NORMA
Dossier médical
Infécondité primaire expliquée par azoospermie (absence de spermatozoïdes) secondaire à une chimiothérapie, échec de PMA faite entre 30 et 34 ans, 2 IAC, 6 FIV faites avec le sperme du mari congelé avant la chimiothérapie.
Sa vie
« Je n'ai aucun souvenir joyeux de mon enfance. J'ai eu une enfance de solitude et d'ennui. Ma famille était catholique pratiquante, rigide, voire janséniste, il y avait zéro dialogue à la maison. Ma mère ne voulait que des garçons, elle a eu 2 filles dont moi l'aînée et enfin un garçon. Elle était plus épouse que mère, elle ne savait pas être maman, elle ne savait pas s'occuper de moi, j'ai eu zéro câlin. Il faut dire que sa propre mère avait quitté le domicile conjugal en abandonnant ses enfants pour partir avec un homme de 10 ans son cadet.
Je me suis mariée à 26 ans. Mes beaux-parents étaient des notables, ils sont restés ensemble pour la forme. Ma belle-mère était une femme soumise, une pauvre femme ; mon beau-père était un pervers narcissique, imbuvable. Lors du bilan prénuptial, 2 mois avant le mariage, on a découvert une leucémie à mon futur mari. Il a été traité, on lui a proposé de mettre du sperme en banque avant le traitement. Quand nous avons souhaité un enfant, je suis entrée dans le protocole d'IAC puis celui de FIV qui ont échoué malgré la présence d'ovocytes et d'embryons à chaque fois. Lors de la dernière ponction d'ovocytes, j'ai dû avoir une cœlioscopie en urgence suite à une hémorragie. »
Sa réflexion
« Avec le recul, je ne suis pas étonnée que les FIV n'aient pas marché, bien qu'il n'y ait pas eu d'explication mécanique à cet échec ; le sperme de mon mari avait bien supporté la congélation, j'étais jeune, en bonne santé avec un bilan normal. Je vois plusieurs raisons à cet échec, je pense que plusieurs choses m'ont retenue. D'abord la maladie de mon mari qui m'a traumatisée, il m'était impossible de me projeter dans l'avenir, et a fortiori je ne pouvais pas me projeter dans une grossesse. Ensuite parce que, maintenant je le sais, je ne voulais pas m'inscrire dans la filiation de ma belle-famille, je ne voulais pas engendrer dans cette famille, je ne voulais pas mêler mon patrimoine génétique au leur, et je suis toujours ravie de ne pas l'avoir fait. Un enfant n'est pas isolé, il est un maillon dans la chaîne de la filiation. L'histoire de l'enfant a été étouffée dans l'œuf, la notion de plaisir avait disparu avec la maladie de mon mari. Un enfant doit se concevoir dans la joie, la communion, le projet ; je n'étais pas prête à faire autrement et l'univers médical m'a sidérée ; tous ces traitements sont une véritable intrusion dans l'intime, une vraie souffrance. Mes FIV ont été faites dans un grand hôpital, une usine d'abattage, complètement déshumanisée. Nous étions nombreuses dans la salle d'attente, de temps en temps la porte s'ouvrait et on entendait : 'Personne suivante...' On ne peut pas faire d'enfant dans ces conditions-là. Faire un enfant dans la souffrance était pour moi inacceptable. »