CIRCE
Dossier médical
A 6 ans hospitalisation pour crise de tétanie, spasmophilie. A 18 ans naissance d'un garçon. Trois dépressions à 18, 39 et 48 ans, motivant à chaque fois un séjour de plusieurs semaines en hÎpital psychiatrique
Sa vie
« Mon pÚre était alcoolique, j'ai été élevée par ma grand-mÚre jusqu'à 7 ans et demi. A l'ùge de 6 ans, j'ai subi pendant une année des attouchements par le voisin de mes grands-parents. Je n'ai pas pu en parler, mais j'ai fait des cauchemars la nuit, des crises d'angoisse avec tremblements à tel point que j'ai été hospitalisée. On a fait un électro - encéphalogramme qui s'est révélé normal, on m'a prescrit des médicaments.
Je suis revenue vivre chez mes parents Ă 7 ans et demi. Je n'ai pas pu en parler non plus, mon pĂšre Ă©tait violent avec ma mĂšre et avec moi quand il Ă©tait saoul. J'apprĂ©hendais de rentrer Ă la maison quand je revenais de l'Ă©cole, le soir je me cachais dans une cabane au fond du jardin en attendant que mon pĂšre soit couchĂ©. Une fois j'ai failli m'arrĂȘter au commissariat pour parler, mais je n'ai pas osĂ©. Mon pĂšre est mort Ă 39 ans, j'avais 14 ans, ma mĂšre est morte 10 mois plus tard. Ensuite j'ai vĂ©cu chez ma tante et j'ai Ă©tĂ© heureuse. A 16 ans j'ai Ă©tĂ© enceinte, j'ai Ă©pousĂ© mon mari actuel Ă qui j'ai tentĂ© d'en parler mais il ne m'a pas crue. »
Sa réflexion
« Seulement à 60 ans j'ai réussi à en parler, d'abord au psychiatre avec qui j'ai entamé une psychothérapie depuis laquelle je vais beaucoup mieux. Ensuite j'ai pu en parler à ma tante qui a confirmé que le voisin avait eu d'autres histoires, puis à vous aujourd'hui. Avant je n'avais pas de référent à qui en parler, et on n'ose pas le faire si on n'y est pas invité, c'est tellement difficile.
J'aurais aimĂ© en parler plus tĂŽt, mais personne ne me l'a proposĂ©. Je pense que si mon mĂ©decin de famille me l'avait demandĂ© Ă 6 ans, j'aurais pu le dire. Cela aurait changĂ© ma vie, je n'aurais peut-ĂȘtre pas fait 3 graves dĂ©pressions avec hospitalisations, et probablement pas pris 17 ans d'antidĂ©presseurs. Merci de m'avoir Ă©coutĂ©e.
Je porterais plainte s'il était encore vivant. »
[^1]: Simon, 2004, p.108, Le Monde du 5 janvier 2003.
[^2]: Jean-Claude Ameissen, La sculpture du vivant, 2003, p.166.