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ELSA

Dossier médical

A partir de la puberté, consultations pour infections gynécologiques, mycoses vulvaires, cystites, herpès, contraceptions mal supportées, rapports sexuels non protégés, dyspareunie, algies pelviennes inexpliquées dont 2 épisodes aigus ont nécessité SOS médecins en pleine nuit. Trois IVG dont la première à 19 ans, une fausse couche curetée, une GEU (grossesse extra utérine), 2 enfants à 30 et 32 ans. Anorexie IMC : 16. Hépatite C à 26 ans. Deux hospitalisations pour fibrillation auriculaire à 30, 31 ans. Plusieurs tentatives de suicide, la première à 15 ans ; cauchemars, insomnies, angoisses. Prise de lithium pour maniaco-dépression à 29 ans, prise d'antidépresseurs depuis l'âge de 30 ans, arrêts de travail pour épisodes dépressifs.

Sa vie

« Je suis la seconde d'une fratrie de deux filles. Ma mère était une tortionnaire alcoolique, infirmière-chef dans un hôpital, elle tenait à sa réputation. C'était la maison des violences, des insultes, c'était invivable. Elle nous réveillait la nuit avec des hurlements quand elle était ivre, nous criait dessus, nous tapait la tête contre les murs. Elle nous donnait souvent des sédatifs quand on était enfants pour avoir la paix. Elle a tenté d'assassiner ma sœur en l'étouffant une nuit. Elle nous a réellement traumatisées. Un jour, elle m'a jeté une assiette de raviolis brûlants sur les genoux. Elle pouvait jeter nos affaires par la fenêtre. Une fois à l'école elle a été convoquée car j'avais pas mal de bleus à cause des coups. On l'a payée très cher cette convocation, la violence a redoublé. Après j'ai toujours caché mes bleus, et je n'ai plus jamais rien dit, et un jour j'ai frappé ma mère.

Mon père, un salaud, un salaud avec les femmes. Trois fois marié, trois fois divorcé avec des femmes qu'il a trompées, endettées. Je n'ai pas grandi avec lui. Les hommes n'ont pas de limites, ils sont abjects. J'ai beaucoup de haine envers les hommes. Je suis attristée pour moi et pour toutes les femmes en général.

A 16 ans je ne pensais qu'à avoir un bébé, à chaque fois que je connaissais un garçon je pensais au père en lui. Mon premier rapport sexuel, je l'ai eu à 15 ans, il s'est très mal passé, je me suis sentie humiliée, abusée et pourtant j'étais amoureuse de lui. Il a tiré son coup et est reparti dans la demi-heure, cela a été abject. Je l'ai vécu comme un abus, comme je l'ai souvent ressenti d'ailleurs dans les rapports. Dans mes premiers rapports, j'ai été sodomisée brutalement par un homme dont j'étais amoureuse, je ne comprenais pas ce que ce qui m'arrivait, il était plus âgé que moi, comme beaucoup de mes compagnons d'ailleurs. Je les choisissais plus âgés pour qu'ils me protègent, et j'ai souvent été une proie. J'ai été abusée plusieurs fois : enfant, par ma mère d'abord qui faisait des attouchements sur ma sœur et moi, puis par le voisin de palier, par le prof de sport, et ensuite par les chauffeurs qui me prenaient en stop. Je faisais du stop car je m'absentais de chez moi le plus souvent possible. Quand je suis partie de chez moi à 16 ans, je suis allée chez ma tante, j'y ai vécu un moment de paix avec mes cousins jusqu'au jour où mon oncle a essayé d'avoir un rapport avec moi.

A 26 ans j'ai subi un viol avec une tentative d'assassinat. A 28 ans j'étais avec un copain qui était très violent, un soir il a mis le feu à la caravane dans laquelle nous vivions, il a été brûlé et hospitalisé en réanimation. Puis j'ai connu le père de mes enfants, nous en avons eu deux, et il m'a quittée, il est parti à l'étranger. J'étais complètement perdue, son père, donc mon beau-père, est venu me consoler, j'ai eu des rapports avec lui, et cela a duré plusieurs mois, il voulait divorcer et me faire un enfant. Les hommes n'ont pas de limites. J'ai un dégoût des hommes, je les hais. Je n'ai pas besoin des hommes, je les déteste. Ce ne sont pas des bons papas, ce ne sont pas des bons maris. Ils m'ont fait du mal. Tout cela aurait dû me bloquer, et bizarrement, au contraire, j'ai fait l'inverse, je me suis amusée avec eux, je me suis salie avec eux, comme une vengeance. J'ai eu énormément de partenaires, cela veut dire que je ne peux pas les compter. J'ai vécu en couple de 20 à 22 ans et de 30 à 34 ans seulement. C'est très difficile de faire l'amour avec moi quand je n'ai pas bu. Rien que d'imaginer de faire l'amour ça me dégoute, alors que si j'ai bu un petit peu c'est possible. J'ai souvent des rapports d'un soir, toujours alcoolisée. C'est le plaisir de salir, la destruction. Je ne sais pas si j'essaie de me faire du mal ou si j'essaie de leur faire du mal mais c'est un jeu dangereux, je me suis fait plus de mal encore. Personne ne vous respecte, donc on n'a plus envie de se respecter soi-même. J'ai fait plusieurs tentatives de suicide. La première, à 15 ans, quand j'étais chez ma tante et que mon oncle a essayé, la seconde à 17 ans en essayant de m'ouvrir les veines, puis ensuite l'autodestruction avec la drogue. Quand mon mari est parti, il m'a menacée de prendre mes enfants, je lui ai dit que ce ne serait pas possible de me les prendre car je me suiciderais avec eux. Je le pensais vraiment et je n'ai pas été loin de le faire, je ne voulais pas les laisser dans cette vie de merde. Pour moi quand je pense suicide, je pense soulagement. Je me suis droguée très jeune, j'avais 11, 12 ans, d'abord des pétards, puis de la cocaïne que je sniffais, j'ai commencé à me piquer à l'âge de 26 ans, et cela a duré pendant plusieurs années. Je mélange alcool, médicament, drogue. Au centre dans lequel ils s'occupent des drogués ils ont été formidables, ils m'ont beaucoup aidée. Aujourd'hui, ça m'arrive encore d'en consommer mais c'est rare. En fait, je me suis plus ou moins arrêtée quand j'ai eu mes enfants. C'est eux qui me redonnent confiance en moi, qui m'aident : ma jolie Julie et mon prince Marius. J'aimerais un autre enfant, mais je ne veux pas du papa, vivre avec un homme, non je ne veux pas.

J'ai des moments d'angoisse terribles, surtout le soir et la nuit pour lesquels j'ai toujours un anxiolytique sur moi. Quand l'angoisse arrive, j'ai la boule au ventre ; pour éviter d'être obligée de boire pour aller mieux, pour que cela soit supportable, je prends un anxiolytique. Je suis sous antidépresseur depuis plusieurs années. Mes hospitalisations pour arythmie ont été déclenchées les deux fois par la prise de cocaïne et d'alcool. On ne m'a pas posé de questions sur cela à l'hôpital.

Le cadeau de ma vie ce sont mes enfants. Dame Nature a bien fait les choses, au moment de la fausse couche, de la GEU, je n'aurais pas pu être la maman que je suis actuellement. D'un autre côté, cela m'aurait peut-être évité de faire tant de bêtises si j'avais eu mes enfants plus tôt. Mes deux enfants ont été abusés par le voisin de palier de 15 ans à 4 et 6 ans. Il les gardait de temps en temps, j'avais confiance en lui. C'est mon fils qui a craqué et me l'a dit un soir. Cela faisait 18 mois que je faisais suivre mon fils par un psychologue et on me disait : 'Votre fils va bien.' Le garçon a reconnu les faits, j'ai porté plainte, il y a eu une amende de 2500 euros par enfant et 800 euros d'indemnité pour moi. 800 euros pour l'abus d'un enfant qui a duré deux ans ! »

Sa réflexion

« J'ai commencé les cystites à l'adolescence vers 14 ans, mes problèmes de cystite sont souvent dépendants des rapports. Je me sens sale, je me sens être un gros microbe à moi toute seule. J'ai eu des moments tranquilles, pendant mes deux grossesses et après pendant quelques années, à ce moment-là j'ai mis mon corps en jachère. Mes deux grossesses ont été un moment magnifique de réconciliation avec la féminité. Je commence à me dire que tous ces problèmes de santé peuvent avoir un lien avec ma vie, comme les crises d'arythmie ont été déclenchées par des crises d'angoisse. Je suis inquiète pour ma santé car j'encaisse tellement de trucs que je me dis qu'un jour ça ne va plus tenir, ça va lâcher. Je suis fatiguée physiquement, je suis fatiguée psychologiquement, je n'ai plus envie de manger, je pèse 44 kg pour 1,65 m, c'est encore de l'auto-destruction. Je ne sais pas comment je tiens debout. Parfois je me demande si je veux vraiment continuer à vivre. Je trouve la vie si difficile, et surtout pour les femmes ! Je voudrais monter une association pour les femmes en difficulté.

Je n'ai trouvé aucune aide au point de vue humain auprès des médecins, rien.... à part le centre pour les drogués. Pour la plupart, ça ne les intéresse même pas. J'ai une telle haine au fond de moi !»

Tous les noms propres ont été anonymisés.