COLINE
Dossier médical
Autour de 6 ans, angines à répétition. Autour de 10 ans, douleur des membres non étiquetée, (dispensée de sport), insomnies, cauchemars avec cris et hurlements, crises de somnambulisme qui ont perduré. A 22 ans naissance d'un garçon, à 24 ans d'une fille. A 49 ans diagnostic de fibromyalgie. Obésité poids : 106 kg, taille : 1,60, IMC : 41. A 55 ans chirurgie bariatrique, sleeve, perte de 40 kg.
Sa vie
« Je suis l'aînée d'une fratrie de 3. J'ai des bons souvenirs de ma petite enfance jusqu'à 6 ans, puis ma mère a pété un câble quand mon dernier frère est né. Je pense qu'elle a eu ses 3 enfants contre son gré. Je pense aussi qu'elle s'est mariée par défaut, n'a jamais aimé mon père, elle a très vite su que ça n'irait pas avec son mari, elle était cultivée et a épousé un homme qui ne l'était pas. Mon père était colérique, violent, alcoolique. Parfois ma mère fermait toutes les portes de la maison quand il rentrait ivre à 6 heures du matin, alors il défonçait la porte et allait chercher son fusil. J'ai eu une enfance de peur, d'insécurité, j'ai essayé comme ma mère de protéger mon frère et ma sœur. Ma mère m'a beaucoup responsabilisée, je suis devenue une petite maman et n'ai plus eu de vie de petite fille, mes parents sortaient le soir et me laissaient garder les petits. Ma mère était très sévère, sans tendresse, jamais de bisou, jamais de câlin. Mon père s'est occupé de moi quand j'étais toute petite, après plus jamais sauf pour me tabasser**, j'ai subi des violences quotidiennes verbales, physiques, il frappait avec son ceinturon qui avait des crochets.** Comme mon père s'en prenait beaucoup à moi, ma mère, pour me protéger, m'a mise en pension, une pension qui était à 500 mètres de la maison, il m'arrivait de voir la famille passer, je me suis sentie abandonnée. Ma mère aussi était frappée régulièrement, une fois j'ai eu peur qu'elle meure, j'ai eu peur de perdre ma maman car mon père lui a lancé une assiette à la figure, lui a ouvert l'arcade, elle a beaucoup saigné, j'avais 9 ou 10 ans, cette image est gravée.
Je connais mon mari depuis l'âge de 13 ans, nous sommes sortis ensemble quand j'ai eu 15 ans. Ma mère qui le connaissait n'était pas d'accord pour le mariage, elle m'a dit si tu l'épouses, ne viens jamais te plaindre. Je n'ai pas suivi le premier conseil de ma mère, mais j'ai suivi le second. Je me suis mariée, nous avons eu un premier enfant. Après la naissance j'ai vu qu'il était jaloux de son fils dont il ne s'est pas du tout occupé. Ensuite j'ai souhaité une seconde grossesse que nous avons attendue pendant 2 ans et pour laquelle le bilan d'infécondité s'est révélé normal. En fait je voulais être enceinte, mais je savais au fond de moi que cela n'était pas sérieux car j'avais déjà pris conscience que mon mari était infernal, égoïste, égocentrique, jaloux, méchant, pervers narcissique. Il était violent physiquement, il me bousculait et aussi verbalement, il me disait par exemple : 'Si tu pouvais te casser la gueule en voiture, ce serait bien !' Ce n'était pas sérieux de vouloir un deuxième bébé pour une autre raison : j'avais un amant. Mais j'étais très ambivalente, balancée entre ma vie de femme et ma vie de mère : j'ai eu l'enfant avec mon mari et ma liaison a duré 13 ans entre 27 et 40 ans. Mon amant était marié, avait 3 enfants, j'ai pensé quitter mon mari, mais avec mon éducation religieuse, je ne me suis pas autorisée à le faire. J'ai eu un accident de voiture 1 semaine après que mon amant m'a quittée après 13 ans de liaison. J'étais prisonnière de mon mari que je n'aimais pas et du silence que je m'étais imposé suite aux paroles de ma mère : 'Tu ne viendras pas te plaindre.' Je suis restée 41 ans avec mon mari, 41 ans de souffrance, nous sommes restés 25 ans sans rapports sexuels. En fait je savais que je devais le quitter et j'ai des regrets de ne pas l'avoir fait plus tôt, mais je me sentais seule sans soutien. »
Sa réflexion
« Le sentiment le plus difficile de ma vie a été celui d'abandon. D'abord quand j'ai été mise en pension, quand mon amant m'a quittée, quand ma sœur n'a pas dit non à son mari qui lui interdisait de me voir et quand après le décès de ma mère, mon frère et ma sœur m'ont ostracisée. J'ai eu en plus un sentiment de trahison car je les ai élevés.
Pour moi il y a une cohérence entre ma vie et ma santé, tout est lié à l'enfance, la période où on se construit. Je pense que la violence de mon enfance m'a obligée à me fabriquer une carapace, je me suis enrobée. J'ai commencé à prendre du poids après ma première grossesse quand j'ai compris qui était mon mari, que je m'étais trompée et que en plus je ne devais pas me plaindre comme ma mère me l'avait demandé. Je pense que mon obésité a eu une finalité, c'était une sorte d'armure, de cuirasse qui me protégeait de la relation néfaste avec mon mari jaloux (pleurs). Mon poids était ma carapace contre mon mari violent. On compense le manque d'amour, de tendresse par la nourriture. Pour moi c'est clair, je n'ai plus eu besoin de ma carapace seulement après mon divorce. Quand ma colère contre lui s'est apaisée j'ai pu alors décider de me faire opérer pour mon poids, j'ai pu prendre des décisions pour aller mieux, pour vivre plus sereinement ; tout ce que j'aurais dû faire avant. Je pense aussi que c'est la violence de mon enfance d'abord et de ma vie qui a déclenché ma fibromyalgie, toutes les douleurs que j'ai eues enfant sont les mêmes que celles qu'on me dit dues à ma fibromyalgie, je les associe toutes ensemble. Il y a eu de nombreux bilans pour ces douleurs : neurologique, rhumatologique, de nombreux arrêts de travail. Un rhumatologue m'a dit que c'était dans ma tête, j'ai effectivement eu l'impression de devenir folle. Il y a une cohérence entre ma vie et ma santé, la réponse à la question de votre thèse est oui à 100%. Merci pour cet entretien, il y a des choses que je n'avais jamais dites.»