a des algies vasculaires de la face depuis l'âge de 17 ans. Mon frère aîné a perdu sa femme de 47 ans, leur fille a pété les plombs et se retrouve en foyer. Mon second frère a perdu sa copine d'un accident de voiture à 24 ans et il est dépressif sévère, il est un gros fumeur de joints, gros consommateur d'alcool, de cocaïne, il vomit tous les jours, il fait 2 ou 3 séjours en psychiatrie chaque année. Il a parfois de mauvaises pensées, une conduite à risques, il conduit complètement shooté, on a très peur, une peur à 8/10 qu'il parte. Je culpabilise de ne pas être toujours disponible pour l'aider, je ressens comme si je le laissais tomber. Sa détresse m'empêche de dormir.
Mes deux frères ont été abusés par un ami de la famille pendant plusieurs années autour de l'âge de 10 ans. Il y a eu plainte, mais elle a été classée sans suite, pourtant on connaît une dizaine d'enfants agressés par lui. Ma sœur et moi avons appris cela vers 20 ans par notre mère, c'est l'évènement le plus difficile de ma vie. Par ailleurs, à 32 ans j'ai appris que ma cousine, la fille de ma tante paternelle avait été assassinée. Elle n'a connu son père qu'à ses 18 ans, elle a vécu un moment avec lui, il la frappait et la violait, elle a eu un enfant de lui qui a été mis à la DDASS. Ce placement a sauvé l'enfant car le père a tué sa fille, elle est restée 48 heures à agoniser avant de mourir. Il a pris 15 ans de prison.
J'ai eu mon premier rapport à 17 ans, il s'est bien passé, je suis restée 7 ans avec lui, nous avons eu une sexualité correcte, mais nous étions trop jeunes. Quand à 20 ans j'ai su pour mes frères, j'ai vomi et pendant tout un moment je ne pouvais plus avoir de rapport, je me recroquevillais sur moi-même. Mon copain connaissait très bien mes frères et lui aussi a été très impacté, cette nouvelle l'a fait dérailler, il s'est mis à boire et à se droguer à la cocaïne. Cela a tout cassé entre nous, notre relation s'est dégradée petit à petit jusqu'à notre séparation à mes 24 ans. Cette agression sur mes frères a fait de gros dégâts, pour mon copain, pour moi et pour mes parents qui se sont séparés à cause des problèmes de mon frère.
J'ai eu un nouveau compagnon pendant 7 ans entre 24 et 31 ans, il avait 22 ans de plus que moi. Lui aussi fumait des joints, se droguait à la cocaïne. Parfois il y avait de la violence verbale et une fois il m'a donné une claque. J'ai appris qu'il faisait des photos de femmes nues à droite, à gauche. J'ai aussi appris qu'il a fait pendant notre relation un enfant à une autre, il m'a fait un enfant dans le dos ! Je considère que j'étais sous emprise car je lui ai demandé de revenir les fois où il est parti. La séparation a été difficile, il m'a harcelée pendant une année. J'ai de la colère contre moi d'être restée 7 ans avec lui, des regrets car je considère que j'ai perdu ces 7 années passées avec lui.
Ensuite j'ai eu une relation très discontinue avec un autre homme, pendant les rapports il était très attentionné, il se préoccupait de moi. C'est avec lui que j'ai été enceinte et que j'ai fait une fausse couche, j'ai eu beaucoup de tristesse, une tristesse à 10/10. Je n'ai pas pu en parler pendant les 6 semaines qui ont suivi, mon compagnon que je n'ai pas revu ne l'a pas su, ma mère non plus ne le sait pas. Heureusement j'avais à ce moment un suivi psychologique qui m'a beaucoup aidée. A 35 ans j'ai eu un nouveau compagnon pendant un an, encore un fumeur de joints, utilisateur de cocaïne. J'étais encore tombée sur un mec pas fiable. J'ai des douleurs au fond du ventre à chaque rapport depuis l'âge de 30 ans, elles peuvent empêcher, arrêter le rapport. Ces douleurs sont tellement importantes qu'après ma dernière rupture il y a 3 ans je me suis dit que je n'aurais plus jamais de rapport. Et depuis je suis seule, je n'ai pas de rapport, je n'en veux pas, ce serait très compliqué d'avoir un nouveau compagnon. Je ne sais pas si je veux des enfants, je ne veux pas d'enfant seule, et je n'ai pas de copain, en fait l'affaire est classée puisque je vais être opérée. J'aurais aimé en avoir très jeune, j'ai eu envie d'un enfant avec mon premier copain, j'aimais cette relation qu'il avait avec ses parents qui l'avaient eu très jeune mais il était dans la coke. J'aurais tellement aimé avoir un gros ventre, j'ai un gros regret de cela. Avec mon deuxième copain, c'était incertain car en même temps il voulait et il ne voulait pas. »
Sa réflexion
« Quand à 20 ans j'ai su l'abus de mes frères, j'ai pleuré pendant des mois, ensuite j'y ai pensé tous les jours de ma vie, sauf depuis que j'ai fait quelques séances d'EMDR, j'y pense, mais pas tous les jours. Cela nous a bien pourri la vie, cela a bousillé des vies, des familles. On est complètement désemparés devant la peur qu'un jour mon frère pète les plombs et se suicide, il en parle. L'émotion la plus difficile est la colère, une colère à 40/10 contre l'autre enfoiré. Je voudrais qu'il crève en prison, c'est ce qu'il mérite.
La maladie est là pour nous apprendre des choses. L'endométriose qui concerne le féminin souligne ma difficulté avec la maternité qui n'a pas pu s'épanouir pour moi, ni la sexualité. Ce qui est arrivé à mes frères m'a fait faire des mauvais choix, ce n'est pas normal que je me sois tapé 3 mecs qui ne m'ont pas respectée. Cela a joué sur toute ma vie, j'en suis sûre. J'ai vécu la sexualité égoïste des hommes dans laquelle je ne me suis pas sentie respectée et qui rend la sexualité si triste. Je m'en veux beaucoup, j'ai de la colère. Seulement avec l'homme avec qui j'ai eu une relation très discontinue entre 31 et 35 ans j'ai eu une sexualité épanouie, il prenait soin de moi, c'est d'ailleurs lors de cette relation que j'ai été enceinte. Cette endométriose pourrait me dire de prendre soin de moi, de mon féminin, confirmer mes décisions : aucun homme qui fume des joints, qui a une sexualité égoïste ne me touchera, aucun homme ne me manquera plus jamais de respect. La maladie peut être là pour me faire rectifier, refuser ce que je ne juge pas bon pour moi. C'est très intéressant cette réflexion. »
Une semaine après au téléphone : « Après l'entretien j'ai été un peu tristoune. Mais ce miroir mis entre les dates d'évènements de vie et de santé est très intéressant. J'étais sûre du lien entre les deux mais il y a plein de choses dont je ne m'étais pas rendu compte. Je n'avais pas noté que les douleurs de règles et en dehors des règles sont apparues au même âge que mes premiers rapports. J'ai dit que ma sexualité avait été 'correcte', mais en fait elle n'a pas été si correcte que cela puisqu'il ne s'occupait pas de moi. Je n'y avais pas pensé mais probablement qu'inconsciemment je me rendais compte que ce n'était pas comme cela que ça devait se passer et mon corps lui le savait et le manifestait. Par ailleurs cette mise en perspectives des dates révèle que les cystites sont apparues à mes 20 ans et se sont arrêtées à 30 : à 20 ans j'ai appris cette terrible nouvelle pour mes frères qui m'a traumatisée et à 30 ans, j'ai cessé les rapports avec mon deuxième compagnon qui avait lui aussi une sexualité égoïste, nous nous sommes séparés l'année suivante. Je n'avais pas non plus réalisé que les douleurs ont très nettement augmenté après ma fausse couche, c'est flagrant. Les règles qui ont suivi ont été terribles, une douleur puissance 100 et puis mes problèmes digestifs sont apparus très brutalement à ce moment. **Bien sûr, mon corps criait sa tristesse puisque je n'arrivais pas à la verbaliser **: ni mon compagnon, ni ma mère ne l'ont su. Tout cela met du lien, du sens entre la santé et la vie. Les maladies sont là pour nous apprendre des choses, les comprendre. Je sais maintenant avec certitude que pour ma prochaine relation, il n'y aura pas de drogue, pas de sexualité égoïste, mais une sexualité partagée. »