NATANAELLE
Dossier médical
Trouble du comportement alimentaire depuis l'âge de 16 ans, une dizaine d'hospitalisations ponctuelles pour perfusion de potassium. A 19 ans psoriasis. Trois hospitalisations de plusieurs mois pour boulimie. Un enfant après IAC, 2 fausses couches précoces après grossesses spontanées.
Sa vie
« Je suis la seconde d'une fratrie de 4 enfants, j'ai un frère de 2 ans mon aîné que j'adore, et deux sœurs cadettes. J'ai toujours cherché l'amour de mon frère que je n'ai jamais eu, il est pour moi au-dessus de mon père. Mon frère a été élevé à la dure, il se vengeait sur moi, j'étais son souffre-douleur. Quand j'avais autour de 7 ans, un soir mes parents recevaient des amis qui avaient un garçon de 8 ans et une fille de 9 ans du même âge que mon frère. Mon frère et elle nous ont obligés, le garçon de 8 ans et moi à nous déshabiller et à mimer un rapport en nous intimant les positions à prendre, avec le zizi du garçon dans mon sexe. Eux, ils rigolaient. Ceci ne m'a pas marquée sur le coup, mais j'y repense, je revois la scène, j'ai honte, c'est dégueulasse, et maintenant quand je vois le zizi de mon fils, je pense à cela. Au même âge, j'ai l'image d'un homme avec moi dans un garage, alors que mes parents n'avaient pas de garage et que je n'avais rien à y faire, j'ai seulement cette image. A 8 ans j'allais souvent en garde périscolaire, un homme nous gardait, ma mère m'a rappelé récemment que je lui ai dit à plusieurs reprises que cet homme était gentil, mais... trop gentil avec moi. Je n'ai pas de souvenir de cet homme, seulement d'une moquette verte dans la salle où on était gardés. J'ai beaucoup de trous noirs de la période de mon enfance. A partir de 8 ans à peu près, j'ai vu une vingtaine de fois mes parents faire l'amour, j'ai même vu mon père se masturber. Je n'acceptais pas l'idée que mes parents puissent faire cela, après je ne pouvais pas supporter qu'ils me touchent, c'est sale, on ne peut pas toucher un enfant après cela, après je ne pouvais pas regarder ma mère. Un jour, je devais avoir une dizaine d'années, je suis tombée sur des cassettes porno qui étaient dans le même tiroir que les autres cassettes, cela a fait rire mes parents, ils ont rigolé ! Mon père qui était beaucoup absent du foyer puisque seul le foot comptait, regardait beaucoup les femmes, ce que je ne supportais pas. Ma mère me confiait des choses que je n'aurais pas dû savoir, sur sa sexualité par exemple. Je ne savais pas gérer toutes ces informations. Je suis très proche de ma mère et j'ai du mal à différencier sa vie et la mienne, je suis un double de ma mère, mais je n'ai pas les épaules, je suis trop nulle.
En CM2 j'avais 11 ans, un jour j'avais écrit sur un bout de papier à un garçon de ma classe que je voulais être sa copine. Lors de la récréation, devant les autres, il s'est moqué de moi, il m'a humiliée. Cet évènement a été marquant dans ma vie de petite fille, après j'ai toujours eu l'impression d'être nulle. J'ai eu mes premières règles à 14 ans, je n'en voulais pas car je ne voulais pas devenir une femme, je refusais mes formes. Depuis longtemps j'étais mal dans mon corps, mes otites à répétition m'interdisaient la piscine scolaire ce qui m'arrangeait bien car je ne voulais pas montrer mon corps.
A 16 ans il y a eu **une cassure dans ma vie **: un jour ma robe de chambre s'est ouverte et je n'avais rien en dessous, mon père est tombé en arrêt, j'ai vu son regard d'homme regardant une femme, j'ai eu peur du regard de mon père sur la femme et non plus sur sa fille. Ce regard me poursuit, ce regard je le vois parfois quand je suis avec mon mari et je l'ai vu aussi quand j'étais avec mes copains. Cette même année de mes 16 ans, j'avais un prof de français qui me terrorisait, même s'il ne m'a jamais touchée, il ne nous faisait étudier que des textes salaces, de sexe, il regardait les filles, il bavait littéralement, on pouvait sentir la jouissance sur lui, j'avais peur de l'homme. Tout ce qui a rapport avec le sexe est difficile pour moi, un homme ne pense qu'avec sa bite, j'ai souvent entendu ma mère dire cela. Pour moi les rapports sont pour soulager l'homme. Je me surprends souvent à penser : ce soir je vais y passer. Moi je ne suis pas demandeuse, je pourrais vivre sans sexe, même si avec mon mari les rapports se passent bien. J'ai eu mon premier rapport sexuel à 16 ans parce qu'il fallait avoir du sexe, pour ne pas avoir l'air con devant les copines. Je le connaissais à peine et il avait bu, cette relation a été nulle, je ne le referais pas. Avant mon mari j'ai eu deux relations de trois ans et avec chacun, j'ai parfois eu des rapports forcés, je regardais le plafond et je pleurais, j'avais l'impression d'être une chose, je veux occulter le sexe que j'ai eu avec eux.
Depuis que j'ai 16 ans, je me bats tout le temps, je suis un gyrophare toujours actif toujours sur le qui-vive, je ne souffle jamais, je suis fatiguée de ma vie. J'ai mon problème de boulimie depuis cet âge, je me bats sans cesse pour ne pas devenir obèse, j'oscille entre 47 et 65 kg pour 1,64 m. J'ai été hospitalisée de nombreuses fois pour cette raison, parfois une journée pour perfusion à cause du manque de potassium, parfois pendant un ou plusieurs mois. Je me réveille toutes les heures ou toutes les 2 heures et je pense à la bouffe, j'ai faim. Pendant ma grossesse, j'ai fait des crises de boulimie tous les jours, je mangeais pendant 3 heures et ensuite je passais autant de temps à vomir. Je n'ai pas aimé être enceinte, je n'ai pas du tout apprécié ma grossesse. Je voulais être enceinte non pas pour être maman, mais pour donner un sens à ma vie. J'aurais perdu le bébé cela ne m'aurait pas touchée car je n'ai pas la fibre maternelle, j'ai suivi le flot de ce qu'il fallait faire, car il faut être mère. Maintenant c'est différent, toute ma vie a changé depuis que mon fils est là, mais je ne me sens pas bien pour autant, je ne suis pas heureuse. Je dis que je suis née pour galérer toute ma vie, mais je ne pense pas à partir.
J'ai l'impression que personne ne m'aime, que je suis un boulet, une merde, on ne peut pas m'apprécier, je suis rousse, je suis moche, je ne sais rien faire, je ne sais pas ce que je peux apporter aux gens. Je ne sais pas où est ma place, je ne sais pas si j'ai ma place sur terre, je suis complètement perdue, même si j'ai mon fils. Je dois tout le temps prouver qu'on peut m'aimer. Mon fils dit papa et il sait dire maman, mais jusqu'à présent, il ne voulait pas le dire, seulement le jour de mes 30 ans il l'a dit. »
Sa réflexion
« La difficulté à avoir un enfant, les fausses couches ont forcément à voir avec ma vie. Je suis punie, je suis toujours punie, mais je ne sais pas de quoi. Je ne sais pas combien de temps je vais tenir, ma maladie, cette boulimie me tuera, je vais mourir d'épuisement, et ce sera bien fait pour moi. Depuis 2 ans j'ai des douleurs partout dans le corps, et je suis complètement perdue, même si j'ai mon fils. Ma maladie c'est la seule chose qui fait qu'on s'occupe de moi, mais aujourd'hui, je veux me séparer de ma maladie parce que mon corps dit stop, il n'en peut plus, je n'en peux plus.
J'ai fait quelques séances d'hypnose mais qui n'ont pas fonctionné car quand j'ai vu la psy on n'a pas travaillé sur les évènements de sexe qui sont si difficiles pour moi. »