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ANDROMAQUE

Infécondité inexpliquée de 10 ans, entre 30 et 40 ans, échec de PMA : 3 cycles stimulés, 4 IAC, 6 FIV dont 4 avec don d'ovocyte.

Sa vie

« Je suis enfant unique, j'ai eu une petite enfance heureuse, j'Ă©tais trĂšs proche de ma mĂšre. En fait je dis que je suis enfant unique, mais 10 ans avant moi ma mĂšre a eu un petit garçon qui est mort Ă  la naissance, puis un second garçon un an plus tard, qui est lui aussi mort au moment de l'accouchement. Mon pĂšre en a conçu une grande souffrance car c'Ă©tait au moment des fĂȘtes de fin d'annĂ©e et il n'Ă©tait pas lĂ , il Ă©tait parti faire la fĂȘte. Un an plus tard, ma mĂšre a Ă©tĂ© enceinte de jumeaux qui sont morts Ă  l'accouchement qui a Ă©tĂ© prĂ©maturĂ© Ă  6 mois. Mes parents ont attendu 8 ans pour se dĂ©cider Ă  m'avoir et je suis nĂ©e par cĂ©sarienne. Quand j'ai eu 10 ans, ma mĂšre a eu un cancer du sein ; j'ai vĂ©cu le parcours des traitements : on lui a enlevĂ© le sein, j'ai vu dans la salle de bains sa cicatrice, j'ai vĂ©cu aussi sa chimiothĂ©rapie qui lui a fait perdre ses cheveux. J'ai eu peur de perdre ma mĂšre. Puis, 8 ans plus tard, elle a rĂ©cidivĂ© avec des lĂ©sions du foie, des os, elle est morte en 6 mois, elle avait 54 ans, c'Ă©tait horrible, elle a beaucoup souffert. Pendant 2 ans je n'ai pas pu prononcer son nom, et il Ă©tait interdit de le prononcer devant moi. J'ai de la haine, de la colĂšre contre X et cette colĂšre est toujours vivace. Je n'en parle jamais, c'est trop difficile, sa mort n'est toujours pas acceptĂ©e. AprĂšs sa mort, mon pĂšre est devenu alcoolique, la descente aux enfers, il a une cirrhose, il a failli en mourir. Il a des sĂ©quelles, des neurones en moins, et je l'ai Ă  charge.

Á 31 ans j'ai arrĂȘtĂ© la pilule pour faire un bĂ©bĂ©, le bilan n'a rien montrĂ© de particulier. Le mĂ©decin qui m'a suivie me disait que tout Ă©tait bien, que cela allait marcher et il ne comprenait pas pourquoi cela ne marchait pas : ni les IAC, ni les FIV, ni les stimulations, ni le don d'ovocyte. »

Sa réflexion

« Je suis trĂšs angoissĂ©e depuis que j'ai arrĂȘtĂ© la pilule, chaque mois je pense Ă  une grossesse Ă©ventuelle, Ă  l'accouchement et j'ai peur, je suis terrorisĂ©e. J'ai rĂ©ussi Ă  parler de ces dĂ©cĂšs d'enfants de ma mĂšre au mĂ©decin qui s'occupe de la PMA, ce qui a Ă©tĂ© trĂšs difficile parce que je n'en parle jamais, mais il n'en a pas pris cas, ne m'a posĂ© aucune question, n'a pas pris la balle au bond. J'ai pensĂ© que ce n'Ă©tait pas important, pourtant j'aurais aimĂ© qu'il me pose des questions. Le psychologue que j'ai vu non plus, il m'a seulement demandĂ© comment je supportais la PMA, comment cela allait dans mon couple. En plus Ă  cause de la mort de ma mĂšre par cancer du sein, les mĂ©decins me rabĂąchent souvent que je suis moi aussi Ă  risque de cancer du sein, que je dois faire des examens, ça me gonfle ! Avoir un enfant avec ce sur-risque de cancer est difficile pour moi, Ă  cause de l'Ă©ventualitĂ© de mourir prĂ©maturĂ©ment et de laisser un orphelin comme moi je l'ai Ă©tĂ©.

 J'ai la colĂšre qui m'anime toujours, la mort de ma mĂšre n'est pas rĂ©solue pour moi. J'ai de la peur, de l'angoisse pour les naissances. Peut-ĂȘtre que j'ai un blocage pour une grossesse car mes peurs, j'y pense tout le temps et je n'en parle jamais. A qui je pourrais en parler ? Personne ne me le propose. »

Tous les noms propres ont été anonymisés.