MAY
Dossier médical
A 28 et 29 ans 2 fausses couches après grossesses spontanées, bilan normal. A 31 ans naissance d'une fille après FIV, déclenchement à 38 semaines d'aménorrhée pour pré-éclampsie. A 32 ans nouvelle fausse couche.
Sa vie
« Je suis l'aînée d'une fratrie de 3 enfants, j'ai 2 frères. Ma grand-mère maternelle était folle, hystérique. Je me souviens très bien d'un jour où j'étais chez elle avec mes cousins plus petits que moi, j'avais une dizaine d'années. Elle a fait une crise de folie, elle hurlait, elle tapait partout, elle tapait sur mon grand-père, je suis partie et j'ai emmené les petits chez ma tante. Dans la famille on disait qu'il avait dû se passer des trucs avec ses cousins, elle était addicte à la propreté. Ma mère n'allait pas bien non plus, elle était écorchée vive, elle avait été le souffre-douleur de sa mère, elle était dépressive tout le temps (pleurs), elle a fait une psychanalyse pendant une dizaine d'années qui l'a beaucoup aidée. J'ai eu l'amour de mes parents, mais pas la tendresse, mon père m'a prise dans ses bras pour la première fois à 33 ans.
Je me souviens d'un épisode de peur de mon enfance, de peur pour mon père. J'avais 6 ans, mon frère 4, c'était l'hiver, nous nous promenions à la campagne et mon frère est tombé dans l'eau glacée. Mon père a plongé immédiatement pour aller le chercher et il est rentré en courant à la maison pour réchauffer mon frère. Quand moi je suis arrivée à la maison un peu plus tard, mon père était couché dans l'entrée, les pieds en l'air le médecin à côté de lui. Un papa n'était donc pas comme je le croyais invincible. J'ai eu ma première véritable peur, cela m'arrive d'y repenser (pleurs).
J'ai eu mes premières règles à 12 ans, je ne les ai pas bien accueillies, car elles ont été très abondantes et j'ai dû me débrouiller toute seule, ma mère n'était pas fortiche sur ce sujet. J'ai rencontré mon futur mari à 17 ans. J'ai eu mon premier rapport à ce moment, pas terrible, c'était pour la liberté que cela donne. J'ai arrêté la pilule 10 ans plus tard, à 27 ans, pour arrêter les hormones. Seulement 6 mois plus tard, j'étais prête pour la grossesse, mais pas mon mari. Un an plus tard, on était prêts tous les deux. Quand on essaie d'avoir un enfant, cela met un coup dans la vie sexuelle d'un couple, c'est traumatisant. A 28 ans j'ai fait ma première fausse couche, je pense qu'elle était un brouillon. Quelques mois plus tard, la deuxième fausse couche à 2 mois a été beaucoup plus traumatisante, j'ai eu des douleurs épouvantables pour l'expulsion, sur les toilettes, à vomir de douleur. J'ai pensé avoir fait cette fausse couche pour avoir fait quelque chose de travers, comme si c'était de ma faute. Je craignais que ce soit à cause de médicaments que j'avais pris, et aussi à cause des produits d'entretien utilisés pour nettoyer un appartement, je me suis culpabilisée. J'ai fait une dépression et pris des antidépresseurs pendant 6 mois.
Ensuite j'ai eu une FIV pour être enceinte de ma fille. Ont été transférés deux embryons, mais je n'étais pas trop d'accord, j'avais peur d'avoir des jumeaux, heureusement il n'y en a eu qu'un. J'ai dit à l'embryon : tu as intérêt à t'accrocher car je ne sais pas si je recommencerai. Cette grossesse s'est mal passée, j'ai vomi pendant les trois premiers mois, perdu 2 kg, eu mal aux articulations, au dos, à l'estomac, je répertoriais tous mes symptômes, tous mes dosages comme j'avais fait pour les fausses couches. Puis à 38 semaines d'aménorrhée on m'a déclenchée en urgence à cause du problème de tension, je l'ai mal vécu, j'estime qu'on m'a volé deux semaines de grossesse. J'ai été traumatisée par les spatules qui ont dû être utilisées au moment de l'accouchement. Quand ma fille est née elle a eu du mal à respirer, ils l'ont emmenée pendant ¾ d'heure avant de me la rendre. Je n'ai pas posé de questions, je ne voulais pas savoir, par peur des réponses, je voulais seulement qu'on me rassure. En ce qui concerne ma troisième fausse couche, la grossesse est venue très vite le premier mois après la décision mais je n'étais pas prête. J'ai dit oui pour cette grossesse, poussée par mon mari, mais j'avais peur. Je ne voulais pas avoir un enfant un an après ma fille car elle ne mérite pas qu'on la délaisse, je ne veux pas la délaisser, je ne veux pas la partager. Et puis les bébés ne m'attirent plus spécialement aujourd'hui.
Quand j'ai eu 23 ans ma mère a créé dans la grande maison familiale un lieu pour recevoir les enfants placés, elle en a sept. Depuis que ma fille est née j'ai du mal à rentrer chez mes parents, ces enfants me prennent ma place, je ne veux pas que ma fille se retrouve dans cette cohue avec les enfants, les chats, les chiens, le poney. Je ne veux pas qu'ils voient, qu'ils touchent ma fille, qu'ils lui fassent des bisous. Je ne veux pas la partager. »
Sa réflexion
« Pendant ma grossesse j'avais peur, je n'osais même pas respirer, j'avais peur qu'il n'y ait pas d'aboutissement de la grossesse, j'avais peur d'une fausse couche, d'une malformation, d'une mort in utero. Cette peur était non contrôlable, une peur à 9, voire 9 et demi sur 10. Et pourtant j'ai adoré être enceinte, la grossesse a été à la fois une 'zénitude', et une peur à la hauteur de celle-là. Je ne pouvais pas me réjouir car j'avais trop peur d'être déçue, d'être malheureuse, de ne pas pouvoir me relever. J'avais besoin d'être rassurée sans cesse. Si on enlevait ma peur c'est sûr que cela m'aiderait. J'ai déjà fait 2 séances d'hypnose pour cela juste avant la grossesse qui m'a donné ma fille. »