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MIRABELLA

Dossier médical

A 33 ans diagnostic d'adénomyose.

Sa vie

« Ma mère était censée ne plus pouvoir avoir d'enfant. Je n'étais pas prévue, mes frères avaient 15 et 10 ans quand je suis née. Mes parents se sont posé la question d'une IVG, ils ont décidé de garder la grossesse et j'ai été bien accueillie, même si l'accouchement de ma mère a été un peu la panique, j'avais le cordon autour du cou, elle a eu une césarienne. Ma mère était femme au foyer, c'est un grand regret pour elle de ne pas avoir eu son indépendance, elle m'invite à l'avoir. Elle m'a donnée une éducation bienveillante, mais pas très valorisante et qui manquait d'affection. Elle était très soignée, très féminine et elle me mettait la pression de ce côté, on se prenait la tête sur le sujet. Je ressemble à mon père, j'ai eu du mal à me retrouver dans ma mère, sa féminité m'était inaccessible. J'ai longtemps porté des baskets, des pantalons larges, cela a été long avant de m'assumer en tant que femme, j'ai mis très longtemps avant de me trouver femme, jolie, avant d'assumer mon corps. J'ai été gênée d'avoir une forte poitrine, qui est venue plus tôt que chez mes copines, ce qui m'a complexée. Mon père a été un papa bienveillant, j'étais toujours collée à ses baskets, mais il travaillait beaucoup, heureusement il y avait les vacances en famille, très sympas. On a eu de beaux moments de partage tous les deux (pleurs), on a fait du vélo ensemble, on allait pêcher sur son bateau. Il disait que j'étais un pot de colle et qu'il serait débarrassé quand j'aurais un amoureux. A mon adolescence, il est devenu assez sombre, quand nous étions à table ma mère, mon père et moi, personne ne parlait. On pense qu'il a fait une dépression, on ne partageait plus au quotidien, je ne me sentais pas très intéressante. Puis petit à petit il s'est mis à boire un verre le soir en rentrant, puis il a augmenté ses doses, et il s'est mis à boire en cachette. Parfois la nuit il prenait sa voiture et partait pendant des heures, un jour il a dit qu'il avait failli se foutre en l'air. J'y ai vu du désintérêt pour moi d'autant que je n'ai pas eu de paroles dévalorisantes, mais pas non plus de paroles valorisantes. J'aurais aimé qu'on me dise : je t'aime, quand je réclamais, ma mère me disait : mais on t'offre des cadeaux ! Moi j'avais besoin d'affection, pas de ces témoignages. Puis mon père a été atteint d'un cancer du poumon, il a été malade un an, je le massais pendant cette période et après c'est devenu mon métier. Puis il est mort à 54 ans, j'en avais 17, c'est l'évènement le plus difficile de ma vie. Avant de mourir il a dit à ma mère : j'aurais quelque chose à te dire, mais il est mort avant de l'avoir fait. Moi j'ai pu lui dire avant sa mort que je l'aimais et lui a pu me le dire aussi. Il s'est excusé de nous faire subir sa maladie. J'ai eu beaucoup de tristesse, c'était le bazar dans ma tête, j'ai eu un sentiment d'inutilité, mon frère a aidé ma mère pour les papiers, moi je ne savais pas quoi faire pour aider. Je pense avoir une forte blessure d'abandon, mais je ne sais pas si c'est à cause de sa mort elle-même ou parce que déjà auparavant il ne me portait pas assez d'intérêt, même si je sais que j'ai eu son amour et sa tendresse quand j'étais petite. Quand mon père est décédé, ma mère qui avait 49 ans, n'a pas assez tenu son rôle de maman, il a fallu être toujours là pour elle (pleurs) et quand j'avais besoin de réconfort, elle me parlait de ses problèmes ou bien n'était pas attentive. Elle me reprochait d'essayer de vouloir vivre ma vie, elle aurait voulu que je reste broyer du noir avec elle. Il y a des choses de ce temps-là qui ne sont pas réglées et on ne peut pas en parler, elle se braque, s'énerve.

Mon père avait eu une enfance difficile, financièrement correcte mais affectivement pas facile. Sa mère était jalouse, possessive, méchante, vicieuse. Elle n'avait pas voulu du mariage de mes parents car ma mère n'était pas d'un milieu assez bien. Un jour elle a mis des sous-vêtements de femme dans la voiture de mon père et les a montrés à ma mère. A la fin de sa vie, ma grand-mère avait un Parkinson et faisait du chantage à mon père pour qu'il reste avec elle. La sœur de mon père était lesbienne, dépressive, elle s'est suicidée à 33 ans.

Ma mère aussi a eu une enfance et une vie de femme difficiles, elle a dû s'écraser pour éviter les conflits. Son père était marin pêcheur, alcoolique, violent, il allait boire avec ses copains avant de rentrer bourré. Il frappait ma grand-mère. Ils ont eu 6 enfants, ma grand-mère ne les a probablement pas tous désirés, et elle n'a pas eu assez de temps pour s'occuper d'eux.

Vers 10, 12 ans j'ai joué avec mes cousins du même âge à touche pipi, on se faisait des bisous, je pense qu'on a juste exploré notre corps avec curiosité, sans mauvaise intention. Je pose un regard bienveillant sur ce moment. J'ai eu mes premières règles à 12 ans j'ai été très émue. Vers 16 ans mes règles sont devenues douloureuses, ce qui a été un bon prétexte pour prendre la pilule car j'avais un copain et il était impératif pour moi d'avoir une contraception avant mon premier rapport. Je l'ai eu à 16 ans, il a été consenti, mais même avec la pilule j'étais très stressée, stressée de tomber enceinte. Nous sommes restés 2 ans et demi ensemble mais nous avons eu très peu de rapports, même si j'avais une libido présente, j'étais trop stressée d'être enceinte, j'avais peur même si en plus de la pilule, lui mettait un préservatif. Et puis je n'étais pas à l'aise avec mon corps. Nous nous sommes séparés. J'avais commencé à prendre du poids après la mort de mon père et cela a continué jusqu'à peser 98 kg. J'avais été sensibilisée à mon poids car au collège, j'étais grande et à 12, 13 ans j'avais plus de poitrine que les autres filles, j'ai été traitée de grosse, j'ai été frustrée, complexée. Après la séparation je suis restée seule entre 18 et 24 ans. Puis j'ai eu des copains de passage, des rapports qui ont toujours été consentis, avec le respect, mais toujours avec autant de peur par rapport à une grossesse, avec même une vraie terreur d'être enceinte, si bien que parfois je faisais du vaginisme et la pénétration était très difficile. J'ai fait pendant cette période des cystites post-coïtales que je n'ai pas eues dans mes relations stables.

A 28 ans j'ai entamé une relation qui a duré 4 ans. Je me suis découverte en tant que femme, j'ai eu une véritable libération sexuelle, il m'a fait me trouver belle, j'ai pu faire l'amour avec la lumière, avoir du plaisir. La relation s'est arrêtée car je n'étais plus amoureuse, j'avais l'impression de vivre avec un ado qui pensait seulement à lui, il ne m'a pas soutenue quand a été fait le diagnostic d'endométriose. Pendant cette relation il y avait toujours cette peur de tomber enceinte qui m'a fait faire par inquiétude, par précaution des tas de tests de grossesse, même si à la fin j'ai évoqué cette éventualité d'être enceinte et il a fui. Quand je me projette dans une grossesse, si je m'imagine enceinte avant 3 mois, j'ai peur de faire une fausse couche, enceinte de 8 mois je commence à être anxieuse en me posant ces questions : est-ce que je vais y arriver, est-ce que j'en suis capable ? Si je m'imagine dans la salle d'accouchement, je me dis : il faut y aller maintenant. Quand je me vois avec un bébé dans les bras, je suis émue, j'ai les larmes aux yeux. »

Sa réflexion

« Je ne sais pas pourquoi j'ai toujours eu cette terreur de tomber enceinte alors que je veux des enfants et que cela me travaille beaucoup d'ailleurs (pleurs). Je sais que ma mère a fait plusieurs fausses couches et qu'elle a subi une IVG à 17 ans. Quand elle a été enceinte, mon père et elle ont souhaité garder la grossesse, mais ma grand-mère paternelle s'y est opposée et elle a forcé ma mère à se faire avorter. C'est elle qui a emmené ma mère faire l'IVG. Cela a été difficile pour ma mère qui a longtemps regretté, elle a eu beaucoup de tristesse, de culpabilité de s'être laissée faire, elle était mineure. Ma mère a récemment fait un deuil symbolique de cet enfant et elle y pense moins depuis. Je ne sais pas à quel âge j'ai appris cet évènement, je sais que j'ai alors réalisé la dureté de cet épisode, j'ai eu une image difficile de ma grand-mère, du rapport très dur entre ces deux femmes. J'aimerais tellement ne pas vivre cela ! Quand ma mère parle de ma grand-mère elle a les poils qui se hérissent, il n'y a pas eu de soutien entre femmes, mais au contraire une nuisance à la vie.

En ce qui concerne ma grand-mère maternelle, je présume que ses 6 enfants avec son mari alcoolique et violent n'ont pas tous été programmés et qu'elle n'avait sans doute pas envie de tomber enceinte. De plus, je ne suis pas sûre que tous ses rapports aient été consentis. Je pense qu'elle n'a pas pu donner son amour maternel à ma mère comme elle l'aurait voulu, cette dernière a souffert de ce manque affectif. Peut-être n'a-t-elle pas pu elle aussi donner son amour maternel et j'ai comme ma mère souffert d'un manque affectif, un manque d'amour, ce qui me provoque une tristesse, une colère qui me sont les émotions les plus difficiles. Heureusement ma grand-mère a pu me donner à moi cet amour, elle a été une grand-mère en or.

J'ai appris il y a 5 ou 6 ans que mes parents savaient lors de l'IVG que c'était une fille et qu'ils l'auraient appelée Marianne. J'ai réalisé que, comme mon deuxième prénom est Marianne, je porte le prénom de cette petite fille qui n'est pas venue. Et mon troisième prénom est Geneviève qui est le prénom de ma grand-mère paternelle et aussi celui de sa fille suicidée ! C'est quand j'ai su cela que j'ai été le plus impactée par cet évènement. J'ai pris conscience que j'avais hérité d'un truc. C'est à ce moment que j'ai déclenché les symptômes de l'adénomyose, notamment la fatigue chronique.

La symbolique de l'endométriose me parle, cela fait écho (pleurs). J'ai eu du mal à me sentir femme pendant des années, à m'identifier à ma mère. Trouver ma place de fille, de femme a été difficile, c'est plus facile maintenant mais j'ai dû travailler dur sur le sujet. J'ai pu reperdre du poids avec l'aide des psychothérapeutes et en acceptant davantage mon corps, ma féminité. »

Une semaine plus tard au téléphone : « L'entretien a été agréable, il m'a confortée dans ma démarche de développement personnel, je sais que je suis sur la bonne voie. J'ai pris conscience pendant l'entretien que, quand mon père n'allait pas bien, ce n'était pas du désintérêt pour moi, mais c'était dû à la dépression qui l'a habité, j'ai eu une compréhension différente, un autre regard. J'ai avancé sur mon chemin de femme, j'ai pris conscience que dans le couple je dois être une personne à part entière, je me suis oubliée dans ma relation de 4 ans pour privilégier l'autre. Cette maladie pourrait me dire d'épanouir ma féminité, de trouver ma place et je suis en train de trouver ma place de femme, de savoir dire non, de comprendre que c'est moi qui sais ce qui est bon pour moi. Etre une femme peut être facile, pas forcément un poids comme je me le suis représenté à travers les vies difficiles de mes grands-mères, de ma mère où la féminité faisait forcément mal. J'avais déjà une ouverture sur le lien entre le corps et l'esprit et je sais que l'adénomyose n'est pas une fatalité, j'ai renforcé ma confiance en mon pouvoir d'auto guérison. Et depuis que je privilégie une alimentation bio, antiinflammatoire, je suis beaucoup moins malade. »

Tous les noms propres ont été anonymisés.