ELVIRE
Dossier médical
A 26 et 28 ans naissance d'un garçon. Obésité poids : 105 kg, taille : 1,60, IMC : 41, début du surpoids à la puberté. A 37 ans chirurgie d'un tablier abdominal. A 50 ans lichen scléro atrophique vulvaire : maladie chronique inflammatoire vulvaire possiblement auto-immune.
Sa vie
« A l'âge de 5 ou 6 ans je suis allée en vacances chez mes grands-parents et ma grand-mère m'a mise dans le lit de mon grand-père, sciemment. Il m'a fait des attouchements, il me touchait, m'obligeait à le toucher, il n'y a pas eu pénétration avec son sexe car il n'avait pas d'érection, je pense qu'il l'aurait fait sinon. Il m'a fait croire qu'il m'aimait très fort, que c'était quelque chose d'unique. Cela a duré pendant une année à chaque fois que j'y allais. Ma grand-mère le savait puisqu'elle dormait dans la chambre à côté avec la porte ouverte. Mon grand-père m'a culpabilisée un maximum, il m'a fait promettre de ne pas le dire, qu'il irait en prison si je le disais et c'est cela qui m'a rendue coupable, cela qui a fait de moi une petite fille triste et coupable, j'ai pensé que j'avais fait quelque chose de très mal. Moi petite fille de 6 ans, j'avais promis, alors je me suis tue et je me suis tue pendant 30 ans. Je me suis retrouvée avec une culpabilité qui ne m'appartenait pas et que j'ai trimbalée pendant 30 ans, car, quand on est enfant, on ne sait pas ce qui est permis ou pas. J'ai porté cela toute seule pendant 30 ans de ma vie. Ensuite j'ai appris qu'il avait fait la même chose à ma sœur et qu'il avait essayé de violer ma mère qui était sa belle-fille !
A l'adolescence, j'ai fait une grave dépression, j'ai pris des antidépresseurs plusieurs années. Ma sexualité est un fiasco à chaque rapport, parce que ça me dégoûte. A 18 ans, lors d'un voyage en bateau, un homme m'a proposé sa cabine et m'a obligée à des relations anales, sans violence toutefois, mais je me suis laissé faire, j'étais perdue, je ne connaissais pas les limites. Ces abus rendent très vulnérable avec une soumission à certaines choses, une vraie timidité. On a du mal à savoir les limites, et les prédateurs le sentent. Je me demandais si tous les hommes avaient le droit de me sauter dessus, de me traiter comme cela. Un médecin scolaire quand j'avais 14 ans m'a écarté les jambes d'une façon malsaine, il était une autorité, à qui le dire et qui me croira ? Je n'ai aucune confiance dans les hommes. Plusieurs de mes aventures ont été catastrophiques, quelque chose en moi est cassé, en pleine action, au milieu de l'acte, je ressens du dégoût et j'arrête. Je préfère les sex toys. Ce qui est arrivé avec mon grand-père est à l'origine de cela, pour moi il n'y a aucun doute, ça m'a bousillée.
Et moi j'ai eu de la chance car je n'ai pas subi de violence physique. Ma sœur, qui a été violée avec violence à 12 ans, a eu ensuite des années de vomissements inexpliqués. Elle dit toujours : 'Vivement que je sois morte,' elle est étiquetée bipolaire. Je suis sûre que ça vient de là : la santé, le psychisme, le goût de la vie sont forcément altérés. Ces problèmes d'abus induisent la solitude et une vengeance de fond, un comportement d'allumeuse. Ils induisent aussi une difficulté à consulter les gynécologues, tous les examens gynécologiques ont été très difficiles, je les évite, j'ai gardé un stérilet 7 ans sans aucune vérification.
J'ai fait deux psychothérapies. La première quand j'ai divorcé et la première chose que j'ai dite c'est cela, c'était la première fois que j'en parlais, j'avais 33 ans, soit 28 ans après les faits. Ma première psychothérapie m'a sauvée au niveau de ma santé. J'ai eu un deuxième psychologue car j'avais déménagé, j'ai eu un rapport sexuel avec lui, après le rapport, j'ai vomi. »
Sa réflexion
« Je suis sûre et certaine que ces problèmes d'abus impactent la santé car ce n'est pas normal de se faire traiter comme cela. Mon problème de poids c'est cela, c'est pour cela que je pèse 108 kg. Quand j'ai fait ma thérapie, j'ai bien analysé les choses, je sais que c'est cela, je veux me rendre invisible, surtout pas désirable. Je veux qu'on me foute la paix, qu'on ne m'approche pas. Mes problèmes vulvaires sont aussi probablement en lien, mon corps n'a pas oublié, ils ont débuté à un moment difficile de ma vie, quand j'ai eu des soucis importants dans mon travail après un changement de direction.
Si j'avais pu le dire au moment des faits, je pense que cela aurait changé les choses, mais j'avais promis de me taire. Ceci dit, personne, jamais, ne me l'a demandé. J'en parlerai à mes enfants.»