IZYLIS
Dossier médical
A 27 ans fausse couche précoce. Après infécondité inexpliquée de 3 ans, naissance à 30 ans d'un garçon par césarienne pour cause de toxémie, insomnies pendant la grossesse. A 32 ans fausse couche précoce après grossesse spontanée ; échec de 3 mois de stimulation.
Sa vie
« Je suis enfant unique. Mon père était un grand enfant qui ne s'occupait guère de moi. Mes parents n'étaient pas faits pour avoir des enfants, ils se sont séparés, sans se déchirer. Ma mère qui m'avait en garde était infirmière et travaillait beaucoup, c'est ma grand-mère maternelle qui me gardait souvent. Ma mère est décédée à 38 ans d'une tumeur au cerveau, j'avais 10 ans, je l'ai vue se dégrader pendant sa maladie, elle qui était très belle. Mon père ne m'a pas prise en charge, je suis naturellement allée chez ma grand-mère maternelle. Je n'ai jamais parlé avec ma grand-mère de la mort de ma mère, je ne voulais pas lui faire de peine, elle a gardé son chagrin et moi le mien. Ma grand-mère qui était une femme en or s'est battue pour m'élever, elle était veuve, n'avait pas de moyens financiers, elle a dû aller faire des ménages. Mon père n'a même pas aidé financièrement, j'en veux beaucoup à mon père de ne pas m'avoir gardée avec lui, mais je pense qu'il était incapable de m'élever, pas assez mûr. Il s'est remarié, il a eu un fils qui est mort d'une malformation. Puis il a eu un autre enfant et il a dit : 'J'ai un fils, il a ce qu'il faut là où il faut je n'aurai plus jamais d'enfant', je me souviens très bien de ces paroles péremptoires de mon père. J'ai appris à mes 16 ans par ma grand-mère qu'il avait déjà perdu un autre fils à la naissance, j'ai mieux compris ces paroles péremptoires. Mes parents s'étaient mariés aux 19 ans de ma mère car elle était enceinte, elle a accouché prématurément à 7 mois et demi, le petit garçon a vécu seulement quelques heures, il s'appelait Gabriel, je ne sais pas où il a été enterré. Ma grand-mère raconte que cela a été un drame mais ni ma mère ni mon père n'en ont jamais parlé. Mon père est mort d'une rupture d'anévrisme, quand j'avais 21 ans.
Je me suis mariée à 25 ans, j'ai mis trois ans à avoir mon fils et je n'ai pas pu en avoir un second. Ma grossesse a été très, très difficile, je pensais sans cesse à l'éventualité de perdre l'enfant. J'ai eu cela dans la tête constamment toute la grossesse, cela me réveillait quatre, cinq, six fois par nuit, je dormais très, très mal. J'avais une telle frayeur de le perdre, j'étais tellement terrifiée que j'avais du mal à le sentir bouger. J'étais très heureuse des consultations car on me faisait entendre le cœur, j'étais donc assurée qu'il était bien vivant, alors que je vivais la terreur permanente de le perdre. J'ai été très angoissée jusqu'à la fin de la grossesse et plus la grossesse avançait, plus j'avais peur. Les médecins ont dû me césariser à cause de ma tension artérielle qui montait et devenait menaçante. Au moment de l'accouchement, juste après la césarienne, on m'a enlevé le bébé pendant un moment, je me suis tout de suite dit qu'il était perdu, mais on me l'a ramené. Ses quatre premiers mois de vie ont été les quatre mois les plus beaux de ma vie, mon mari travaillait, j'étais seule avec mon bébé, je ne le quittais pas une seconde. L'infirmière qui venait me faire les piqûres contre la phlébite me disait qu'il fallait l'isoler de temps en temps dans sa chambre, moi je ne voulais pas le quitter. Donc, quand elle venait, je mettais mon fils dans sa chambre et le reprenais bien vite, dès qu'elle était partie. »
Sa réflexion
« La peur de ma vie c'est la disparition, cela m'a beaucoup gênée pendant ma grossesse. Moi je pense que cela a sûrement eu un effet sur ma tension artérielle. J'avais peur que l'histoire se répète, ma mère avait perdu un enfant et mon père 2. Je faisais tout pour casser cette répétition, ma mère aimait bien faire la fête et moi à un certain moment de ma vie je me l'interdisais, je ne m'autorisais jamais à sortir. Ma mère n'a eu qu'un enfant et moi aussi, je ne me suis pas octroyé le droit d'avoir plus qu'elle, je me sens prisonnière de ma lignée, alors que je voudrais casser cela. Le fait que la mort de mon frère ait été cachée me l'a rendue plus difficile encore à accepter. Pourquoi me l'a-t-on cachée ?
Pour moi l'absence d'une deuxième grossesse sera toujours un manque pour toute ma vie, un problème très vivace. Cette seconde grossesse qui n'est pas venue, je l'ai très ardemment désirée et aussi tellement crainte ! C'est pour cela que j'ai repris la pilule à 36 ans car ne pas avoir d'enfant c'est dur, mais à sa perte, on ne peut pas survivre. Mon fils c'est toute ma vie, si je le perdais rien ne me raccrocherait à la vie. J'ai prévenu mon mari que je ne survivrais pas à mon fils si je devais le perdre. Quand on a un enfant unique, on a toujours la crainte de le perdre par la mort ou parce qu'il rencontre une femme qui ne veut pas vous voir. Souvent je demande à mon fils : 'Si tu rencontres une femme qui ne veut pas me voir, que feras-tu ?' J'ai toujours peur d'être malade et que mon fils connaisse ce que j'ai connu : la perte de la mère. »
Remarque
Revue en consultation un an après l'entretien, elle dit :
« L'entretien m'a fait énormément de bien, je me suis sentie tellement légère et le bienfait a été pérenne. Je n'avais jamais parlé de tout cela à personne. Je pense que la grossesse se serait mieux passée si cet entretien avait eu lieu avant elle, j'aurais eu moins peur. »