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AGNÈS

Dossier médical

Infécondité primaire de 4 ans entre 23 et 27 ans, puis 2 enfants après grossesses obtenues spontanément de 2 pères différents à 28 et 32 ans.

Sa vie

« J'ai eu une enfance très heureuse avec beaucoup d'amour. Mes parents s'aimaient. Nous étions six, j'étais la dernière. J'ai été élevée dans les valeurs traditionnelles, notamment religieuses. Ma mère disait souvent : 'Des enfants il y en a toujours assez, mais il n'y en a jamais trop.' Quand j'avais dix ans mon père est mort brutalement d'une rupture d'anévrisme. Le décès de mon père m'a terrassée, à cause de mon propre chagrin et surtout celui des autres, de ma mère en particulier.

Je me suis mariée à 23 ans, pas par amour, mais pour offrir un vrai mariage à ma mère, c'était important pour elle. Mon frère aîné qui a dû assumer la famille quand mon père est mort, est resté célibataire, ma sœur aînée est partie missionnaire en Afrique, le troisième s'est pacsé à 40 ans, la quatrième est une anarchiste célibataire, et j'ai un dernier frère qui avait un an de moins que moi. Je savais que je n'étais pas bien avec mon mari, mais je suis restée. Je me suis refusé un divorce, car pour ma mère on ne défait pas le lien sacré du mariage. Mon mari voulait un enfant, moi non, j'étais complètement investie dans ma carrière professionnelle, mentalement j'étais totalement dévouée à ce projet. Je suis restée 4 ans sans contraception et sans grossesse. Intérieurement je me disais au fond de moi : 'Pourvu que je n'aie pas d'enfant avec lui' et je savais que cela ne marcherait pas. Un bilan a révélé un sperme très faible chez mon mari, secondaire à une ectopie testiculaire (anomalie de position du testicule) opérée à deux reprises. On nous a dit qu'il y avait peu de chance de grossesse.

L'année de mes 25 ans, à la date anniversaire du décès de mon père, mon dernier frère est mort brutalement d'une rupture d'anévrisme lui aussi. Le monde s'est écroulé, cela a été terrible pour moi, j'étais très proche de lui. Moi qui avais des cycles parfaitement réguliers de 28 jours, je suis restée sans règles à la suite de ce drame. Trois mois plus tard j'ai eu un rapport avec mon mari, le premier depuis la mort de mon frère. J'ai su pendant ce rapport, dont je me souviens très bien, qu'il serait fécondant, je me suis dit : 'J'accepte.' J'ai été enceinte de ma fille.

Mon mari m'a quittée deux ans plus tard, il a épousé une autre femme mais n'a pas pu avoir un autre enfant. Moi je me suis remariée et quand nous avons décidé d'avoir un enfant, le premier mois j'ai été enceinte. »

Sa réflexion

« Pour y avoir beaucoup réfléchi, je pense qu'après la mort de mon frère, je ne voulais pas être maman, mais je devais réparer sa mort. C'était trop dur. Si j'ai eu cet enfant dont je ne voulais pas venant de mon mari, c'est parce que je ne pouvais pas faire autrement pour subsister. Je n'avais pas le choix, c'était la survie, pour ma mère et pour moi. Comme si, pour repartir dans la vie après une telle souffrance inacceptable, je devais recréer la vie. S'il n'y avait pas eu le décès de mon frère je pense que ma fille ne serait pas là. »

Tous les noms propres ont été anonymisés.