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CALYPSO

Dossier médical

Vers 16 ans crises de tétanie, spasmophilie, hospitalisation quelques jours. A 17 ans hospitalisation de plusieurs semaines en psychiatrie pour dépression. Vaginisme rendant les rapports sexuels impossibles. A 22 ans hospitalisation pour algies pelviennes qui resteront inexpliquées. A 24 ans maladie de Hodgkin.

Sa vie

« J'ai été abusée par mon prof de musique pendant 3 ans entre 9 et 12 ans. J'avais mal au ventre à chaque fois que j'allais à mon cours de musique. Je n'ai pas pu en parler si ce n'est à une de mes copines, puis j'ai totalement oublié, complètement occulté.

J'ai eu mes premières règles à 14 ans, elles ont été très douloureuses, des douleurs invalidantes avec perte de connaissance, les suivantes se sont passées tout aussi mal. A 16 ans j'ai commencé à faire des malaises, des crises de tétanie, de spasmophilie. Cela m'est arrivé plusieurs fois sur la voie publique, les pompiers sont venus me chercher, une fois une ambulance m'a emmenée à l'hôpital où ils m'ont gardée plusieurs jours, les médecins n'ont rien trouvé, les examens étaient normaux. Ces malaises me sont arrivés peut-être 3 ou 4 fois dans l'année. Puis j'ai fait une dépression qui a duré 6 mois, je restais toute la journée dans ma chambre dans le noir à écouter de la musique. J'ai été hospitalisée plusieurs semaines dans une clinique psychiatrique, je ne pense pas en avoir parlé au psychiatre, mais il ne me l'a pas demandé. A ma sortie, j'ai fait une deuxième terminale, j'avais raté la première à cause de l'absentéisme due à mon hospitalisation. Ma mère m'a proposé de voir une psychologue, je l'ai vue plusieurs mois sans comprendre pourquoi je n'allais pas bien puis j'ai commencé à ce moment-là à faire des cauchemars en début de nuit, toujours les mêmes. Je revoyais ce qui avait dû se passer, mais je l'avais tellement occulté que je me demandais si c'était réellement vrai ou bien si je le rêvais simplement, cela a duré pendant plusieurs mois. J'étais violente quand mes parents venaient voir ce qui se passait, surtout avec mon père à qui je ne pouvais pas parler normalement, je hurlais sur lui. Ces cauchemars m'ont permis avec la psychologue de faire le lien avec l'abus et de comprendre : j'avais 17 ans. Comme j'avais conservé mon amie à qui j'en avais parlé quand j'étais enfant, elle m'a rappelé les confidences que je lui avais faites, et la véracité des faits ; moi je ne savais pas si c'était la vérité. Ce n'est toujours pas clair dans ma tête, je ne sais pas exactement ce qui s'est passé, je revois sa braguette ouverte, ses mains. C'est difficile de ne pas savoir, cela m'empêche d'avancer.

Vers 18 ans, je me suis décidée à en parler à mes parents car j'étais culpabilisée par rapport à mon attitude envers mon père. J'ai mis du temps à le leur dire car je savais que ce serait une grosse difficulté pour eux, une culpabilité importante. Je l'ai dit quand j'ai pu leur expliquer que je savais pourquoi je n'allais pas bien, quand j'avais réussi à faire le lien. Au lycée lors de ma seconde terminale, un jour où j'allais mal, j'en ai parlé à l'infirmière qui m'a invitée à porter plainte, j'ai vu les policiers. J'ai reçu une lettre ensuite disant qu'il n'y avait pas de preuves suffisantes et que l'affaire était classée ; cela, c'est très dur ! De plus il est décédé quelques mois plus tard, et l'école de musique porte maintenant son nom, ce qui a été une souffrance supplémentaire. Je suis partie à l'étranger pendant 9 mois, j'y ai été bien. A mon retour, je me suis installée dans une autre région que la mienne car je ne veux plus revenir dans ma région, passer devant l'école de musique, si je passe, la nuit je ne peux pas dormir.

A 22 ans, j'ai été hospitalisée en urgence pour les douleurs pelviennes, cet épisode a été extrêmement difficile pour moi, car aux urgences ils ont voulu faire un examen gynécologique, il s'est très mal passé, sans ménagement, il a été très traumatisant pour moi. Personne ne m'a demandé de renseignements sur ma vie intime.

A 24 ans j'ai fait une maladie de Hodgkin. Le fait d'avoir guéri de mon cancer me donne des ailes, car je me découvre plus forte que ce que je pensais, j'ai réussi à surmonter un cancer. Je me suis posé la question d'un lien avec ce qui s'est passé, car cela rend les femmes tellement vulnérables ! Après ma maladie je suis restée 3 ans sans règles, puis elles sont revenues régulièrement ensuite. J'ai alors dû reprendre la pilule qui calme la douleur au moment des règles, mais je n'en ai pas besoin comme contraception puisque je n'ai pas de rapports. J'ai eu un copain pendant 5 ans et demi et les nombreuses tentatives de rapports sexuels ont toutes été des échecs. Je n'ai jamais eu de rapports sexuels complets, mon copain m'a quittée de ce fait. Je suis allée voir une sexologue à cause de ce problème de vaginisme, elle a mis des mots sur les faits, elle a utilisé les mots de 'pédophile', de 'victime', ces mots ont été une étape importante dans mon parcours. J'ai peur d'avoir un nouveau copain, donner ma confiance à un homme c'est difficile. J'ai 29 ans, je suis toujours vierge et je ne me vois pas avec quelqu'un. Cet été je suis allée voir une copine dans un pays lointain, juste pour me sentir vivante. »

Sa réflexion

« Je pense que si on m'avait expliqué avant que cela n'était pas normal, et qu'on n'était pas obligé de se taire, j'aurais pu réagir. Je pense aussi que si quelqu'un me l'avait demandé au moment des faits, j'aurais pu en parler, après non puisque je l'ai occulté. Si je n'en avais pas parlé à ma copine à l'époque, j'aurais pu ne jamais retrouver le souvenir. C'est un crime parfait. Je suis allée voir deux psychiatres, et les ai vus seulement une fois, je n'ai pas rencontré de compréhension.

A 30 ans j'ai fait 7 séances d'EMDR, ces séances ont changé ma vie, elles m'ont sauvé la vie. Avant j'étais dans la survie, maintenant je revis. Pourtant la période des séances a été difficile, un parcours très dur, mais une page s'est tournée à l'intérieur. Je ne pensais pas que c'était possible, je n'ai plus d'angoisses, je suis une nouvelle moi, et ce, presque du jour au lendemain, c'est complètement magique, et magique pour la vie de tous les jours, je peux maintenant me promener librement dans la rue, avant, j'étais toujours inquiète, angoissée par insécurité. Je peux maintenant parler de ce qui m'est arrivé, avant je ne pouvais pas, et je peux en parler sans avoir d'émotions négatives.»

Tous les noms propres ont été anonymisés.