CONDOLIZA
Dossier médical
A 22 ans dépression, troubles du comportement alimentaire, prise de 15 kg en 6 mois. A 24 et 28 ans fausse couche. Naissance d'une fille à 25, 27 et 29 ans. A 26 ans en post-partum diagnostic de SEP, nouvelle poussée en post-partum à 27 ans. Mise en invalidité à 47 ans pour SEP évolutive.
Sa vie
« Je fais partie d'une fratrie de 4, j'ai 3 frères. J'ai eu une enfance très heureuse dans une famille aimante et tendre, j'ai été très protégée, mon père était très doux. A 21 ans j'ai voulu m'éloigner du nid et je suis partie à l'autre bout de la France pour faire mes études. J'ai rencontré mon mari à 24 ans, nous nous sommes mariés et avons eu nos 3 enfants, nous nous entendons très bien. Ma SEP a débuté après la naissance de ma première fille et évolue par crises depuis. La deuxième crise a eu lieu après la naissance de ma seconde fille.»
Condoliza a été revue en consultation de gynécologie un an après ce premier très bref entretien. Elle a alors raconté :
« En fait je crois avoir oublié de vous dire quelque chose lors de l'entretien : ce qui s'est passé entre mes 21 et 23 ans. A 21 ans, quand j'ai quitté ma famille pour faire mes études, j'ai rencontré un homme et nous avons décidé de nous marier, il était déjà 2 fois divorcé. La date du mariage a été fixée, les invitations envoyées, de nombreux cadeaux étaient déjà arrivés. Un jour, peu de temps avant le mariage il m'a fait une scène de jalousie et m'a frappée, il m'a cassé le nez. Cette fracture a brisé mon univers, j'ai changé de monde, j'ai changé de planète. Le monde dans lequel je vivais s'est écroulé, j'ai été profondément ébranlée, cela a changé toute ma conception de la vie. Je n'avais jamais rencontré la violence, je ne savais pas que cela existait. Le mariage a été annulé. J'ai connu ce que j'ignorais : la colère, la peur physique et une énorme culpabilité. Je me suis dit que je l'avais cherché puisque c'est moi qui, à 20 ans, avais décidé de quitter le nid familial tellement confortable. Une énorme culpabilité d'avoir amené la violence dans ma famille m'a dévorée. J'ai perdu l'estime de moi-même, de mon corps. J'ai fait une bonne dépression, je me disais que je ne valais rien, j'ai pris 15 kg en quelques mois, je voulais me cacher. C'est le moment le plus douloureux de ma vie. Je ne supporte pas la violence, je ne la comprends pas. Si je vois de la violence dans un film, je me cache pour ne pas regarder.
Pour me redonner de la confiance en moi j'ai cherché à rencontrer quelqu'un, j'ai fait cette recherche par agence parce que je n'étais pas assez bien pour le rencontrer toute seule puisque je ne valais rien. Ma rencontre avec mon mari actuel et mon métier d'éducatrice m'ont aidée à retrouver un peu de confiance en moi. J'ai fait ma première crise de SEP juste après la naissance de ma première fille à 25 ans. J'avais l'inquiétude de mettre au monde une fille dans ce monde de violence dévoilé par cet épisode traumatique de mes 22 ans et entériné par l'exercice de mon métier : je m'occupe d'enfants de milieux défavorisés. J'ai fait ma seconde crise après la naissance de ma seconde fille. Je me suis posé les questions de la protection de mes filles, j'ai peur pour elles. Mes enfants ont déménagé plusieurs fois pour leurs études, leur travail. A chaque fois je prends l'avion pour aller voir où ils habitent, qui sont les voisins parce que j'ai peur. »
Sa réflexion
« Cet épisode de violence est l'épisode le plus difficile, le plus douloureux de ma vie, un épisode horrible ; je l'ai occulté, ou tout au moins j'ai voulu l'occulter, mais je n'ai pas pu éliminer la culpabilité. Je vis ma vie au jour le jour, pourtant je sais que toutes les poussées de ma SEP sont calquées sur les épisodes de stress de ma vie.
Je n'en avais pas parlé lors de l'entretien, non pas par manque de confiance puisque vous me suivez depuis 25 ans, mais parce que je l'avais occulté, je ne veux pas y penser, c'est un épisode abominable de ma vie. »