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CASTILLE

Dossier médical

Infécondité primaire de 8 ans inexpliquée entre 21 et 29 ans. A 30 et 33 ans naissance d'une fille après FIV.

Sa vie

« Je suis l'aînée d'une fratrie de 5 enfants, 4 filles et 1 garçon, mais je n'ai pas eu à assumer toute la fratrie en tant que sœur aînée. Nous avions avec mon frère et mes sœurs de un an à 18 mois d'écart. Mes parents s'aimaient, j'ai eu une enfance heureuse même si mon père était un peu alcoolique. Parfois il faisait des crises et cassait une chaise ou une porte, mais jamais il n'y a eu de violence sur nous les enfants ou sur ma mère. Ma mère nous éloignait en cas de crise. J'ai une belle image de la mère, à 15 ans j'allais encore sur ses genoux lui faire un câlin.

L'année de mes 20 ans, ma dernière sœur qui en avait 14, se promenait à vélo, un chauffard ivre l'a renversée, elle est morte. Mon chagrin a été immense, il a été décuplé par la vision de mes parents anéantis. Ma mère n'était plus la même, elle n'a jamais pu s'occuper de nous comme avant. Le deuil a été terrible, la vie remuante a disparu de la maison, il était interdit de faire du bruit, de regarder la télévision, de mettre de la musique. Un jour ma seconde sœur de 19 ans a mis de la musique, mon père, ivre de chagrin, l'a giflée. Elle a pris son sac à dos et a quitté la maison. Elle est partie à l'étranger, nous ne l'avons pas vue pendant 4 ans. Puis elle a fait une méningite, comme elle était malade, mon père a accepté son retour. Donc ma mère a eu pendant 4 ans une double punition : elle avait perdu 2 de ses filles. Son affliction a été immense, j'ai eu le spectacle d'une grande souffrance.

Je connais mon mari depuis l'enfance. Nous sommes sortis ensemble à mes 16 ans. Nous nous sommes mariés à mes 21 et nous avons décidé d'avoir un bébé. Il n'est venu que 9 ans plus tard après une FIV, alors que tous les examens étaient normaux, on nous disait : « stérilité inexpliquée ». J'ai eu des traitements inducteurs de l'ovulation pendant 4 ou 5 ans, avec des comprimés ou des piqûres, sans succès, des IAC. Et puis j'ai eu 3 FIV, deux ont donné naissance à mes filles, ce sont les évènements les plus heureux de ma vie, mes enfants sont la prunelle de mes yeux. Les enfants, on les porte 9 mois, on les berce, on les nourrit, on les console, on se lève la nuit. Quand mes filles sont parties à l'école primaire, j'ai eu du mal, puis dans le secondaire encore plus, les journées avec la cantine étaient longues. Encore plus difficiles ont été les départs à la faculté dans une autre ville. L'une d'elle a fait un séjour Érasmus à l'étranger qui a été rude pour moi. Je sais que mes filles doivent partir, mais que je ne puisse plus les voir serait une souffrance atroce. Ne plus voir ses enfants c'est la plus grande souffrance qui existe. L'idée de les perdre est intolérable, n'est même pas envisageable. Parfois j'y pense, cela influence ma vie. Par exemple, depuis que ma fille aînée a un copain, je fais attention pour être gentille avec le copain, parce que je ne voudrais pas que le copain ne veuille plus nous voir ».

Sa réflexion

« Le décès de ma sœur a sûrement eu un impact sur ma fécondité, c'est l'évènement le plus difficile, le plus douloureux de ma vie. Vivre des souffrances comme cela ne peut pas être sans conséquences, le corps réagit aux problèmes de la vie. Ne pas avoir d'enfant, c'est très dur, mais perdre un enfant cela vous déchire, c'est la chose la plus ignoble qui puisse arriver. Quelque part, il vaut mieux ne pas en avoir que connaître cette terrible souffrance inacceptable, on surmonte plus facilement cette difficulté. Je ne voulais pas risquer d'être confrontée à de telles souffrances, je pense que cela a pu me retenir. Puis petit à petit, mes jeunes sœurs et mon frère ont eu des enfants, j'ai moi-même été assistante maternelle. Tous ces enfants m'ont montré que les enfants c'était que du bonheur, je pense qu'alors j'ai été prête même si je sais que le métier de maman est le plus difficile et aussi le plus douloureux qui puisse exister. Je pense que je n'étais pas prête au début de mon mariage.

Jamais pendant les 9 années de traitement de ma stérilité on ne m'a posé ce genre de questions. C'est la première fois que je parle de tout cela, de ma stérilité. »

Tous les noms propres ont été anonymisés.