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ÉKATERINA

Dossier médical

Ménopause précoce à 41 ans. Fausse couche à 39 ans sur grossesse spontanée, après 13 ans d'infécondité.

Sa vie

« J'ai 2 frères cadets de 2 et 12 ans de moins que moi. Le dernier n'était pas prévu mais a été bien accepté par nous les enfants et je m'en suis beaucoup occupé. Ma mère m'a raconté son premier accouchement laborieux, sa dernière grossesse difficile car non désirée, elle me parlait aussi de ses premières règles pour lesquelles elle n'était pas prévenue et avait cru mourir, elle a eu les explications seulement quelques mois plus tard. Paradoxalement, elle ne m'a pas du tout accompagnée lors de mes premières règles que j'ai eues à 13 ans, très douloureuses, invalidantes, et qui le sont restées, elle ne m'a pas informée non plus sur la sexualité, je le regrette, j'aurais aimé. Quand j'ai eu un premier petit copain, je l'ai dit à ma mère qui m'a insultée, m'a dit des grossièretés, ce que je n'ai pas compris, d'autant que je n'ai pas eu de rapports avec lui. Ces grossièretés n'étaient pas du tout dans les habitudes de ma mère. Dans sa tête il n'y avait pas 'd'essai erreur', c'était inenvisageable, j'ai eu la crainte d'être bannie. J'ai attendu de rencontrer mon mari pour mes premiers rapports, mon éducation ne m'a pas autorisée à avoir plusieurs expériences, je ne me le suis pas permis, il y a eu quelque chose de très fort qui m'a retenue car j'étais très libérée par ailleurs.

Ma mère a été orpheline de père en naissant et sa propre mère l'avait été à 3 ans, elle était la dernière d'une fratrie de 13 enfants, on lui a attribué un tuteur, un oncle qui l'a maltraitée, elle était bonne de ferme, elle dormait dans la paille. A 14 ans ma grand-mère s'est enfuie et a continué sa vie en travaillant de ferme en ferme avec parfois des employeurs difficiles. Elle a eu une vie de Cosette. Puis elle s'est mariée, a eu 3 enfants et mon grand-père est mort pendant la guerre avant la naissance du dernier, ensuite elle a épousé son beau-frère resté veuf de sa femme morte en couches. J'ai été proche de ma grand-mère qui est morte quand j'ai eu 15 ans, je l'appelais ma grand-mère courage.

Mon père aussi a été orphelin de mère à 5 ans, sa mère est morte en couches, le bébé est lui aussi décédé quelques semaines plus tard. La plaie est encore vive, il a 77 ans et quand il en parle, il pleure.

A 26 ans j'ai arrêté la pilule pour avoir un enfant qui n'est pas venu, nous avons continué à mener notre vie sans trop nous en préoccuper. Les explorations pour l'infertilité, ont été un peu discontinues, se sont étalées dans le temps parce que nous avons un moment quitté la France. Au départ tout était normal, puis a été faite la cœlioscopie qui a montré un problème d'adhérences qui ont été levées, 6 mois plus tard j'étais enceinte, mais j'ai fait une fausse couche. On n'a pas envisagé de PMA car je ne voulais pas me projeter dans ces techniques. Puis à 41 ans, mes règles ont disparu, alors que ma mère a été ménopausée à 58 ans. »

Sa réflexion

« L'histoire familiale est forcément prégnante dans une vie, dans les choix de vie. Je pense que j'ai pu être retenue pour faire des enfants, le mental a, je pense, cette capacité-là. J'ai été retenue par l'histoire de ma famille, les décès prématurés qui font des orphelins, les morts en couches. Je pense aussi avoir été retenue par le fait que je me demandais si mon mari était assez solide pour être père. Je sentais cette fragilité et je sais pourquoi maintenant, j'ai appris récemment qu'il a eu une enfance difficile avec beaucoup de négligences, d'indifférence. Mon travail d'éducatrice m'a fait comprendre la difficulté, la fragilité des gens qui ont ces souffrances. Je pense qu'il serait prêt maintenant et qu'il est trop tard. Je me suis toujours sentie en décalage avec lui par rapport à ce désir d'enfants, comme si lui avait été prêt trop tard, quand moi je ne pouvais plus. Je ne me suis jamais projetée dans une PMA, et nous avons envisagé l'adoption seulement un très court moment. Ma ménopause précoce était peut-être une façon de clore le dossier, de faire que ce mari fragile ne fasse pas d'enfant. Je pense que mon choix d'être éducatrice spécialisée répare ma grand-mère. Cela m'a soulagée de me rendre compte de cela.

Ce sont des choses que je n'ai jamais dites à personne. Les médecins ne m'ont posé aucune question sur ma vie. L'annonce du caractère définitif de ma stérilité lors d'une consultation a pris 5 minutes, je me revois encore hébétée sur le trottoir, à la sortie. C'est moi qui ai pris la décision de faire une psychothérapie, elle m'a beaucoup aidée. Avoir donné du sens à mon infertilité, ma ménopause, les avoir recadrées dans mon histoire de vie m'aide beaucoup.»

Tous les noms propres ont été anonymisés.