MEREDITH
Dossier médical
Endométriose diagnostiquée à 30 ans, infécondité, échec de 4 cycles stimulés, 1 FIV, 1TEC (Transfert embryon congelé). A 31 ans fausse couche après TEC. A 32 ans naissance d'un garçon après TEC. A 35 ans nouvelle grossesse en cours après TEC.
Sa vie
« Je suis au milieu d'une fratrie de 3 filles. J'ai eu une enfance heureuse, ma mère était le pilier, le ciment de la famille, une femme moderne, avec un bon ratio entre la femme et la mère. Mes parents s'aimaient.
J'ai eu mon premier rapport sexuel à 17 ans, j'ai été vraiment déçue et pour les suivants aussi. Le contexte n'était pas facile, je n'étais pas emballée par la liaison qui a duré 2 ans. C'est pendant cette période que j'ai fait des cystites et des mycoses à répétition, j'ai fait le lien avec la relation peu satisfaisante. La relation suivante a duré entre 23 et 25 ans, il avait un pet au casque. Il avait une addiction au sexe, était dans le toujours plus, n'avait pas de limite. J'étais dans un engrenage, j'ai perdu mes limites, j'ai accepté des choses que je n'avais pas envie d'accepter. J'ai perdu pied, je me suis perdue moi-même. Les rapports étaient pour lui, pas pour moi et avec la peur de mal faire, parfois je disais non, ce qui n'était pas pris en compte. C'est peut-être une forme de viol, mais je ne me le disais pas sur le coup, pourtant je savais qu'il y avait quelque chose qui clochait. Il avait trop d'emprise sur moi, il exerçait une violence psychologique. Une fois il m'a demandé une forme de rapport que je ne veux pas et j'ai fait une crise d'angoisse qui m'a protégée du rapport. A la fin de cette relation j'avais l'impression d'être une coquille vide, je ne pensais plus par moi-même. Un jour, j'ai vu une émission sur les manipulateurs et j'ai ouvert les yeux, j'ai pu rompre la liaison et partir. Je suis rentrée chez mes parents, j'ai compris que j'avais besoin de m'occuper de moi et pas toujours des autres, d'autant plus que je ne tombais pas forcément sur des mecs bien. J'ai mis des années à me reconstruire, j'étais dans une colère à 10/10 et une rancune tenace du même ordre qui ont perduré pendant 5 ans, de 25 à 30 ans, en fait jusqu'à sa mort dans un accident de voiture.
Ma grand-mère est issue d'un viol, sa mère a été violée à 17 ans. J'ai l'impression de toujours l'avoir su, je dirais que je l'ai appris de la bouche de ma grand-mère vers 7 ou 8 ans. A mes 25 ans ma grand-mère a fait une annonce lors d'un repas de famille et je me suis rendu compte que j'étais la seule au courant. Elle a cherché à savoir qui était son père, sa mère n'a pas voulu le lui dire, c'est son beau-père qui l'a révélé : mon arrière-grand-mère était enfant de la DDASS et c'est dans la famille d'accueil que c'est arrivé, elle a été retirée de cette famille. Je pense que ceci a impacté toute ma vie et ma vie sexuelle en particulier, je n'ai pas une vie sexuelle épanouie. Même avec mon mari avec qui ma vie est bien, j'ai une libido à zéro, je pourrais vivre sans rapport, cela ne me manquerait pas du tout, nous avons des rapports une fois par semaine ou tous les 15 jours. Le fait d'avoir eu cette information sur le viol dont est née ma grand-mère quand j'étais enfant, a été très perturbant, je n'étais pas capable de l'assumer, car je ne vois pas pourquoi j'aurais une vie sexuelle si difficile alors que j'ai eu une enfance heureuse, sans problème. Pour moi ce n'est pas possible de dire qu'il n'y a aucun lien avec le viol et je comprends qu'il y avait un problème à le révéler à un enfant.
Quand j'ai rencontré mon mari, je n'étais pas pressée pour la grossesse. Je me suis réellement sentie prête 3 ans plus tard. Mon bilan était normal. Je vis mal la PMA, je ne suis pas sûre de recommencer si cela ne marche pas rapidement, j'aimerais une grossesse gémellaire pour cette raison. Ce désir de grossesse m'oppresse, depuis la prise de décision je fais souvent et régulièrement le rêve d'avoir un bébé mais sans avoir à être enceinte. J'ai peur de ne pas être capable : est-ce que je suis prête à assumer, moi qui suis instable, changeante. J'ai parfois l'impression d'avoir du mal à me gérer moi-même, alors en gérer deux..., j'ai de gros doutes, doutes que j'évalue à 8/10. Quand il y a eu l'échec de la FIV cela a créé un cercle vicieux avec ce 'je ne suis pas capable', ce qui a empiré les choses. »
Sa réflexion
« J'ai toujours pensé que tout cela, que ma vie faisait écho à ma grand-mère, que je devais chercher de ce côté-là. Je pense que j'ai envie d'être maman, mais que je peux être entravée. J'ai du mal à évaluer ce qui pourrait être la part du hasard dans cette infécondité, car je pense que je l'ai créée moi-même cette endométriose, peut-être pour une auto-défense, peut-être parce que j'ai des choses à régler avant. Je me suis posé toutes ces questions. L'histoire de ma grand-mère pourrait y être pour quelque chose, elle a tout raté. Elle m'a donné une image de femme et de mère que je n'ai pas envie d'être. En tant qu'épouse, ma grand-mère était naze, elle était une pauvre femme perturbée, je n'aurais pas voulu l'avoir comme femme si j'avais été un mec. Elle m'a donné une image de maman qui n'était pas une maman aimante, elle a perturbé ses enfants. Mon père a des séquelles des violences physiques qu'il a subies de sa mère, il n'a pas pu me donner de tendresse, on ne peut pas se libérer de sa mère comme ça. J'ai eu de la colère contre mon père trop rustre, maintenant j'ai pardonné.
La chose qui me touche le plus dans la vie, me met le plus mal à l'aise, c'est le viol, c'est un crime, et je l'ai plus ou moins vécu moi-même avec cette relation difficile de mes 23, 25 ans**. La colère qui en a résulté peut me gêner pour faire un bébé, cela m'est évident**. Quand on est en colère contre quelqu'un, on est aussi en colère contre soi-même. Je m'en suis voulu d'avoir accepté cette relation qui n'avait pas de sens, de ne pas avoir dit stop avant. La colère contre moi-même est à 10/10, même si je commence à me pardonner et à comprendre que cette relation m'a apporté une connaissance de moi-même. Je sais que je n'ai plus envie d'être avec des mecs dans son genre, j'apprends aussi à m'accepter comme je suis. Mais j'ai peur, j'ai peur de ne pas réussir, j'affronte la peur, je suis beaucoup dans le contrôle, parfois je me sens impuissante, j'ai du mal à lâcher prise, c'est un problème, notamment pour la grossesse. Clarifier cela, le mettre en mots fait du bien, cela peut aider à comprendre et c'est apaisant, c'est même fascinant de comprendre. »
Cinq ans plus tard :
« L'entretien a été une véritable introspection. Un mois plus tard j'ai commencé une psychothérapie, 2 mois plus tard je quittais mon travail qui ne me plaisait pas du tout et dans lequel je m'occupais des autres alors que je n'étais pas capable de m'assumer, ce que j'apprends à faire. 3 mois plus tard j'étais enceinte après TEC et j'ai fait une fausse couche ; un an plus tard j'accouchai de mon fils après nouveau TEC. Sans ce long parcours, je ne serais pas la maman que je suis aujourd'hui car je n'aurais pas fait ce travail sur moi. J'ai la chance de pouvoir regarder ce parcours avec tendresse. Je suis de nouveau enceinte après TEC. »