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SOFIA

Dossier médical

A 5 ans rougeole, complication pulmonaire, intubation coma 48 h. A 27 ans naissance d'une fille, à 29 d'un garçon. A 33 ans sciatique, hernie discale L5-S1 arrêt de travail 2 mois. Entre 15 et 25 ans une dizaine d'entorses de cheville. A 21 ans chirurgie canal carpien droit. A 23 chirurgie canal carpien gauche. Obésité poids : 102 kg, taille : 1,54, IMC : 43.

Sa vie

« Je suis la dernière d'une fratrie de 5 enfants. Mes parents ont eu 2 enfants, dont ma sœur handicapée mentale, puis ils se sont séparés pendant 5 années pour cause de violences de mon père sur ma mère. Ma mère et les 2 enfants sont allés vivre chez mes grands-parents. Puis mes parents se sont remis ensemble et sont partis vivre à Paris. Ils ont laissé les enfants chez les grands-parents qui leur ont fait un procès pour obtenir la garde, qu'ils ont obtenue. Ensuite mes parents ont eu 2 autres enfants, puis enfin moi. J'ai 21 et 20 ans d'écart avec les aînés et 11 et 10 avec ceux du milieu. Je n'étais pas prévue, mon père ne voulait pas de moi, il a donné des coups à ma mère pour ne pas que je naisse, mais je me suis accrochée. Mon père était toujours violent avec ma mère, il lui répétait souvent : je vais te tuer. Pendant toute mon enfance j'entendais les violences verbales, les hurlements, je me souviens les voir se cramponner, tomber à terre, j'ai vu ma mère avec la lèvre fendue. Tous les Noëls de ma vie d'enfant, je dis bien tous, c'était des cris et des larmes. J'ai dormi avec eux dans leur chambre jusqu'à 11 ans, nous étions dans une petite maison sans confort, sans chauffage, sans eau chaude, une nuit nous avons été intoxiqués par le monoxyde de carbone. Le soir je m'endormais avec un casque sur les oreilles pour ne pas entendre leurs disputes. Mon père était violent aussi avec les enfants, les garçons, surtout un de mes frères qui a fait plusieurs séjours en psychiatrie, qui est violent avec sa femme et ses propres enfants. Un jour mon père a tiré sur ses enfants avec un fusil, c'est le préfet qui l'a fait interner. Mon autre frère qui a lui aussi toujours été en conflit avec mon père est homosexuel, mon père ne l'a jamais su, il est resté longtemps à la maison avec mes parents pour protéger ma mère je pense. Depuis que mon père est mort il vit avec un compagnon qui a le même prénom que mon père.

Mon père buvait, il buvait tous les jours. Si on voulait lui parler il fallait le faire le matin car après il était ivre. Tous les soirs j'avais peur quand il rentrait. J'ai toujours eu peur pour ma mère, peur qu'il la tue et davantage encore après avoir quitté la maison à 18 ans pour suivre mon futur mari. Ma peur était d'autant plus forte que je savais qu'il était armé, il était chasseur. En plus il avait gardé un revolver de la guerre d'Algérie. Un soir qu'il était ivre mort il a mis des balles dans le revolver, on a appelé la gendarmerie pour le faire enfermer. Mais en fait je pense maintenant que j'ai eu peur pour rien car il n'aurait pas tué ma mère. J'ai toujours eu peur de la mort, dès mon enfance et j'ai de plus en plus peur, une véritable angoisse de la mort, surtout depuis que j'ai des enfants. Mon père n'a jamais levé la main sur moi, je pense qu'à sa façon, il m'aimait, j'ai eu sa tendresse, j'ai des souvenirs d'être sur ses genoux. Je pense qu'il s'est culpabilisé d'avoir frappé ma mère pendant qu'elle m'attendait. L'évènement le plus difficile de ma vie est la mort de mon père, j'étais là quand il est mort (pleurs). Pendant les 6 mois qui ont suivi, j'ai eu besoin de prendre de l'alcool tous les soirs, puis je me suis reprise. Il avait reporté tout l'amour sur ma fille à laquelle il donnait sa tendresse plus qu'à ses 9 autres petits enfants et c'est une vraie souffrance pour moi que mon petit garçon ne connaisse jamais son grand-père puisqu'il est né le lendemain de sa mort (pleurs). J'ai un amour pour mon père à 10/10, et une haine pour lui à la hauteur, à 9/10, (pleurs) je l'appelais Dr Jekyll et Mr Hyde. Depuis qu'il est mort, je lui parle tous les jours et je ne veux pas m'arrêter car je pense que si j'arrête il arrivera un malheur à mes enfants. Mon père avait eu une enfance difficile, il faisait partie d'une fratrie de 5, tous de pères différents, dont un officier américain pendant la guerre. Quand il a eu 7 ans sa mère a fait de la prison, elle était très dure, elle aurait préféré donner des steaks à ses chiens plutôt qu'à ses enfants. Puis il a fait la guerre d'Algérie, il en parlait très souvent quand il était bourré.

A 12 ou 13 ans ma mère m'a parlé des coups qu'elle avait reçus pendant qu'elle m'attendait. Puis vers 15, 16 ans elle m'a confié qu'elle avait subi des viols conjugaux et qu'elle avait fait une tentative de suicide. Puis mon père m'a lui-même parlé des coups qu'il avait donnés à ma mère pendant sa grossesse, je pense juste un peu plus tard, autour de 16 ou 17 ans. J'ai des souvenirs de cet âge-là, le souvenir de mon père me disant qu'il n'avait pas voulu de moi, qu'il n'avait pas voulu que je sois là. Il répétait cela quand il était saoul. Vous me faîtes remarquer que je vous ai dit avoir commencé à grossir au début de la prise de pilule, j'avais 17 ans, j'ai pris 10kg en quelques mois. Je n'avais pas noté que c'est précisément à cet âge de 17 ans que j'ai su de sa bouche qu'il ne voulait pas de moi, j'ai ensuite continué à grossir. »

Sa réflexion

« L'émotion la plus difficile pour moi est la tristesse, une grande tristesse par rapport à mon père, j'ai eu un sentiment d'abandon, je ne supporte pas d'être seule. Mon surpoids est une enveloppe qui n'est pas moi, qui pourrait être une enveloppe pour me mettre à l'abri, pour prendre la place qu'au départ de ma vie, il n'a pas voulu me donner, pour compenser.

Cet entretien a éclairé mon parcours, je comprends mieux. Je refuse la chirurgie bariatrique, je veux juste qu'on entende ma souffrance.»

Tous les noms propres ont été anonymisés.