DEBORAH
Dossier médical
Ménopause précoce à 40 ans. Lupus érythémateux (maladie auto-immune) à 23 ans pendant la première grossesse, nouvelle poussée lors de la deuxième grossesse à 26 ans, stérilisation tubaire à 39 ans. Cholécystectomie (ablation vésicule biliaire) à 33 ans pour algies abdominales qui persistent. Hernie discale cervicale.
Sa vie
« Je suis la seconde d'une fratrie de 2 filles. Ma sœur et moi sommes deux accidents, ma mère avait 17 ans quand ma sœur est née et 18 à ma naissance. Quand elle a été enceinte de moi, elle a beaucoup sauté pour essayer de faire une fausse couche m'a-t-elle raconté. Mon père est parti quand j'ai eu 2 ans pour aller vivre avec sa maîtresse. Mes parents se sont fait la guerre pour divorcer. Ma mère a alors vécu comme une célibataire, c'est ma grand-mère chez qui nous sommes allées qui s'est occupée de moi, parfois je l'appelais maman. Elle aurait dû dire à sa fille de s'occuper de ses filles, mais elle ne l'a pas fait. Quand j'ai eu 10 ans maman, ma sœur et moi avons déménagé, ma grand-mère a continué à être très présente, est venue nous voir souvent. Malgré cela vers 15 ans j'ai souffert d'une grande solitude, ma sœur était partie, ma mère n'était jamais là, j'étais seule. Pendant mon enfance, je n'ai manqué de rien, sauf... d'amour. Je considère que je n'ai eu l'amour et la tendresse ni de mon père, ni de ma mère, ils ne se sont pas foulés. J'aime ma mère mais je n'aime pas ma mère, enfin je ne l'aime pas comme mère, j'ai mis une barrière affective entre nous, j'ai abandonné ma mère en tant que telle.
Je suis partie à 18 ans pour aller vivre avec mon copain qui deviendra mon mari. Assez rapidement il s'est mis à boire, je me suis vite rendu compte que j'avais fait une erreur. Quand il avait bu, il était violent, une fois il m'a cassé le nez. Il y a eu aussi des violences sexuelles, je considère que j'ai été violée par mon mari pendant des années surtout après la naissance du premier enfant, et jusqu'à sa mort quand j'ai eu 43 ans. Si je ne voulais pas avoir un rapport, il devenait violent, réveillait les gosses et m'y contraignait. Il frappait aussi ses garçons, je me mettais entre eux. Il était Dr Jekyll et Mr Hyde car quand il n'était pas ivre, il pouvait être charmant. Ces relations sont très perverses, c'est difficile, on n'arrive ni à aimer, ni à détester. Je l'ai mis dehors plusieurs fois, dont une fois quand j'ai été enceinte du second car il voulait me faire avorter, mais il est revenu et je l'ai repris, je ne savais pas dire non. Je me sentais investie d'une mission comme un saint Bernard, je voulais le sauver, mais il est tordu, pervers narcissique et il avait de l'emprise sur moi. Il avait eu une enfance difficile avec des parents alcooliques. Au gré des évènements difficiles j'ai fait mes crises de lupus. Puis j'ai eu des douleurs abdominales associées à des diarrhées qui sont restées inexpliquées malgré plusieurs fibroscopies et coloscopies, la cholécystectomie faite pour les douleurs n'a pas résolu le problème. »
Sa réflexion
« L'évènement le plus difficile de ma vie c'est le départ de mon père quand j'avais 2 ans, ce dont j'ai commencé à souffrir à l'adolescence, et sa mort quand j'en ai eu 15, lui en avait 37. J'ai appris sa mort brutalement par sa seconde femme qui ne nous avait pas prévenus qu'il était malade depuis des mois. Quand nous sommes arrivés, le cercueil était fermé, je n'ai pas pu le revoir. Ce décès violent brutal a été inacceptable. J'ai eu un sentiment d'abandon, ce qui a conditionné une grosse partie de ma vie. J'ai eu beaucoup de colère, une colère à 10/10 contre mon père. Je lui en voulais de m'avoir abandonnée une première fois à 2 ans, de s'occuper plus de la fille de sa seconde femme que de moi, et de m'avoir abandonnée une seconde fois à sa mort. Je lui en voulais de ne pas avoir connu un seul de ses petits-enfants, j'y ai énormément pensé pendant ma première grossesse, celle où j'ai déclaré le lupus. Je l'aimais et le haïssais à la fois, puis après c'est compliqué d'haïr un mort. Cette colère accompagnée de tristesse m'a poursuivie entre 15 et 43 ans, âge du décès de mon mari qui lui m'a soulagée et a étrangement atténué la colère contre mon père. Contre mon mari aussi j'ai eu de la colère, une colère à 25/20 qui a duré 25 ans jusqu'à sa mort, je l'ai détesté. Huit mois après sa mort je l'avais remplacé. »
Sa réflexion
« Je suis persuadée que ma maladie auto-immune c'est une façon de m'auto-détruire, de détruire les parties de ma vie qui ne me conviennent pas, une partie de moi que je veux supprimer. Je n'ai pas été désirée, accueillie, après j'ai été un fardeau, un boulet, mes allergies au lait, aux couches, au plastique, c'était pour qu'on s'occupe de moi. Au début on se bat, puis on voit que cela ne fonctionne pas, donc on en conclut que si on pouvait disparaitre, ce ne serait pas mal. Toutes les crises de lupus sont calquées sur les périodes difficiles de ma vie. Ma première crise de lupus est apparue pendant ma première grossesse. J'ai eu à ce moment une grosse colère, une grande tristesse et un grand vide suite au sentiment d'abandon de mon père qui en plus ne connaîtrait pas son petit enfant. J'ai eu aussi le plus grand regret de ma vie du comportement de mon mari qui ne se conduisait pas comme un mari doit se conduire pendant la grossesse de sa femme. Je ne voyais pas la grossesse comme cela, j'ai senti une profonde solitude, une grande déception et une très grosse colère. Ce n'était pas avec lui que j'aurais dû avoir mes enfants. Initialement je voulais 5 ou 6 enfants, mais je n'en voulais plus avec lui. Mon mari en valait 6 à lui tout seul, j'aurais dû demander des alloc pour lui. Je pense que l'esprit est créateur, je pense que ma ménopause je l'ai provoquée pour me protéger d'avoir d'autres enfants avec mon mari. Inconsciemment j'avais peur que la ligature des trompes ne soit pas suffisante, et je ne voulais surtout pas un autre enfant de lui. Cette ménopause m'évitait de pérenniser les choses de la lignée dans la descendance, trois c'était déjà bien. Si c'était à refaire ce ne serait pas lui le père de mes enfants.»