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BAHIA

Dossier médical

A 13 ans psoriasis du cuir chevelu (maladie auto-immune cutanée). De 13 à 15 ans malaises avec perte de connaissance. A 17 ans spondylarthrite rhumatoïde, rhumatisme psoriasique (maladie auto-immune articulaire). A 18 ans cystites et mycoses vulvaires à répétition pendant 18 mois.

Sa vie

« Je fais partie d'une fratrie de deux, j'ai un frère de 2 ans mon cadet. J'ai eu une enfance heureuse. J'ai eu l'amour et la tendresse de ma mère, l'amour de mon père, même s'il était un peu le grand méchant loup qui faisait des colères. Mes parents se sont séparés quand j'ai eu 11 ans, ils nous ont bien expliqué que cela n'était pas de notre faute. Je n'ai eu aucune culpabilité et la vie n'a guère changé car nous les enfants, sommes restés dans la maison et chaque parent venait une semaine sur deux. Je me suis adaptée. Je suis partie de la maison à 16 ans pour aller en internat pour mes études.

A mes 8 ans, j'ai perdu mon grand-père paternel, il avait 65 ans (pleurs). J'ai toujours mes 3 autres grands-parents. C'est l'évènement le plus douloureux de ma vie et qui reste très douloureux. Il m'avait appris à colorier, il est mort d'un cancer du colon diagnostiqué 2 ans plus tôt. Je ne l'ai pas pratiquement pas vu pendant ces 2 années, car mes parents ne souhaitaient pas qu'on le voie faible, amaigri et d'ailleurs lui non plus ne le voulait pas. A la maison on n'en parlait pas. Je n'ai pas compris ce qui se passait, j'ai juste su qu'il était malade. Seulement au fil du temps, dans les 3 ou 4 années qui ont suivi, avec des bribes par-ci, par-là, j'ai compris ce qui s'était passé : il a refusé de se faire soigner. Je lui en veux de cela, de ne pas avoir essayé, de s'être laissé mourir, j'ai de la colère contre lui. Même s'il avait gagné seulement quelques années il aurait dû essayer, mais il a laissé la maladie l'emporter. C'est comme s'il n'avait pas voulu se battre, comme s'il nous avait abandonnés. Si mon grand-père était mort après les traitements, cela aurait été différent ; car je suis malade, j'essaie, je meurs, peut se comprendre, mais je suis malade et je meurs sans passer par la case traitement est réellement différent. Pour moi c'est inacceptable. La mort de mon grand-père est débile, inacceptable. Pourquoi il n'a pas voulu essayer ? Pourquoi il n'a pas voulu rester avec nous ? J'aurais aimé connaître les raisons de son choix, j'aurais mieux compris. Cette incompréhension reste en suspens et quand je pense à lui, tout de suite me vient cette question du pourquoi il n'a pas essayé ? Je ne poserai pas la question à mon père qui n'en parle jamais, par peur de sa réaction, de sa réponse, par peur de savoir les raisons qui l'ont empêché de se soigner. Cette mort a été difficile à digérer, le deuil n'est toujours pas fait. Quand je pense à mon grand-père, je pleure, en même temps, je me dis : 'Comme cela je ne l'oublie pas.' C'est à cause de cela que j'ai choisi le métier que je veux faire : de la recherche en biologie pour soigner les gens.

J'ai eu mes premières règles à 13 ans. A ce moment-là, j'avais déjà commencé à comprendre petit à petit ce qui s'était passé pour mon grand-père. J'ai fait des malaises avec perte de connaissance, le plus souvent à la maison ou à l'école, ce qui a duré deux ans. Je fais encore de temps en temps quelques malaises, mais c'est rare. J'ai eu également à cet âge-là du psoriasis sur le cuir chevelu. Vers 16 ans j'ai commencé à avoir mal au dos, un an plus tard a été posé le diagnostic de spondylarthrite. Il n'y a jamais eu de maladie auto-immune dans ma famille.

J'ai eu mes premiers rapports sexuels à 18 ans. Pendant 18 mois j'ai eu une cystite ou une mycose vulvo-vaginale pratiquement mensuelle, elles se sont arrêtées quand j'ai changé de petit copain, depuis, je n'en ai fait aucune. En fait cela m'a bien arrangée d'avoir ces problèmes pour éviter les rapports qui ne me plaisaient qu'à moitié avec lui. Je le sais depuis que j'ai des rapports beaucoup plus satisfaisants avec mon nouveau copain. On pourrait dire que mon corps a su avant moi, qui ne le savais pas encore, que cette première relation ne me convenait pas. »

Sa réflexion

« Ce qui me gêne le plus c**'est la colère, c'est l'émotion la plus difficile que j'ai ressenti et que j'ai toujours en moi.** Cette maladie auto-immune, je ne sais pas, c'est peut-être ma colère qui se retourne contre moi. Je m'autodétruis, mais je suis capable de vivre quand même. Depuis ma dernière crise j'ai une séquelle dans la jambe droite qui tire un peu, juste pour dire : 'La maladie est là, ne l'oublie pas.' J'ai une maladie mais je vis avec, je refuse qu'elle prenne le dessus, qu'elle impacte ma vie, je la tiens maîtrisée. Mon grand-père, lui, s'est autodétruit en refusant les traitements.

Je n'en aurais jamais autant dit en si peu de temps, j'ai tout dit. Je pense que c'est important d'en parler, de se poser d'autres questions, pour mieux comprendre, pour mieux se comprendre soi-même. Aucun médecin qui a pris en charge mon rhumatisme psoriasique n'a posé ce genre de questions. Je pense que votre sujet de thèse est un bon sujet car souvent les patients se posent ces questions.»

[^1]: Pomey-Rey Danièle, La peau et ses états d'âme, 1999, p.88.

Tous les noms propres ont été anonymisés.