PILAR
Dossier médical
Ménopause précoce à 41 ans. Ulcère gastrique à 16 ans motivant une fibroscopie. Naissance de jumelles à 28 ans.
Sa vie
« Je suis l'aînée d'une fratrie de 3 filles. Une sœur est d'un 1 an ma cadette, l'autre de 4 ans. J'ai eu une enfance heureuse avec l'amour et la tendresse de mes parents qui étaient profondément amoureux l'un de l'autre. Ma mère aurait voulu être psychologue, mais pour avoir les mêmes vacances que mon père, elle est devenue professeur comme lui. Le 21 décembre de l'année de mes 16 ans, mes parents ont eu un accident de voiture, un chauffard ivre les a percutés, ma mère est morte sur le coup, elle avait 38 ans. C'est le moment le plus douloureux de ma vie. J'ai eu un profond sentiment d'abandon, mêlé à un sentiment de culpabilité car depuis quelques années j'étais en conflit avec ma mère comme beaucoup d'adolescentes, je n'étais pas telle qu'elle voulait que je sois. Mon père est resté 15 jours dans le coma et 6 mois à l'hôpital. Il a été profondément affecté, mais il a assuré son rôle de papa pour ses 3 filles même si cela a été difficile. Un jour lors d'une colère il nous a dit, à nous ses 3 filles : 'De toute façon, vous n'arriverez jamais à la cheville de votre mère.'
Après la mort de notre mère, mes 2 sœurs sont restées un an chez mes grands-parents, et moi je suis restée pensionnaire. J'ai commencé à ce moment-là, à avoir mal à l'estomac et six mois plus tard, on m'a diagnostiqué un ulcère lors d'une fibroscopie qui a été très douloureuse. J'étais dans une grande détresse, aucun médecin ne m'a posé de question sur ma vie. J'ai eu un an de traitement pour mon ulcère. Avec mes sœurs, on s'est retrouvées seules, sans aide. Ma mère aussi avait eu un ulcère et ma grand-mère maternelle était morte d'un cancer de l'estomac. Quand mon père a été remis de l'accident, nous sommes rentrées à la maison, nous dormions tous les 4 dans la même chambre, nous avions peur.
Deux ans plus tard, j'ai rencontré mon futur mari que j'ai épousé à 25 ans, c'était un mariage d'amour, il m'apportait aussi la sécurité. Nous avons eu nos jumelles, la présence de ma mère m'a beaucoup manqué pendant et après la grossesse. Mon mari privilégiait sa carrière aux dépens de sa vie familiale, il était souvent absent et je me suis sentie délaissée. Ce sentiment que j'avais de vivre un nouvel abandon m'était insupportable. J'ai quitté mon mari quand mes jumelles ont eu 4 ans. Mon entourage n'a pas compris car mon mari était très apprécié, de par ses réelles qualités. Je me suis retrouvée seule avec mes filles et j'ai réussi à tout gérer, comme mon père l'avait fait avec nous. J'ai rencontré un autre homme avec qui je suis restée quelque temps et que j'ai quitté car seules m'importaient la vie de mes filles et la réussite de leur éducation.
Des années plus tard, j'ai rencontré un homme avec qui j'aurais pu faire un enfant, mais cette même année j'ai eu cette ménopause précoce. De rencontrer la bonne personne au moment de ma ménopause m'a protégée d'un questionnement sur un troisième enfant que je ne me sentais pas capable d'envisager. »
Sa réflexion
« Cette ménopause précoce a été comme une coupure, comme si je revivais l'accident, comme si cela me détachait un peu plus de ma maman, sectionnait le lien filial qui m'unissait à elle, comme si elle m'autorisait à faire mon deuil. Ma culpabilité a disparu avec ma ménopause qui s'est bien passée sans inconvénients, je n'ai plus peur de l'abandon. J'ai accompli le travail que je devais faire, j'ai mené à bien l'éducation de mes 2 filles et j'en suis fière, je n'ai plus rien à prouver, mon père m'a félicitée, je pense que c'est un juste retour. Je ne pense pas que ce soit un hasard si ma ménopause et la rencontre de mon nouveau compagnon coïncident. Je pense que je ne pouvais pas rencontrer la bonne personne avant, un autre enfant me remettait dans le challenge d'emmener un enfant jusqu'à sa maturité et il était trop tard, comme s'il ne fallait pas prendre ce risque.»