ENRICA
Dossier médical
A 25 ans endométriose sévÚre. A 29 ans ovariectomie gauche pour kyste endométriose. Désir de grossesse entre 30 et 34 ans 3 FIV. Obésité : poids : 112 kg taille : 1,68m, IMC : 40. A 44 ans sleeve.
Sa vie
« J'ai un frĂšre cadet de 18 mois. J'ai eu une enfance heureuse avec l'amour et la tendresse de mes parents qui s'aimaient. Ma mĂšre m'a montrĂ© un beau modĂšle d'Ă©pouse et de mĂšre, celle que j'aurais aimĂ© ĂȘtre. J'ai quittĂ© la maison pour partir en facultĂ© Ă 18 ans. Mon pĂšre voulait absolument que je fasse la fac de droit, ce qui ne m'intĂ©ressait pas du tout, je voulais ĂȘtre institutrice. Mais je ne sais pas dire non, j'ai fait 4 annĂ©es de droit dont 2 redoublements et n'ai rien obtenu. Ces annĂ©es ont Ă©tĂ© trĂšs difficiles, j'ai pris 30 kg en 4 ans, j'ai eu une phobie de la ville, des transports en commun. Je n'ai pas pu prendre le bus pour aller Ă la gare et rentrer Ă la maison Ă la fin de ces annĂ©es, mon pĂšre est venu me chercher sans rien dire. J'ai dĂ» me contenter de son mutisme. J'aurais aimĂ© en parler. Ensuite j'ai perdu un peu de poids puis j'ai fait le yoyo.
J'ai rencontrĂ© mon futur mari Ă 15 ans au collĂšge, j'ai eu mes premiers rapports sexuels Ă 17 ans qui se sont passĂ©s normalement. Nous avons entamĂ© une vie commune Ă mes 24 ans. L'annĂ©e suivante j'ai eu Ă cause de douleurs la cĆlioscopie qui a diagnostiquĂ© l'endomĂ©triose. Ces douleurs avaient dĂ©butĂ© Ă 18 ans, Ă mon entrĂ©e en facultĂ©. AprĂšs un traitement mĂ©dical qui a durĂ© un an les douleurs ont diminuĂ© mais sont trĂšs vite rĂ©apparues. AprĂšs quelques annĂ©es de vie commune avec mon mari, vers 26 ans j'ai eu envie d'un enfant, mais mon mari n'Ă©tait pas dĂ©cidĂ©, il n'en voulait pas. Cela n'a pas Ă©tĂ© facile de le convaincre, il s'est enfin dĂ©cidĂ© mais j'ai eu l'impression de lui voler son accord. J'ai repris du poids quand nous nous sommes mariĂ©s Ă mes 30 ans. La grossesse n'est pas venue et nous avons fait 3 tentatives de FIV, il y a eu une seule fois une rĂ©implantation. J'ai eu Ă ce moment-lĂ des crises d'angoisse, des phobies, je ne pouvais pas conduire, entrer dans les magasins. DĂšs le mariage j'ai compris que je m'Ă©tais trompĂ©e en l'Ă©pousant. Petit Ă petit, on a compris que nous avions empruntĂ© des chemins de vie diffĂ©rents, nous nous sommes sĂ©parĂ©s quand j'ai eu 36 ans et avons divorcĂ© Ă l'amiable un an plus tard. Ensuite j'ai vĂ©cu de 38 Ă 44 avec un nouveau partenaire alcoolique qui me tapait dessus. La question de l'enfant ne s'est pas posĂ©e ».
Sa réflexion
« J'ai entamĂ© ma prise de poids quand je suis entrĂ©e Ă la fac. Ce poids a symbolisĂ© la dĂ©ception, la tristesse. J'ai Ă©tĂ© en colĂšre contre moi-mĂȘme, déçue par moi-mĂȘme d'avoir acceptĂ© ce qui n'Ă©tait pas acceptable pour moi, dĂ©ception qui a Ă©tĂ© augmentĂ©e par le fait que, non seulement je n'ai pas rĂ©ussi, mais je n'ai pas fait plaisir Ă mon pĂšre. DĂ©ception de moi-mĂȘme Ă 8 ou 9/10. Mon poids a Ă©tĂ© une vengeance contre moi-mĂȘme, un refuge, un abri pour me cacher. Je pense que si mon pĂšre en venant me chercher m'avait dit : 'On s'est trompĂ©s, ce n'Ă©tait pas une bonne option pour toi, je t'aime quand mĂȘme' mon amaigrissement aurait Ă©tĂ© durable. Les dĂ©ceptions de moi-mĂȘme ont continuĂ© et j'ai continuĂ© Ă me venger, Ă me cacher avec mon surpoids qui a continuĂ© Ă augmenter jusqu'Ă peser 112 kg. J'ai dĂ©cidĂ© la sleeve Ă 44 ans car la vie Ă©tait physiquement difficile, invivable avec ce surpoids. Si c'Ă©tait Ă refaire je le referais, je pĂšse maintenant 55 kg, mĂȘme si je pense qu'on transforme une addiction en une autre car depuis la chirurgie je fume 20 cigarettes par jour alors qu'avant j'en fumais 5.
DĂšs mon mariage, j'ai su que je n'aurais pas dĂ» l'Ă©pouser. Sont revenues la tristesse, la dĂ©ception de moi-mĂȘme, dĂ©ception Ă 8/10, un regard sur moi nĂ©gatif. Qu'allaient dire les autres et surtout mes parents ? Qu'allait dire mon pĂšre dont l'avis m'importe tant ? Qu'allait dire ma mĂšre, modĂšle inaccessible que je mets sur piĂ©destal, qui a tout rĂ©ussi, m'a donnĂ© une belle image de la femme et de la mĂšre ? Elle a beaucoup d'emprise sur moi, enfin l'emprise que je lui laisse avoir puisque je n'ai pas appris Ă dire non. Mon frĂšre, lui, a tout rĂ©ussi, ce qui a soulignĂ© mon Ă©chec Ă la facultĂ© et la dĂ©ception qui va avec.
Dans mon parcours de PMA personne ne m'a posĂ© aucune question sur ma vie. Je pense que si les mĂ©decins m'avaient posĂ© cette question que vous posez de savoir comment je me sentais en me projetant dans une grossesse, dans la vie avec le pĂšre et le bĂ©bĂ©, si on m'avait mis en face cette image de la mĂšre avec son bĂ©bĂ© et le pĂšre, j'aurais sorti la tĂȘte du guidon. Ces questions m'auraient aidĂ©e, j'aurais rĂ©flĂ©chi Ă 2 fois. Je n'aurais probablement pas fait la PMA et j'aurais divorcĂ© plus tĂŽt, c'est sĂ»r. Je me demande d'ailleurs si je me suis moi-mĂȘme posĂ© ces questions. RĂ©trospectivement, je pense que mon endomĂ©triose m'a protĂ©gĂ©e de cette grossesse, mon corps a su avant moi qu'il ne fallait pas, il a fait le bon choix, mais je n'ai pas captĂ© le signal et on ne m'y a pas aidĂ©e. L'enfant n'aurait pas Ă©tĂ© Ă sa place, comme l'endomĂ©triose est la mauvaise place de l'endomĂštre. Nos maladies ont certainement des choses Ă nous dire de nous-mĂȘmes. Je n'ai pas su Ă©couter mon corps qui me disait : 'Tu te trompes, tu ne dois pas faire d'enfant.' C'est trĂšs bien qu'on pose ces questions, qu'on se pose ces questions, et il serait grand temps de les poser. Depuis que vous m'avez proposĂ© l'entretien, je me suis posĂ© plein de questions que je ne m'Ă©tais pas posĂ©es auparavant, c'est trĂšs enrichissant. »