ARTÉMIS
Dossier médical
A 27 ans naissance d'une fille, à 29 ans naissance d'un garçon. A 62 ans diagnostic de Sclérodermie (maladie auto-immune cutanée).
Sa vie
« Je suis la quatrième d'une fratrie de 8 enfants. J'ai eu une enfance heureuse au sein de cette nombreuse fratrie, avec des parents aimants. Mes parents étaient tous les 2 orphelins. Ma mère était la cinquième d'une fratrie de 8 enfants, sa mère était morte en couches en mettant au monde le huitième, elle avait alors 3 ans, son père a placé les 4 derniers enfants. Ma mère n'a jamais revu son père. Mon père était fils unique, son propre père était mort dans un accident quand il avait 10 ans, il a été élevé par sa grand-mère qui est décédée sous ses yeux lors d'un bombardement pendant la guerre. De sa mère personne ne parlait jamais.
Je me suis mariée à 23 ans, j'ai eu mes 2 enfants sans problème. Je me suis très bien entendue avec ma belle-mère, je l'aimais beaucoup, j'ai été plus proche d'elle que de ma propre mère. Elle vivait seule dans sa maison à 20 km de chez nous. Les choses ont commencé à se détériorer quand elle a eu 94 ans, elle a débuté une maladie d'Alzheimer et s'est mise à boire, j'avais 60 ans. Comme les 2 frères de mon mari habitent à l'autre bout de la France, c'est mon mari et moi qui avons géré le problème. J'allais la voir tous les jours ou tous les 2 jours, c'était plombant. J'ai culpabilisé de ne pas la prendre chez moi, elle qui avait toujours été là pour nous rendre service, elle qui me considérait comme la fille qu'elle n'avait pas eue. Deux ans plus tard mon mari a commencé à avoir des problèmes de santé, progressivement il est devenu fatigable, a perdu l'appétit, a beaucoup maigri, ne sortait presque plus. J'ai assumé seule ma belle-mère. J'ai commencé les cachoteries quand elle me demandait comment il allait, je disais qu'il allait bien, je voulais la protéger. C'était très inconfortable car quand je la voyais il y avait toujours un mensonge. Parfois elle demandait : 'Tu ne me caches rien ?'
A ce moment, l'année de mes 62 ans, est apparue une petite plaque sur la peau qui a été biopsiée, le diagnostic de sclérodermie a été retenu, je n'avais jamais eu de problème de peau auparavant. En janvier suivant, mon mari a été hospitalisé pour un problème cardiaque. Ma belle-mère a eu aussi des problèmes de santé et après un séjour à l'hôpital elle est allée dans une maison de retraite. Ma culpabilité a augmenté de la placer dans cette maison. L'état de santé de mon mari s'est détérioré petit à petit et j'ai continué à le cacher à ma belle-mère. **Il est mort l'année de mes 63 ans. J'ai continué les cachotteries et n'ai pas prévenu ma belle-mère, toujours pour la protéger et aussi me protéger de sa souffrance que j'avais peur de rajouter à la mienne, mais au prix d'une immense culpabilité écrasante. Elle est morte l'année suivante en ignorant que son fils était décédé un an auparavant. Cette année-là, ma sclérodermie a explosé, elle a atteint les 2 seins, le thorax, l'abdomen et le dos **».
Sa réflexion
« Je pense que le corps ressort les malheurs. Ma sclérodermie correspond aux problèmes graves de ma vie, certainement à cette culpabilité engrangée. J'ai eu l'impression de trahir une personne qui avait toute confiance en moi. Si l'évènement le plus douloureux de ma vie est la perte de mon mari, le sentiment le plus douloureux est cette culpabilité par rapport à ma belle-mère. Je suis maintenant un peu apaisée. Elle est morte à 98 ans et a eu une belle vie jusqu'à 94 ans. J'ai arrêté mon traitement local de corticoïdes et la sclérodermie est stable ».